Abdelmoniem Aboulfotoh est un ancien dirigeant des Frères musulmans, mouvement dont il a démissionné pour se présenter à l’élection présidentielle de 2012. Il a été arrêté en février 2018, après des interviews au cours desquelles il s’est montré très critique envers le président Abdel Fattah al Sissi, un mois avant la réélection de celui-ci.
Abdelmoniem Aboulfotoh souffre de diabète, d’hypertension et d’une hypertrophie de la prostate, selon des données de son dossier médical antérieures à son placement en détention. L’administration pénitentiaire, à maintes reprises, a rejeté ses demandes de prise en charge médicale à l’intérieur ou à l’extérieur de la prison, ou y a accédé tardivement, et a refusé qu’il consulte à ses frais ses médecins personnels à l’intérieur de la prison. En 2021, l’administration pénitentiaire a également refusé de le transférer dans un hôpital extérieur pour une opération de la prostate, contre l’avis de son médecin personnel, et alors que sa famille proposait d’assumer les frais de l’intervention.
Le 8 août 2022, ses proches ont déposé une plainte auprès du Conseil national des droits humains pour dénoncer la négligence médicale dont il faisait l’objet en détention et demander que les soins médicaux indispensables pour préserver sa vie lui soient dispensés. Dans ce document, ils décrivaient de manière détaillée son état de santé et la façon dont celui-ci avait récemment évolué, ainsi que les examens médicaux qui ne pouvaient être réalisés en prison et devaient être effectués de toute urgence afin qu’un diagnostic précis soit posé et que les traitements nécessaires soient déterminés. Ils demandaient également qu’Abdelmoniem Aboulfotoh soit transféré au plus vite dans un hôpital extérieur, à leurs frais.
Le 9 août 2022, dans une déclaration au ministère public, ils ont souligné la gravité de son état de santé et le risque de décès qu’il encourait, ayant subi quatre crises cardiaques, survenues soudainement sans qu’il ait fourni le moindre effort physique, et accompagnées de douleurs intenses qui ont perduré après la crise. Ils ont également invoqué, dans cette déclaration, l’altération de sa capacité à l’effort physique, qui pourrait d’après eux être un signe d’obstruction coronarienne.
Selon des sources dignes de foi, Abdelmoniem Aboulfotoh est détenu à l’isolement à la prison de Mazraat Tora dans une cellule de deux mètres sur trois, où il fait très chaud en été et froid en hiver, et qui est dépourvue de lit. Jusqu’à la mi-2021, l’administration pénitentiaire ne lui permettait de faire de l’exercice qu’une heure par jour, dans un couloir de son unité. Ensuite, et jusqu’à aujourd’hui, il a été autorisé à faire de l’exercice seul pendant une heure et demie en dehors de son quartier.
Le 25 octobre 2021, le président Abdel Fattah al Sissi a annoncé qu’il ne prolongerait pas l’état d’urgence, en vigueur depuis 2017, qui avait permis la création des cours de sûreté de l’État. L’article 19 de la Loi relative à l’état d’urgence dispose que les procès engagés au titre de cette loi devront suivre leur cours même après la levée de ce régime d’exception. Au cours des trois mois précédant la décision de non-prolongation, les autorités égyptiennes ont déféré au moins 26 défenseur·e·s des droits humains, militant·e·s et personnalités politiques de l’opposition devant des juridictions d’exception. Les procédures qui se déroulent devant les cours de sûreté de l’État sont intrinsèquement iniques. Les personnes condamnées se voient dénier le droit de faire appel de la déclaration de culpabilité et de la peine devant une juridiction supérieure. Seul le président égyptien est habilité à confirmer, annuler ou commuer les peines prononcées, ou à ordonner la tenue d’un nouveau procès.
Parmi les autres violations du droit à un procès équitable recensées figurent le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, le droit de communiquer avec l’avocat de son choix et le droit à une audience publique. Par ailleurs, les juges des cours de sûreté de l’État rejettent régulièrement les requêtes formées par les avocats de la défense en vue d’obtenir une copie des dossiers, qui dans certains cas font plus de 2 000 pages, et leur donnent pour instruction d’examiner ces dossiers devant la cour. Les procureurs et les juges s’abstiennent également de remettre une copie de l’acte d’accusation aux personnes poursuivies et à leurs conseils, portant atteinte au droit de ces personnes d’être informées de façon détaillée de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elles.
Le 29 mai 2022, une cour de sûreté de l’État a prononcé des peines de prison à l’encontre de 25 opposant·e·s, dont Mohamed al Kassas, homme politique condamné à 10 ans de prison après avoir été déclaré coupable d’accusations liées au terrorisme forgées de toutes pièces et de diffusion de fausses informations. Ces derniers mois, des dizaines de personnes ayant critiqué les autorités, dont des opposant·e·s politiques, ont été déclarées coupables de charges infondées à l’issue de procès manifestement iniques devant des cours de sûreté de l’État.
Zyad el Elaimy, homme politique, a ainsi été condamné en novembre 2021 à cinq ans d’emprisonnement, à l’issue d’un procès inique devant un tribunal d’exception, uniquement pour avoir critiqué le bilan de l’Égypte en matière de droits humains et la politique économique du pays. Il a été appréhendé par les forces de sécurité en juin 2019, peu après une rencontre organisée pour débattre de stratégie en vue de participer aux législatives de 2020, et a été maintenu en détention sans jugement pendant plus de deux ans.