Écrire Sixième exécution de l’année programmée en Alabama

Carey Grayson doit être exécuté en Alabama le 21 novembre 2024.

En 1996, il a été le dernier des quatre adolescents reconnus coupables d’un meurtre commis en 1994. Lors de leurs procès respectifs, le parquet a utilisé des théories incompatibles les unes avec les autres sur le déroulement des faits, en accusant chacun d’eux d’être le principal auteur.

En 2004, les autorités de l’Alabama ont indiqué à la Cour suprême fédérale que Carey Grayson n’était pas le principal auteur du meurtre. Il est le seul dont la condamnation à mort n’a pas été commuée en appel. Il avait 19 ans au moment des faits et sortait d’une enfance marquée par la maltraitance, la négligence et les troubles bipolaires.

Nous appelons la gouverneure à commuer sa peine.

Le 21 février 1994, une femme de 37 ans a été tuée alors qu’elle voyageait du Tennessee à la Louisiane pour rendre visite à sa mère. Quatre adolescents l’ont vu faire de l’autostop dans le comté de Jefferson, près de Birmingham, en Alabama, et ont proposé de la conduire en Louisiane. Ils avaient tous bu de l’alcool et consommé des stupéfiants. En prétextant d’aller chercher un autre véhicule, ils ont emmené la femme dans une zone boisée, où elle a été tuée.
Les quatre adolescents ont été jugés séparément. Le premier (LM), qui avait 16 ans au moment des faits, a été condamné à la réclusion à perpétuité. Les deux suivants (KL et TD), alors âgés de 17 ans, ont été condamnés à mort, comme Carey Grayson, qui avait 19 ans au moment des faits.

Les peines de KL et TD ont été commuée en réclusion à perpétuité après que la Cour suprême des États-Unis a aboli la peine de mort pour les personnes ayant un âge inférieur à 18 ans au moment des faits (Roper c. Simmons, 2005). Dans cet arrêt, les juges ont pris en compte l’immaturité des jeunes, leur impulsivité, leur manque de discernement et leur sensibilité « aux influences négatives et aux pressions extérieures, notamment celles exercées par leurs pairs ». Ils ont relevé que « les traits caractéristiques qui distinguent les mineurs des adultes ne disparaissent pas le jour des 18 ans d’un individu ».

Aujourd’hui, comme l’a exposé une analyse d’experts en 2021, « la science démontre clairement que les personnes ayant 18, 19 et 20 ans présentent plus de similitudes que de différences avec celles ayant 17 ans dans de nombreux aspects importants de la maturité comportementale et cérébrale, une conclusion qui a déjà été tirée par la justice fédérale dans d’autres domaines ».

L’arrêt Roper a rendu tardivement la législation des États-Unis conforme à l’interdiction par le droit international de recourir à la peine de mort contre des personnes de moins de 18 ans, un principe bien antérieur à cette affaire. Illustrant son mépris pour le droit international relatif aux droits humains, l’Alabama a fait partie des États qui ont demandé à la Cour suprême de ne pas abolir cette pratique. Ses autorités ont cosigné un mémoire remis à la Cour en 2004, dans lequel elles ont évoqué les cas des trois adolescents condamnés à mort pour le meurtre commis en 1994 dans le comté de Jefferson. Elles ont souligné : « Un seuil arbitraire à 18 ans entraînerait, de façon absurde, une règle constitutionnelle permettant d’appliquer la peine de mort pour [Carey] Grayson, qui avait 19 ans au moment des faits, mais pas pour [KL] et [TD], qui avaient tous deux 17 ans mais sont à l’évidence tout aussi coupables – si ce n’est plus – de la mort [de la victime]. »

Carey Grayson a été le dernier des quatre accusés à être jugé. Avant que les procès de l’affaire commencent, ses avocat·e·s avaient demandé que la retranscription des audiences des autres procès leur soit fournie. Le juge a refusé d’accéder à leur demande et souligné qu’ils pouvaient assister aux procès en personne, ce qu’ils n’avaient pas les moyens de faire par manque de temps et de moyens financiers. Ce refus a porté atteinte au droit de préparer efficacement sa défense, composante du droit à un procès équitable selon le droit international, et il a permis au procureur d’invoquer des théories contradictoires sans la moindre contestation. Il a déclaré aux membres du jury de son procès que Carey Grayson était « le meneur de la bande » des quatre adolescents, que c’était « lui qui les a[vait] entraînés là-dedans » et qu’il n’y avait « aucun doute sur qui était à l’initiative » des faits. Pourtant, le même procureur avait déclaré essentiellement la même chose aux jurys des trois autres procès – que l’accusé devant eux était le meneur.

Au procès de KL, par exemple, il a qualifié ce dernier de « meneur de la bande », « à l’initiative de cette chose ».

Au procès de LM, il a déclaré que le « seul » élément attestant du rôle joué par Carey Grayson était qu’il « conduisait la voiture », et lors de celui de TD, il a affirmé que c’était une « illusion » de décrire Carey Grayson comme le meneur et que TD était « la seule personne » contre qui le parquet « a[vait] la preuve » qu’il avait porté « le coup ayant provoqué le décès de [la victime] ».

Les Principes directeurs des Nations unies applicables au rôle des magistrats du parquet prévoient que ces derniers « exercent leurs fonctions conformément à la loi, en toute équité, de manière cohérente et diligente, respectent et protègent la dignité humaine et défendent les droits de la personne humaine, contribuant ainsi à garantir une procédure régulière et le bon fonctionnement du système de justice pénale ». Leur pouvoir discrétionnaire doit être utilisé en veillant à « renforcer l’équité et favoriser des prises de décisions cohérentes pendant la procédure ». Le recours à des théories contradictoires contre les quatre accusés était contraire à ces normes.

En appel, la cour fédérale de district a estimé en 2009 que ce motif n’était pas recevable pour des raisons de procédure car cette question n’avait pas été évoquée auparavant. Elle a indiqué que, même sans les raisons de procédure, la demande était sans fondement car l’utilisation de théories contradictoires n’était pas une violation du droit à une procédure régulière selon le droit constitutionnel des États-Unis, et que « les théories sur le meneur dans le cas de Carey Grayson n’étaient pas incroyablement contradictoires » car des incertitudes persistaient sur l’identité du meneur de la bande et « il était approprié » de laisser le jury en juger.

Le comportement du procureur laisse penser que son objectif était de faire condamner à mort autant de personnes que possible parmi les quatre accusés, sans égard pour la vérité sur leur degré individuel de culpabilité.

Aujourd’hui, l’idée selon laquelle le seul accusé qui sera exécuté est le plus coupable, conformément au droit constitutionnel des États-Unis qui limite la peine capitale « aux personnes [...] qui, en raison de leur culpabilité extrême, méritent d’être exécutées », est mise à mal par l’Alabama. Le fait que ses autorités aient elles-mêmes souligné dans le mémoire remis à la Cour suprême en 2004 qu’il serait « absurde » au regard de la Constitution d’exécuter uniquement Carey Grayson devrait leur donner à réfléchir.

Carey Grayson ne bénéficiera peut-être pas de l’interdiction imposée par l’arrêt Roper, mais le droit de grâce accordé au pouvoir exécutif existe précisément pour examiner des questions plus larges, comme ici les éléments scientifiques démontrant « clairement » que le développement du cerveau se poursuit après l’âge de 20 ans.

Au 31 octobre 2024, l’Alabama avait procédé à 77 exécutions parmi les 1 602 recensées aux États-Unis depuis 1976. Ce serait la sixième dans cet État en 2024, soit le total annuel le plus élevé depuis 2011, et seulement la troisième fois depuis 1976 que l’Alabama atteint ce nombre (les autres années étant 2009 et 2011). Ce serait aussi sa troisième exécution par hypoxie à l’azote – les deux premières ont également été réalisées en 2024.

Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances.

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