Les procès des personnes jugées pour des infractions passibles de la peine de mort dans le cadre des manifestations qui ont eu lieu dans tout le pays n’ont rien de véritables procédures judiciaires. Les autorités iraniennes se sont appuyées sur des « aveux » extorqués sous la torture et d’autres éléments de preuve obtenus en violation du droit international et des normes internationales pour prononcer des mises en accusation et des condamnations.
Des personnes ont été empêchées de consulter un avocat durant la phase d’enquête. Les autorités ont également interdit à des avocats désignés de manière indépendante d’assister aux audiences et de consulter les dossiers de leurs clients. Le droit à la présomption d’innocence a été lui aussi régulièrement bafoué : les médias d’État ont en effet diffusé avant leur procès les « aveux » forcés de plusieurs accusés. Les procédures ont été accélérées, certaines condamnations à mort étant prononcées quelques jours seulement après l’ouverture du procès.
Ces procès ont eu lieu dans tout le pays, notamment dans la province d’Alborz pour Mohammad Boroughani et Mahand Sadrat (Sedarat) Madani, la province d’Ispahan pour Majid Kazemi, Saleh Mirhashemi et Saeed Yaghoubi, la province du Khuzestan pour Mojahed (Abbas) Kourkour, la province du Sistan-et-Baloutchistan pour Ebrahim Narouie, Mansour Dahmardeh, Kambiz Kharout, Shoeib Mir Baluchzehi Rigi, Mansour Hout et Nezamoldin Hout, et la province de Téhéran pour Manouchehr Mehman Navaz, Mohammad Ghobadlou, Saeed Shirazi, Abolfazl Mehri Hossein Hajilou et Mohsen Rezazadeh Gharegholou. Sur les huit personnes sous le coup d’une condamnation à mort, quatre ont vu cette peine leur être infligée pour des infractions telles que vandalisme, agression et incendie volontaire, en violation du droit international qui interdit d’imposer la peine de mort pour des infractions n’impliquant pas un homicide volontaire.
Amnesty International a recueilli des informations sur des actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés à six personnes dans le but de leur extorquer des « aveux » ; ces personnes, qui ont été condamnées à mort, sont Ebrahim Narouie, Kambiz Kharout, Mansour Dahmardeh, Mohammad Ghobadlou, Mojahed (Abbas) Kourkour et Shoeib Mir Baluchzehi Rigi. Selon des sources bien informées, les personnes qui ont interrogé Ebrahim Narouie, condamné pour « corruption sur terre » (efsad-e fel arz) fin 2022, l’ont soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements – notamment en lui enfonçant des aiguilles dans les parties génitales – pour le contraindre à faire des « aveux » forcés par écrit et devant une caméra.
Une source bien informée a également déclaré à Amnesty International que Mohammad Ghobadlou, dont la condamnation pour « corruption sur terre » et la sentence capitale ont été confirmées par la Cour suprême en décembre 2022, a été régulièrement frappé et privé de ses médicaments pour son trouble bipolaire. Un rapport médicolégal confirme que durant sa détention il a subi des blessures et des contusions.
À ce jour, les autorités ont exécuté arbitrairement sept personnes en lien avec les manifestations, à l’issue de procès iniques entachés d’allégations de torture. Le 19 mai 2023, l’Iran a exécuté Majid Kazemi, Saleh Mirhashemi et Saeed Yaghoubi, dont le procès s’était tenu en décembre 2022 et janvier 2023. Les trois hommes avaient été condamnés à mort pour des accusations excessivement vagues et générales d’« inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh).
Les autorités avaient engagé ces poursuites sur la base d’allégations sans fondement s’appuyant sur des « aveux », obtenus sous la torture, selon lesquels ces hommes auraient utilisé des armes à feu pendant des manifestations au cours desquelles trois membres des forces de sécurité avaient été tués. Elles ne les ont toutefois pas inculpés ou déclarés coupables d’homicide pour ces morts. Le 10 mai, les autorités ont annoncé que leur déclaration de culpabilité et leur condamnation avaient été confirmées par la Cour suprême, en dépit de violations des règles de procédure, de graves vices de procédure, de preuves insuffisantes et d’allégations de torture n’ayant jamais donné lieu à des enquêtes.
Selon les informations obtenues par Amnesty International, les trois hommes ont été victimes de torture alors qu’ils étaient soumis à une disparition forcée et ont été forcés à faire des déclarations dans lesquelles ils se mettaient eux-mêmes en cause. Les personnes qui l’ont interrogé ont suspendu Majid Kazemi la tête en bas et lui ont montré une vidéo dans laquelle ils torturaient son frère et le soumettaient à plusieurs reprises à de fausses exécutions.
Depuis le début du soulèvement populaire en septembre 2022, les autorités ont arrêté et inculpé des milliers de personnes, ce qui laisse craindre que d’autres soient également condamnées à mort.
Outre les hommes mentionnés plus haut, Amnesty International a obtenu la confirmation qu’au moins 16 autres personnes sont actuellement détenues et inculpées ou accusées d’infractions passibles de la peine capitale : Toomaj Salehi, Farzad (Farzin) Tahazadeh, Farhad Tahazadeh, Karwan Shahiparvaneh, Reza Eslamdoost, Shahram Marouf-Moula, Pouria Javaheri, Heshmatollah Tabarzad, Bahman Bahmani, Mohsen Ahmadpour, Behrouz Salahshour, Rasul Badaghi, Vahid Abbasi, Reza Arabpour, Sadegh Ghasemi et Ismail Mousavi Nazari.
Depuis la fin du mois d’avril 2023, les autorités ont exécuté à un rythme effréné des dizaines de personnes, intensifiant le recours à la peine capitale comme outil de répression pour tenter d’instiller la peur au sein de la population et d’écraser les actes de résistance contre le pouvoir et la classe dirigeante.