Le syndicaliste iranien Jafar Azimzadeh, président du Syndicat libre des travailleurs d’Iran, a mis un terme à une grève de la faim de deux mois le 30 juin, après avoir obtenu une permission. Toutefois, il risque d’être renvoyé en prison. Si tel est le cas, Amnesty International le considèrera comme un prisonnier d’opinion.
Jafar Azimzadeh, soudeur et président du Syndicat libre des travailleurs d’Iran, a mis un terme à 63 jours de grève de la faim le 30 juin, après que le ministère public lui a accordé une permission de cinq jours moyennant une caution de 4,5 millions de rials (150 000 dollars des États-Unis) et a informé officieusement son avocat que sa « demande de nouveau procès » (eadeh dadresi), qui avait été adressée à la Cour suprême, serait examinée. Bien que le ministère public ait promis officieusement à Jafar Azimzadeh et à son avocat de prolonger la permission, le syndicaliste risque de retourner en prison. Si la demande de nouveau procès est acceptée, la Cour suprême annulera la déclaration de culpabilité et renverra l’affaire devant un tribunal de première instance afin qu’elle soit rejugée.
Jafar Azimzadeh a été condamné en mars 2015 à six ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès inique devant un tribunal révolutionnaire de Téhéran, qui l’a déclaré coupable de « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité nationale » et de « propagande contre le régime ». En outre, il lui est interdit pendant deux ans de « s’affilier à un parti ou groupe politique ou un collectif à vocation sociale » et de « mener des activités sur Internet et dans les médias, notamment la presse écrite ». Il a été condamné uniquement en raison de ses activités syndicales pacifiques : la collecte des 40 000 signatures de travailleurs pour la pétition en faveur de la hausse du salaire minimum, les entretiens accordés à des médias basés à l’étranger, son rôle dans la création du Syndicat libre des travailleurs d’Iran, la participation au rassemblement organisé à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs au parc Laleh, à Téhéran, et à d’autres manifestations pacifiques devant le Parlement et le ministère des Coopératives, du Travail et de la Protection sociale, les réunions avec d’autres syndicats, notamment le Syndicat des travailleurs de l’entreprise sucrière de Haft Tapeh et le Syndicat des travailleurs de la Régie des bus de Téhéran et de sa banlieue, et avec le Comité de coordination pour la création d’organisations de travailleurs. Il a commencé à purger sa peine le 8 novembre 2015.
Il a entamé une grève de la faim illimitée le 29 avril afin de protester contre son arrestation et sa condamnation, et celles d’autres syndicalistes et d’enseignants, pour des motifs fallacieux liés à la sécurité nationale, ainsi que contre la répression des réunions pacifiques des syndicalistes et des grèves, l’interdiction des manifestations indépendantes prévues à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs et de la Journée mondiale des enseignants, et les salaires inférieurs au seuil de pauvreté.
Écrire Un syndicaliste s’est vu accorder une permission mais demeure en danger
Au cours de sa longue grève de la faim, Jafar Azimzadeh a perdu connaissance à plusieurs reprises. Il a souffert de palpitations, de saignements intestinaux et rénaux, ainsi que de problèmes urinaires. Il avait le côté gauche du corps engourdi, sa vue et son ouïe étaient diminuées. Selon sa famille, le procureur général de Téhéran a d’abord ignoré ses appels à l’aide, en précisant qu’il ne ferait rien, quand bien même son inaction entraînerait la mort de Jafar Azimzadeh. En signe de protestation, ce dernier a refusé la prise de sa tension artérielle à l’infirmerie de la prison. La dégradation de son état de santé a finalement poussé les autorités à le faire admettre dans un hôpital le 18 juin.
En avril 2016, Jafar Azimzadeh a écrit avec un autre syndicaliste, Ismail Abdi, une lettre ouverte faisant état de leur intention de commencer une grève de la faim le 1er mai, à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, afin de protester contre la répression des activités et des mouvements de protestation menés par des syndicalistes. Les deux hommes demandaient aux autorités d’abandonner les charges de « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité nationale » ainsi que les autres accusations liées à la sécurité nationale retenues à leur encontre. Ils ont déclaré : « [A]u vu des éléments utilisés pour rendre ce verdict contre nous, on pourrait penser que toutes les mesures [prises] pour améliorer la vie et les moyens d’existence des enseignants et des travailleurs en Iran sont considérées comme des actes portant atteinte à la sécurité nationale. »
Jafar Azimzadeh était l’un des coordinateurs de la campagne ayant recueilli 40 000 signatures en faveur d’une hausse du salaire minimum. Avant d’être arrêté le 30 avril 2014, à la veille de la Journée internationale des travailleurs, il avait adressé, à l’instar de nombreux autres syndicalistes et travailleurs, notamment des enseignants, plusieurs lettres au ministère des Coopératives, du Travail et de la Protection sociale au sujet des difficultés rencontrées par les travailleurs et de la répression de plus en plus dure visant les activités syndicales. Faute de réponse, ces personnes avaient envoyé une dernière lettre, en faisant part de leur intention d’organiser un rassemblement pacifique devant le ministère le 1er mai 2014. Jafar Azimzadeh a été arrêté à son domicile et détenu au secret pendant 46 jours dans la section 209 de la prison d’Evin avant d’être libéré sous caution. En mars 2015, comparaissant libre, il a été déclaré coupable et condamné à six ans d’emprisonnement par la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, uniquement en raison de ses activités syndicales pacifiques. Il a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité et de sa peine et l’affaire a été renvoyée devant la 54e chambre de la cour d’appel de Téhéran. Aux alentours du 27 octobre 2015, il a reçu une convocation écrite du Bureau d’application des peines, qui lui demandait de se présenter à la prison d’Evin afin de purger sa peine de six ans d’emprisonnement. Bien qu’il n’ait jamais reçu de confirmation écrite, il était indiqué que la cour d’appel avait confirmé sa déclaration de culpabilité et sa peine.
Dans une lettre ouverte adressée au ministre adjoint des Relations professionnelles, Seyed Hassan Hefdahtan, le 17 juin 2016, Jafar Azimzadeh a écrit que « la majorité des syndicalistes avaient eu à répondre de graves accusations à caractère pénal et politique et s’étaient vu condamner à de longues peines d’emprisonnement » au cours des dernières années. Il a ajouté : « Ils ont été arrêtés pour la plupart par le ministère du Renseignement et ont tous été inculpés de rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité nationale et leurs affaires, dans lesquelles de lourdes peines ont été requises, ont été jugées par des tribunaux révolutionnaires. » Il estimait que les syndicalistes concernés avaient subi ce traitement alors qu’ils n’avaient mené que des activités banales, comme se rencontrer, apporter leur aide afin de recueillir des signatures dans le cadre d’une pétition ou organiser des rassemblements pacifiques devant des bâtiments officiels.
L’article 22 (1) du PIDCP dispose : « Toute personne a le droit de s’associer librement avec d’autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la protection de ses intérêts. » En outre, l’article 8 du PIDESC garantit tant « le droit qu’a toute personne de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix » que « le droit qu’ont les syndicats d’exercer librement leur activité, sans limitations autres que celles qui sont prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d’autrui ».
Nom : Jafar Azimzadeh
Homme
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