La dernière conversation téléphonique que Sitanun Satsaksit a eue avec son frère cadet, Wanchalearm Satsaksit, un militant social et politique, a été interrompue lorsque cet homme a été enlevé par des individus non identifiés au Cambodge. Bien qu’elle cherche inlassablement à obtenir justice pour lui, le sort qui lui a été réservé et le lieu où il se trouve n’ont toujours pas été établis et les circonstances de son enlèvement n’ont toujours pas été élucidées. Les mesures que les autorités cambodgiennes et thaïlandaises ont prises pour enquêter sur sa disparition résultent directement du travail de plaidoyer mené par Sitanun Satsaksit. Le Service thaïlandais des enquêtes spéciales a ouvert une enquête sur cette affaire en mars 2022, soit près de deux ans après l’enlèvement.
Les mesures prises par les autorités pour établir le lieu où se trouve Wanchalearm Satsaksit ont été limitées et tardives. Les autorités cambodgiennes n’ont pas réagi avec diligence ni mené d’enquête exhaustive, indépendante et efficace sur sa disparition. Alors qu’elle cherche déjà à obtenir justice pour son frère, comme de nombreux autres défenseur·e·s des droits humains en Thaïlande, Sitanun Satsaksit est à présent contrainte de consacrer son temps et ses ressources à sa propre défense face à des poursuites pénales injustifiées qui découlent du fait qu’elle a exercé pacifiquement ses droits, et il lui faut également mener des recherches pour savoir si elle est ou non soumise à une surveillance illégale.
Sitanun Satsaksit a décidé de se mettre en avant pour venir en aide à d’autres proches qui traversent des épreuves similaires, afin d’obtenir justice et d’établir ce qu’il est advenu des membres de leur famille qui ont disparu, et où ils se trouvent. Elle a participé à des campagnes de la société civile appelant le Parlement thaïlandais à adopter un projet de loi, qui a été retardé, réprimant pénalement la disparition forcée et la torture. Une telle loi pourrait entraîner le renforcement des mesures d’enquête et de prévention concernant les disparitions forcées présumées, en Thaïlande et à l’étranger.
La première série d’accusations qui la vise résulte d’un discours qu’elle a tenu en faveur de l’adoption par le Parlement thaïlandais d’une loi contre la torture et les disparitions forcées lors d’un rassemblement pacifique, le 5 septembre 2021, à un carrefour très fréquenté dans le centre de Bangkok. La police a alors engagé des poursuites pénales au titre du décret d’urgence contre Sitanun Satsaksit et d’autres personnes au motif qu’un groupe de plus de 25 personnes représentait un risque de propagation du COVID-19. Les autorités lui reprochent également d’avoir participé, à l’occasion de la Journée des droits de l’homme, à un rassemblement regroupant une dizaine de militant·e·s devant le siège de l’ONU à Bangkok, à l’issue duquel ces personnes ont remis des pétitions portant sur leurs préoccupations en matière de droits humains – dans le cas de Sitanun Satsaksit, au sujet de Wanchalearm Satsaksit. La police a alors engagé d’autres poursuites pénales contre elle et cinq autres personnes. Dans l’hypothèse où elle serait déclarée coupable dans ces deux affaires, Sitanun Satsaksit risquerait alors jusqu’à quatre ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 80 000 bahts (environ 2 250 dollars des États-Unis).
Amnesty International a rassemblé des informations montrant de façon préoccupante que des jeunes, des étudiant·e·s et des militant·e·s sociaux et politiques ont été pris pour cible et harcelés par les autorités thaïlandaises dans le contexte des pouvoirs d’exception liés au COVID-19. Les autorités utilisent cette réglementation de façon discriminatoire et engagent des poursuites pénales infondées contre des personnes qui ont pacifiquement exercé leurs droits, notamment dans le cadre de mouvements de protestation en faveur de la démocratie ou de réformes, depuis mai 2020. Figurent parmi elles des personnes qui ont déposé des demandes à l’ambassade du Cambodge ou participé à des rassemblements publics appelant à l’ouverture d’une enquête pour savoir ce qu’il est advenu de Wanchalearm Satsaksit et où il se trouve. Le parquet et des tribunaux ont par le passé rejeté plusieurs accusations portées au titre du décret d’urgence, déclarant que les personnes ciblées n’avaient fait qu’exercer leurs droits constitutionnels et qu’en conséquence, elles ne devaient pas être poursuivies en justice ni soumises à des sanctions.