A.S., un Tchétchène arrivé en France en 2008, a obtenu le statut de réfugié en 2009 et vit dans le pays depuis, avec sa famille, notamment son épouse, leurs cinq enfants et ses parents, qui sont tous réfugiés. Le 27 juillet 2016, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a révoqué son statut de réfugié dans le cadre de l’état d’urgence, en raison de liens présumés qu’A.S. aurait eus avec une personne considérée comme « dangereuse » par le ministère de l’Intérieur.
Quand A.S. a été convoqué par l’OFPRA en juin 2016 pour un entretien sur les motifs de la décision de révocation, l’OFPRA a confirmé cette révocation de son statut de réfugié, au motif qu’il n’avait su apporter aucune réponse crédible aux allégations portées contre lui. Son permis de séjour, lié à son statut de réfugié, était valide jusqu’à 2020. Sa demande de renouvellement de son permis de séjour, motivée par une intégration professionnelle ou familiale, a été rejetée. Il a ensuite reçu un arrêté d’expulsion au titre d’une « procédure d’urgence absolue », par laquelle le ministre de l’Intérieur peut expulser un ressortissant étranger très rapidement et sans solliciter l’opinion de la commission d’expulsion.
La demande d’asile qu’A.S. a déposée au centre de rétention administrative (« demande de réexamen ») a été rejetée le 12 février 2021 au motif que, d’après l’OFPRA, il n’est pas en danger en Russie.
Dans des cas similaires, des réfugié·e·s tchétchènes qui ont été renvoyés en Russie ont été soumis à des disparitions forcées, ce qui confirme le risque de torture et d’autres mauvais traitements. A.S. a déclaré qu’avant qu’il ne fuie la Russie en 2004, la police avait essayé de l’arrêter chez lui, mais que, comme il était déjà parti quand les agents étaient arrivés, ceux-ci avaient arrêté son père à sa place, qui avait été maintenu en détention pendant cinq jours.
Amnesty International travaille régulièrement sur des cas de renvoi forcé ou de projets de renvoi forcé vers la Fédération de Russie depuis des pays d’Europe occidentale et d’ailleurs visant des Tchétchènes ou d’autres personnes qui ont fui le Caucase du Nord. Amnesty International considère qu’il n’existe pas de possibilité d’asile interne sur le territoire russe pour les anciens demandeurs et demandeuses d’asile tchétchènes. L’organisation considère que l’asile interne n’est pas une alternative viable à la protection internationale pour ces personnes, car le risque réel de persécution et d’autres formes de grave préjudice émane des autorités fédérales et concerne donc non seulement la Tchétchénie, mais également tout le territoire de la Fédération de Russie.
Renvoyer A.S. dans un pays où sa vie ou sa sécurité sont menacées constituerait une violation claire des obligations de la France au titre du droit international relatif aux droits humains et des normes en la matière, qui prévoient une interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements. Cela comprend l’interdiction de renvoyer une personne vers un lieu où elle risquerait d’être victime de tels actes, quelle que soit l’infraction présumée dont cette personne est accusée (principe de non-refoulement). Le principe de non-refoulement s’applique à toutes les personnes, y compris celles qui sont exclues de la protection accordée aux réfugié·e·s et celles ayant commis une infraction, quelle qu’elle soit. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé de manière catégorique que le fait de mettre en balance le risque de préjudice encouru par la personne si elle est expulsée du pays avec le danger qu’elle représente pour la communauté si elle n’est pas expulsée repose sur une conception erronée et illégale des choses.
Les autorités ont de plus en plus pris pour cible les Tchétchènes en France depuis l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020. Le 18 octobre 2020, les médias ont indiqué que le ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin avait l’intention de durcir les lois et pratiques françaises en matière d’asile afin « d’éviter d’accorder presque automatiquement le statut de réfugié aux citoyens de certains pays ». Le ministre de l’Intérieur a également annoncé un projet d’expulsion de 231 ressortissants étrangers soupçonnés de « radicalisation ». L’annonce est intervenue après la publication d’informations selon lesquelles le meurtrier présumé dans l’affaire de l’assassinat de Samuel Paty bénéficiait du statut de réfugié en France.