Écrire Risque imminent d’exécutions

Trois personnes condamnées à mort ont été transférées le 8 mai à l’île prison indonésienne de Nusakambangan, où 13 exécutions ont eu lieu en 2015. Le 10 mai, le procureur général a confirmé à l’attention des médias l’imminence d’une nouvelle série d’exécutions.

Trois prisonniers ont été transférés le 8 mai, vers 20 heures, du centre pénitentiaire de Batam Class II dans la province des îles Riau à la prison de Batu, sur l’île prison de Nusakambangan, dans la province de Java-Centre, où 13 personnes ont été exécutées en 2015. C’est en 2007 que les trois prisonniers ont été déclarés coupables, dans la même affaire, de tentative de contrebande de comprimés de benzodiazépine depuis la Malaisie et condamnés à mort par le tribunal de district de Batam.

Depuis le 7 avril, selon de nombreux médias indonésiens et étrangers, le procureur général du pays, Muhammad Prasetyo, aurait déclaré à plusieurs reprises qu’une nouvelle série d’exécutions était en préparation. Il a aussi confirmé à l’adresse des médias, le 10 mai, que ces mises à mort auraient lieu « dans un avenir proche ». Des fonctionnaires de la prison et de la police ont annoncé que les lieux ont été préparés en vue des exécutions et que des pelotons d’exécution ont été organisés.

Les autorités n’ont pas encore rendu publics les noms des prisonniers qui doivent être exécutés, ni la date de leur mise à mort. Le 21 avril, Luhut Panjaitan, ministre coordinateur des Affaires politiques, de la Justice et de la Sécurité, a déclaré lors d’une conférence de presse à Djakarta que les autorités ne préviendront les futurs suppliciés que trois jours à l’avance, comme l’exige la loi indonésienne. Il a également annoncé la tenue d’une conférence de presse trois jours avant les exécutions. D’après des informations recueillies dans les médias (qu’Amnesty International n’a pas pu vérifier de manière indépendante), entre 10 et 15 personnes, toutes condamnées pour des infractions liées aux stupéfiants, auraient été désignées pour les prochaines exécutions. Parmi elles figureraient des Indonésiens et des étrangers.

Les autorités indonésiennes ont à maintes reprises cité leur programme d’exécutions comme étant un moyen efficace de lutte contre le trafic de stupéfiants, alors qu’aucun élément indépendant et digne de foi ne permet de soutenir cette argumentation. Aux termes du droit et des normes internationaux, le recours à la peine de mort doit être limité aux « crimes les plus graves » ou aux homicides volontaires.

Quatorze personnes ont été exécutées en Indonésie en 2015, dont 13 sur l’île prison de Nusakambangan, Java-Centre. Sur ces 14 prisonniers, six ont été exécutés le 18 janvier et huit le 29 avril. Au moins 46 condamnations à mort ont été prononcées en 2015, soit bien plus que l’année 2014 au cours de laquelle seulement six nouvelles condamnations ont été enregistrées.

Parmi les peines de mort prononcées en 2015, 29 concernaient des infractions à la législation sur les stupéfiants et 17 des affaires de meurtre. Au moins 165 prisonniers étaient sous le coup d’une sentence capitale à la fin de l’année.

Toutes les personnes exécutées en 2015 l’ont été pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, qui ne peuvent pas être assimilées aux « crimes les plus graves » auxquels le droit et les normes internationaux limitent le recours à la peine de mort.

Aux termes des Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort [ONU] la peine capitale ne doit être infligée que s’il s’agit « au moins de crimes intentionnels ayant des conséquences fatales ou d’autres conséquences extrêmement graves ». Le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires précisait dans son rapport de 2012 que les condamnations à mort ne devaient pouvoir « être imposées que pour les crimes commis avec l’intention de donner la mort », soulignant en particulier que la peine de mort « ne peut pas être imposée pour les infractions liées à la drogue qui ne remplissent pas cette condition ».

D’après des recherches menées par la Commission nationale des droits humains (Komnas HAM), Amnesty International, l’Institute for Criminal Justice Reform et d’autres organisations de défense des droits humains, les dysfonctionnements systémiques de la justice en Indonésie ont donné lieu à des violations du principe d’équité des procès et d’autres garanties internationales qui, dans toutes les affaires pouvant entraîner la peine de mort, doivent être observés de la manière la plus stricte. Dans plusieurs de ces affaires, les défendeurs n’avaient pas eu la possibilité de consulter un ou une avocat-e dès leur arrestation ni à d’autres stades de leur procès et de leurs recours en appel.

Certains ont été maltraités par la police qui voulait leur faire « avouer » des crimes ou les forcer à contresigner des rapports d’enquête policière destinés à servir de preuve devant le tribunal. Pour plusieurs personnes, leur première comparution devant un tribunal a eu lieu à l’ouverture de leur procès, plusieurs mois après leur arrestation. Certaines n’ont pas été assistées d’un avocat lorsqu’elles ont fait appel de leur déclaration de culpabilité ou de leur condamnation, ou n’ont même pas déposé un recours en appel par manque d’information de la part de leurs avocats. Cinq condamnés à mort avaient été exécutés en 2015 alors même que les tribunaux indonésiens avaient accepté d’entendre leur appel.

Malgré l’interdiction formelle du droit international d’imposer la peine de mort aux personnes âgées de moins de 18 ans ou souffrant de handicaps mentaux, Amnesty International a établi que les affirmations mises en avant par deux prisonniers concernant pour l’un son jeune âge au moment des faits, et pour l’autre son handicap mental, n’ont pas fait l’objet d’une enquête approfondie, ce qui a donné lieu à l’imposition illicite de la peine de mort et, dans un cas au moins, à une exécution.

La plupart des pays du globe ont désormais aboli ce châtiment pour tous les crimes, et 140 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Pour la seule année 2015 cinq nouveaux pays (Congo, Fidji, Madagascar et Suriname) ont supprimé la peine de mort dans leur législation. Amnesty International s’oppose à la peine de mort dans tous les cas et en toutes circonstances, quelles que soient la nature du crime commis, la personnalité de son auteur ou la méthode d’exécution utilisée par l’État.

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