Écrire Risque d’impunité dans des cas de stérilisation forcée

Le droit d’obtenir justice de milliers de femmes – principalement des paysannes, des autochtones et des femmes parlant quechua – stérilisées contre leur gré est menacé, les autorités n’ayant pas engagé de poursuites contre les responsables présumés avant l’expiration du délai légal.

Le 4 juillet, a expiré le délai légal pour que le bureau du procureur puisse engager des poursuites contre les responsables présumés de la stérilisation forcée de 2 074 femmes au Pérou à la fin des années 1990.

Le 10 mai 2015, le bureau du procureur a rouvert l’enquête sur ces affaires qui avaient été classées en janvier 2014. Il a demandé une prolongation de la date butoir en août 2015, puis une nouvelle fois en février 2016, en vue de poursuivre les investigations. Cependant, il n’a pas honoré sa responsabilité concernant l’inculpation des responsables présumés avant le délai légal fixé au 4 juillet, ce qui compromet sérieusement le droit de toutes les victimes d’obtenir justice.

Le gouvernement péruvien s’est engagé à mener une enquête approfondie sur cette affaire et à sanctionner légalement tous ceux qui ont pris part à ces graves violations des droits humains, en mettant sur pied le programme de stérilisations, en l’appliquant, en fournissant des ressources ou en toute autre qualité, même s’il s’agit de représentants de l’État ou de fonctionnaires, qu’ils soient employés civils ou militaires.

Pourtant, 18 ans après les premières inculpations, les victimes de ces graves violations des droits humains attendent toujours d’obtenir justice.

Durant les années 1990, environ 200 000 femmes, paysannes ou indigènes pour la plupart, ont été stérilisées dans le cadre d’une politique de contrôle démographique visant les personnes pauvres. Tout semble indiquer que les professionnels de santé mettant en œuvre les programmes de planification familiale ont subi des pressions des autorités pour atteindre des quotas de stérilisation et que, dans la plupart des cas, les femmes concernées n’ont pas donné leur consentement libre et éclairé. Ces femmes et leurs familles auraient été menacées d’amendes, de peines de prison ou de suppression des subventions sur les denrées alimentaires si elles refusaient de subir l’opération imposée. Beaucoup n’ont pas bénéficié du suivi nécessaire après l’opération et ont souffert de problèmes de santé par la suite ; 18 en sont mortes.

En 2004, le bureau du procureur a ouvert une enquête, à la suite d’un règlement à l’amiable devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme portant sur la procédure dans une affaire de stérilisation forcée, le cas de Mamérita Mestanza. L’enquête a été initialement classée en 2009. À la suite de pressions nationales et internationales, elle a été rouverte en octobre 2011. Cependant, les avocats représentant les victimes ont à l’époque dénoncé le manque de ressources allouées pour cette enquête et l’absence de progrès dans la détermination des parties responsables à tous les niveaux, à la fois au niveau des professionnels de santé qui ont directement procédé aux stérilisations et au niveau des autorités gouvernementales qui ont mis en place et promu cette pratique.

En janvier 2014, le bureau du procureur a décidé d’engager des poursuites dans un seul cas et de clore plus de 2 000 dossiers ayant fait l’objet d’investigations. Sous les pressions nationales et internationales, il a rouvert le dossier le 10 mai 2015. En août 2015, la date butoir pour l’enquête a été prolongée de six mois, et en février 2016, une prolongation de cinq mois supplémentaires a été demandée. Le dernier délai légal a été dépassé le 4 juillet 2016.

Fin 2015, Amnesty International a lancé la campagne Contre leur gré pour solliciter la création d’un seul registre des victimes de stérilisation forcée. Le gouvernement péruvien a réagi à cette campagne en créant le registre, mais les victimes n’ont toujours pas reçu des réparations intégrales et les responsables présumés de ces graves violations des droits humains n’ont pas été traduits en justice.

La stérilisation forcée ou involontaire est une grave violation des droits fondamentaux, au titre des normes internationales auxquelles le Pérou a souscrit. En particulier, elle bafoue les droits à l’intégrité physique, à la santé, à l’intimité, à la vie de famille (notamment le droit de décider du nombre d’enfants et de l’espacement de leurs naissances), ainsi que le droit à la non-discrimination. Dans certains cas, elle constitue un acte de torture ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, et dans d’autres une violation du droit à la vie.

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