Le 10 mai, environ 500 Roms - quelque 350 adultes et 150 mineurs - ont été expulsés contre leur gré par les autorités locales du site de l’usine de feux d’artifice désaffectée où ils vivaient à Ponte Riccio, dans la municipalité de Giugliano, en Campanie (province de Naples, sud de l’Italie). Ces familles habitaient sur ce site, dans des conditions inadaptées, depuis qu’elles avaient été expulsées de force, en juin 2016, d’un campement autorisé à Masseria del Pozzo, spécifiquement destiné aux Roms et situé à proximité d’une décharge toxique. À la suite d’une décision de judice ordonnant l’expulsion des familles du camp de Masseria del Pozzo, l’administration n’a pas trouvé de solution de relogement adéquate dans les délais impartis par le tribunal et a procédé à leur expulsion forcée en 2016, leur proposant comme seule solution pour ne pas se retrouver à la rue le site de l’usine de feux d’artifice désaffectée de Ponte Riccio.
Amnesty International, s’étant rendue sur place à maintes reprises, est bien consciente des conditions de vie extrêmement dégradées que ces familles roms ont endurées à Ponte Riccio. Comme l’organisation l’a montré dans de précédents documents, ces conditions résultaient en grande partie du manquement des autorités à leur obligation de protéger le droit de ces personnes à un logement convenable. Amnesty International s’est rendue sur place à plusieurs reprises en 2016 et en 2017 et les conditions, à l’époque, étaient déjà totalement inadaptée, l’accès à un abri, à l’eau et à l’assainissement étant très limité.
Les autorités locales ont procédé à l’expulsion du 10 mai sur le fondement de l’arrêté municipal n° 29 du 5 avril 2019, qui ordonnait l’expulsion immédiate des habitants du campement pour des raisons de santé et de sécurité publiques, invoquant l’insalubrité et l’insécurité du site. Le camp était réputé être infesté de rats et présenter des risques d’incendie en raison des raccordements précaires à l’électricité et de la présence de bonbonnes de gaz pour la cuisson et le chauffage. En outre, la présence de grandes quantités de déchets attribués au campement à proximité de la voie à grande vitesse jouxtant le site a été présentée comme un risque pour la sécurité routière.
Les autorités locales n’ont pas mené de véritable procédure de consultation avec ces personnes pour identifier une solution de réinstallation appropriée. Elles ont fourni peu d’informations aux familles, se contentant de leur proposer une allocation exceptionnelle destinée à faciliter la location d’un logement sur le marché privé. Un grand nombre de membres de cette communauté rom sont apatrides ou ne possèdent pas de documents leur permettant d’être employés régulièrement, et n’ont pas d’emploi stable, ce qui fait qu’il est impossible pour eux de prétendre à la location d’un logement sur le marché privé et que l’allocation pontuelle proposée n’est pas une solution viable ni durable.
Les garanties requises en vertu des normes internationales relatives aux droits humains (préavis écrit adéquat, réelle consultation avec les personnes concernées et solution de relogement satisfaisante) n’ayant pas été respectées avant l’expulsion, Amnesty International estime que celle-ci s’apparente à une expulsion forcée, ce qui représente une grave violation des droits humains.
L’Italie manque ainsi à ses obligations au titre de plusieurs traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains, y compris de dispositions du droit européen (la directive sur l’égalité raciale), qui garantissent le droit à un logement convenable et une protection contre toute forme de discrimination fondée sur l’origine ethnique et les préjugés raciaux. Cette expulsion forcée est également contraire aux engagements pris par l’Italie dans le cadre de sa propre Stratégie nationale relative à l’intégration des Roms, adoptée en 2012.
Ce cas doit être replacé dans le contexte plus large de la discrimination et la ségrégation persistantes auxquelles les autorités italiennes soumettent les familles roms en matière d’accès au logement. Amnesty International recueille des information sur ces pratiques et violations des droits humains depuis plusieurs années. Compte tenu du caractère persistant de la situation déplorable des Roms en matière de logement en Italie, Amnesty International a déposé le 18 mars une réclamation collective auprès du Comité européen des droits sociaux.
Fondée sur plusieurs années de recherches menées par l’organisation, notamment à Rome, Milan et Naples, cette réclamation présente de nombreux éléments de preuve, faisant valoir que la situation des communautés roms en matière de logement en Italie s’apparente à diverses violations de la Charte sociale européenne. Ces violations sont notamment des expulsions forcées généralisées, le recours persistant à des campements basés sur la ségrégation et où les conditions de logement sont insalubres, ainsi que l’inégalité d’accès au logement social.