Les poursuites intentées contre le défenseur des droits humains kirghize Azimjan Askarov, d’origine ouzbèke, et sa condamnation ont fait suite aux affrontements ethniques entre Kirghizes et Ouzbeks dans le sud du Kirghizistan en 2010, qui ont fait 470 morts. Au cours de ces événements, Azimjan Askarov a recueilli des informations sur les atteintes aux droits humains commises. Des poursuites pénales ont été intentées contre lui par la suite en raison de son travail en faveur des droits humains.
Dans un rapport publié en décembre 2010 (https://www.amnesty.org/fr/documents/EUR58/022/2010/fr/), Amnesty International notait que le nombre disproportionné d’Ouzbeks inculpés par rapport au nombre de Kirghizes inculpés était frappant. Ce qui est d’autant plus surprenant puisque la majorité des victimes de crimes commis durant les violences du mois de juin étaient des Ouzbeks.
Le procès d’Azimjan Askarov et de ses sept coaccusés, pour le meurtre d’un policier kirghize au cours des violences à Bazar-Korgan, a révélé l’incapacité des autorités à garantir le droit à un procès équitable, dans le respect des engagements internationaux du Kirghizistan en termes de droits humains.
Ce procès s’est déroulé du 2 au 15 septembre 2010 à Nooken. Il a été émaillé d’actes de violence répétés à l’encontre de la famille d’Azimjan Askarov et de ses avocats, à l’intérieur comme à l’extérieur de la salle d’audience. Le personnel du tribunal, y compris son président, n’aurait guère fait preuve de détermination pour faire cesser les violences et rétablir l’ordre.
De très nombreux cas de torture ou d’autres mauvais traitements ont été signalés au lendemain des troubles du mois de juin 2010. Les suspects étaient frappés par les représentants des forces de l’ordre, que ce soit dans la rue au moment des interpellations, pendant le transfert jusqu’aux centres de détention, lors des interrogatoires initiaux ou dans les cellules de garde à vue. Azimjan Askarov a affirmé avoir été soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements en garde à vue à Bazar-Korgan et Jalal-Abad peu après son arrestation. Ses allégations de torture, comme celles d’autres détenus, n’ont jamais fait l’objet de véritables investigations.
En septembre 2010, Azimjan Askarov a été reconnu coupable et condamné à la détention à perpétuité. Il a été déclaré coupable de participation à des troubles de grande ampleur, d’incitation à la haine à l’égard d’une ethnie et de complicité dans le meurtre d’un policier tué au cours des émeutes. Les allégations crédibles d’Azimjan Askarov, qui affirme avoir été torturé en détention provisoire, n’ont jamais fait l’objet de véritables investigations.
En mars 2016, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a conclu qu’Azimjan Askarov avait été arrêté de manière arbitraire, détenu dans des conditions inhumaines, torturé et soumis à d’autres mauvais traitements sans recevoir de réparations, et qu’il n’avait pas bénéficié d’un procès équitable. Le Comité a demandé au Kirghizistan de prendre les mesures appropriées afin de le libérer immédiatement et d’annuler sa condamnation. Cette décision a entraîné une révision judiciaire de son dossier en janvier 2017, mais le tribunal a confirmé sa condamnation.
Dans un communiqué d’avril 2016, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a demandé au Kirghizistan de « mettre pleinement en œuvre » la décision du Comité des droits de l’homme. Récemment, en janvier 2019, le Parlement européen a adopté une recommandation sur l’accord global entre l’UE et le Kirghizistan, demandant qu’Azimjan Askarov soit libéré immédiatement et bénéficie d’une pleine réadaptation, et que le Kirghizistan casse sa condamnation et lui accorde des réparations. Le Kirghizistan a fait la sourde oreille à ces demandes.