En 2018, Idris Arsamikov (28 ans) a fui la Russie après avoir été placé en détention arbitraire, torturé et soumis à des mauvais traitements par la police tchétchène en raison de son homosexualité présumée. Il a obtenu le statut de réfugié aux Pays-Bas. En mars 2022, Idris Arsamikov est retourné en Russie pour assister aux funérailles de son père. Il a dû renoncer à son statut de réfugié. Il a raconté à des défenseur·e·s russes des droits humains qu’à son retour en Tchétchénie, lorsqu’il s’est rendu au poste de police du village de Chelkovskaïa pour obtenir un nouveau passeport de voyage étranger, la police lui a délivré un passeport interne russe et a confisqué ses autres papiers. Comme il n’a pas pu obtenir de passeport de voyage étranger, il n’a eu d’autre choix que de rester en Tchétchénie.
Le 15 février 2023, Idris Arsamikov a quitté la Tchétchénie et s’est enfui à Moscou. Avant son vol, il a déclaré aux défenseur·e·s des droits humains que depuis son retour en Tchétchénie en mars 2022, il avait été détenu arbitrairement et soumis à la torture et à des mauvais traitements au poste de police du district de Chelkovski à au moins trois reprises. Il avait également été menacé par des membres de sa famille en raison de son orientation sexuelle présumée. À son arrivée à l’aéroport Domodedovo de Moscou, il a été arrêté par la police des transports et remis à des agents des forces de l’ordre tchétchènes présumés.
Le 17 février, lorsque ses avocats sont venus en Tchétchénie et ont demandé à le rencontrer, la police ne leur a pas permis d’entrer dans le bâtiment du commissariat du district de Chelkovski et a refusé de dévoiler le sort réservé à leur client. Les avocats ont déposé plainte contre les actions de la police auprès du Comité d’enquête et du Département de police. Plus tard ce jour-là, deux vidéos ont été publiées sur la page de réseaux sociaux VKontakte d’Idris Arsamikov, le montrant soi-disant chez lui avec sa mère et son oncle, déclarant qu’il allait bien, dénonçant les efforts des défenseurs des droits humains pour l’aider et faisant d’autres déclarations qui semblent lui avoir été extorquées sous la contrainte.
Les autorités tchétchènes se servent couramment de ce genre de vidéos enregistrées sous la contrainte pour démontrer qu’elles ont libéré une personne qu’elles détiennent et « prouver » que cette personne n’est pas maltraitée et ne souhaite pas être aidée par des défenseur·e·s des droits humains. Elles s’appuient aussi fréquemment sur des affaires pénales forgées de toutes pièces comme prétexte pour appréhender des personnes qu’elles souhaitent placer en détention.
En janvier 2022, la police tchétchène a arrêté arbitrairement Zarema Moussaïeva, mère des militants Aboubakar et Ibraghim Iangoulbaïev, et l’a conduite de Nijni Novgorod, où elle vivait avec sa famille, jusqu’en Tchétchénie, pour témoigner dans une affaire de fraude. Là, elle a été accusée arbitrairement et inculpée d’avoir usé de violence contre un policier et de fraude, et placée en détention provisoire. Son procès est en cours.
En 2017, le journal russe indépendant Novaïa Gazeta a révélé la violente répression visant les personnes LGBTI en Tchétchénie : des dizaines d’hommes ont alors été enlevés, torturés et tués en raison de leur orientation sexuelle réelle ou présumée. À ce jour, personne n’a été tenu de rendre des comptes pour ces crimes signalés et la persécution des personnes LGBTI se poursuit.
Sous la houlette de Ramzan Kadirov, nommé par le Kremlin, la Tchétchénie est le théâtre de nombreuses violations des droits humains, dans une impunité quasi totale, et la liberté d’expression y est violemment réprimée depuis des années. Amnesty International et des organisations de défense des droits humains ont recensé de nombreux cas dans lesquels des détracteurs des autorités tchétchènes – défenseur·e·s des droits humains, journalistes et blogueur·euse·s notamment – ont été poursuivis et emprisonnés sur la base d’accusations pénales forgées de toutes pièces, ou ont été victimes d’une disparition forcée.
Les simples citoyen·ne·s qui osent critiquer Ramzan Kadirov, les membres de son gouvernement, ses proches ou ses associé·e·s, ou qui se plaignent de problèmes locaux tels que la fermeture d’un hôpital, ou même qui demandent de l’aide au risque de donner une image négative des autorités tchétchènes (pour subvenir aux besoins d’une famille nombreuse par exemple), sont souvent contraints de faire des déclarations devant une caméra et de présenter des « excuses » publiques pour leurs actes. Ces déclarations sont enregistrées puis diffusées à la télévision locale ou via les réseaux sociaux. Cette pratique est très courante depuis au moins 2015.