Écrire Un « test de virginité » imposé à une artiste

L’artiste-peintre et prisonnière d’opinion iranienne Atena Farghadani est toujours détenue en attendant son jugement en appel après sa condamnation à 12 ans et neuf mois de prison. Les autorités ont maintenant confirmé l’avoir soumise à des tests de virginité et de grossesse.

Atena Farghadani, artiste-peintre et militante des droits humains âgée de 29 ans, demeure détenue à la prison d’Evin, à Téhéran, les autorités ayant refusé de la libérer sous caution dans l’attente de son jugement en appel.

Dans son rapport de mars 2016 sur la situation des droits humains en Iran, le secrétaire général des Nations unies a écrit que les autorités iraniennes avaient confirmé avoir soumis Atena Farghadani à des « tests de virginité » : « L’administration pénitentiaire a pratiqué des tests en réponse aux allégations parues sur certains sites Internet indiquant qu’elle avait été victime d’agression sexuelle. » Atena Farghadani avait affirmé, dans une note écrite en prison et divulguée en octobre 2015, que les autorités judiciaires l’avaient emmenée le 12 août dans un centre médical en dehors de la prison et contrainte à subir des tests de virginité et de grossesse. Les « tests de virginité », qui sont extrêmement discriminatoires et portent atteinte à la dignité des femmes et à leur droit à l’intégrité physique et mentale, ont été reconnus comme une violation de la législation internationale prohibant la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Atena Farghadani a été condamnée le 1er juin 2015, à l’issue d’un procès inique qui a duré moins d’une demi-journée devant un tribunal révolutionnaire de Téhéran. Elle a été déclarée coupable de « rassemblement et collusion dans l’intention de porter atteinte à la sécurité nationale », « insulte envers les membres du Parlement par le biais de peintures », « diffusion de propagande contre le régime », « outrage au président » et « outrage au guide suprême de la République islamique d’Iran ». Ces chefs d’accusation sont liés à ses activités pacifiques, notamment son association avec des familles de prisonniers politiques, ses publications sur Facebook et son travail artistique. Sa procédure en appel est en cours.

En juin 2015, Atena Farghadani et son avocat Mohammad Moghimi ont été inculpés de « relations sexuelles illégitimes ne constituant pas un adultère » après s’être serré la main dans la prison lorsqu’ils se sont vus pour préparer son procès en appel. Le 19 octobre 2015, une juridiction pénale de Téhéran les a tous deux relaxés. Dans son verdict, cette instance a statué que leur action consistant à se serrer la main était « interdite par la religion » (haram), mais qu’elle ne pouvait pas être qualifiée d’infraction dans ce cas car elle n’avait pas été commise « dans l’intention de rechercher du plaisir sexuel », comme le prévoit le Code pénal islamique.

Si son appel est rejeté, Atena Farghadani purgera sept ans et demi de prison pour le chef d’accusation le plus grave, « rassemblement et collusion dans l’intention de porter atteinte à la sécurité nationale », en vertu des nouvelles directives en matière de condamnation figurant dans le Code pénal iranien de 2013, qui disposent que les personnes reconnues coupables de multiples chefs d’accusation ne doivent purger que la peine la plus longue.

Elle a été arrêtée une première fois le 23 août 2014 chez elle, à Téhéran, en rentrant d’une consultation à l’hôpital pour une blessure à la main. Elle a ensuite été détenue dans la section 2A de la prison d’Evin, qui est gérée par les pasdaran (gardiens de la révolution), pendant presque deux mois, dont 15 jours à l’isolement, sans pouvoir contacter un avocat ni sa famille. Elle a été libérée sous caution le 6 novembre 2014. Dans une interview réalisée en décembre 2014, Atena Farghadani a déclaré qu’elle avait été interrogée neuf heures par jour durant un mois et demi après son arrestation. Les éléments recueillis lors de ces longs interrogatoires avaient été utilisés au tribunal. Atena Farghadani a de nouveau été arrêtée le 10 janvier 2015 après avoir été convoquée par un tribunal révolutionnaire, probablement en représailles à un message vidéo qu’elle avait publié après sa libération, où elle expliquait que les gardiennes de la prison l’avaient battue et soumise à des fouilles corporelles dégradantes et d’autres mauvais traitements. Selon ses parents, qui se sont exprimés lors d’interviews dans les médias, elle a été rouée de coups dans la salle d’audience avant d’être transférée à la prison de Gharchak, dans la ville de Varamin, qui ne comporte pas de section réservée aux prisonniers politiques et où les conditions de détention sont épouvantables.

Atena Farghadani a entamé une grève de la faim le 9 février pour protester contre son maintien en détention dans la prison de Gharchak. Elle aurait fait une crise cardiaque le 25 février et brièvement perdu connaissance à cause de son jeûne. Elle a été hospitalisée en dehors de la prison et a cessé sa grève de la faim. Le 3 mars, elle a été transférée de l’hôpital à la section 2A de la prison d’Evin, où elle a encore passé 11 semaines à l’isolement. Depuis le jugement rendu le 1er juin, elle a été transférée dans l’aile générale de cette prison, où sont détenues les prisonnières politiques.

Le 28 décembre 2014, Atena Farghadani a diffusé sur YouTube une vidéo dans laquelle elle décrit les mauvais traitements qu’elle a subis en prison. Elle y raconte que, pendant sa détention, pour pouvoir peindre, elle écrasait et utilisait comme pinceaux les gobelets en carton dans lesquels on lui donnait du lait. Cependant, les gardiens de la prison ont fini par s’en apercevoir et lui ont confisqué ses peintures et cessé de lui donner des gobelets en carton.

Le 17 octobre, elle a alors caché dans ses vêtements deux gobelets trouvés dans les douches et les a rapportés dans sa cellule. Selon elle, des gardiennes sont ensuite venues dans sa cellule et lui ont demandé de se déshabiller entièrement pour une fouille corporelle, tout en jurant et en l’insultant. Lorsqu’elle a opposé une résistance, celles-ci lui ont donné des coups qui lui ont laissé des hématomes au poignet et des griffures sur la poitrine. Dans la vidéo, elle explique qu’elles ont découvert qu’elle avait pris les gobelets car elles avaient installé des caméras dans les toilettes et les douches. Les responsables de la prison avaient apparemment affirmé aux détenus que ces caméras ne fonctionnaient pas.

Le Code pénal islamique iranien, adopté en mai 2013, conserve les définitions vagues de certaines « infractions » comme la « propagande contre le régime », le fait de « susciter le trouble dans l’esprit du public », l’« outrage aux valeurs saintes de l’islam » et l’« appartenance à une organisation illégale ». Ces faits peu précis sont fréquemment invoqués pour restreindre l’exercice pacifique des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Les lois et pratiques de ce type vont à l’encontre des obligations qui incombent à l’Iran au titre des articles 19, 21 et 22 du PIDCP, qui garantissent respectivement la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

Les tests de virginité imposés de force en détention constituent une grave violation du droit international. Ils bafouent les droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles à l’intégrité physique, à la dignité, à la vie privée et leur droit de ne pas être soumises à la torture ni à tout autre traitement cruel, inhumain et dégradant. Ces tests sont discriminatoires par nature et dans les faits, et rien ne saurait justifier une telle violence et atteinte aux droits humains. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a exhorté les autorités sanitaires du monde entier à mettre fin à la pratique des « tests de virginité » en toutes circonstances et à interdire aux professionnels de santé de se livrer à cette pratique discriminatoire et dégradante.

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