Écrire Toujours aucune information sur les centaines de Rohingyas disparus

Quatre mois après le lancement de vastes opérations de sécurité dans le nord de l’État d’Arakan, au Myanmar, on ignore toujours le sort réservé à des centaines de Rohingyas arrêtés. Amnesty International les considère comme des victimes de disparitions forcées, qui risquent d’être torturées ou maltraitées, et d’être soumises à des procès iniques.

Aucune information officielle n’a encore été communiquée sur le lieu de détention ni sur les faits qui sont reprochés aux centaines de personnes que les autorités du Myanmar affirment avoir arrêté et poursuivi en justice depuis le 9 octobre 2016. Le 20 janvier 2017, la rapporteure spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme au Myanmar a déclaré qu’elle a rencontré un seul détenu ayant bénéficié d’une représentation juridique ou sachant quelles charges pesaient contre lui. Elle a ajouté que la plupart des familles des personnes arrêtées ou détenues n’avaient reçu aucune information sur le sort de leurs proches.

L’absence de toute information sur les personnes ayant disparu depuis plusieurs mois soulève des préoccupations quant aux disparitions, à la torture et aux autres mauvais traitements. Les médias d’État du Myanmar ont relaté le 3 février 2017 qu’un homme, détenu dans le cadre des attaques du 9 octobre, était mort en détention alors qu’il était soigné pour une « inflammation de l’estomac ». Tandis qu’au moins six autres personnes arrêtées dans le cadre des opérations de sécurité en cours sont également mortes en détention, à la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête indépendante n’a été menée.

En raison de la pression internationale, les autorités du Myanmar ont mis en place différentes commissions afin d’enquêter sur les violations présumées des droits humains commises durant les opérations de sécurité menées dans le nord de l’État d’Arakan. Cependant, en raison de plusieurs facteurs, dont la composition de ces commissions, aucune ne peut être considérée comme indépendante ou impartiale.

Le 9 octobre 2016, des assaillants non identifiés ont attaqué des avant-postes de la police des frontières dans le nord de l’État d’Arakan, au Myanmar, ont tué neuf gardes-frontières et se sont emparés d’armes et de munitions. Les forces de sécurité ont réagi en lançant une vaste opération, en menant des « opérations de contrôle » et en bouclant la zone, empêchant de ce fait les organisations humanitaires, les médias et les observateurs indépendants des droits humains d’y pénétrer.

Depuis lors, Amnesty International a recensé toute une série de violations des droits humains commises par les forces de sécurité, en particulier par l’armée, contre les Rohingyas. Il s’agit notamment d’homicides illégaux et de tirs aveugles sur des civils, d’arrestations arbitraires, d’actes de torture et autres mauvais traitements, de viols et autres actes de violence sexuelle, de destructions massives de bâtiments appartenant à des Rohingyas, de pillages de biens et de confiscations arbitraires de documents d’identité importants.

Pour en savoir plus, consultez le rapport d’Amnesty International intitulé “We are at breaking point” - Rohingya : Persecuted in Myanmar, neglected in Bangladesh (Index AI : ASA 16/5362/2016), disponible à l’adresse suivante : https://www.amnesty.org/en/documents/asa16/5362/2016/en/
On ne connaît pas le nombre précis de personnes arrêtées dans le cadre des opérations de sécurité. En décembre, les médias d’État ont affirmé que 575 personnes avaient été interpellées ; cependant dans un rapport provisoire en janvier, une commission d’enquête gouvernementale a réduit ce chiffre à 485. Dans un rapport publié le 3 février 2017, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a affirmé que, sur 205 personnes interviewées, 45 % ont signalé qu’un membre de leur famille avait disparu après avoir été emmené par les forces de sécurité. Dans son rapport, le HCDH a également évoqué des témoignages corroborant ceux recueillis par Amnesty International, selon lesquels certaines arrestations se sont accompagnées d’actes de torture et d’autres mauvais traitements. Ce rapport faisait également part de préoccupations quant aux disparitions forcées (pour consulter le rapport dans son intégralité : http://www.ohchr.org/Documents/Countries/MM/FlashReport3Feb2017.pdf).
Les disparitions forcées constituent une violation du droit international. Une personne est victime de disparition forcée lorsque des agents de l’État l’arrêtent ou l’enlèvent, mais refusent ensuite de reconnaître qu’elle est privée de liberté, ou dissimulent le lieu où elle se trouve ou ce qui lui est arrivé. Ce faisant, ils la soustraient à la protection de la loi. Une fois qu’elles sont loin des regards, les victimes de disparition forcée risquent la torture, d’autres formes de mauvais traitements et la mort.
Le 1er décembre 2016, le président Htin Kyaw a annoncé la création d’une commission chargée d’enquêter sur les attaques du 9 octobre 2016 et leurs répercussions. Cette commission compte parmi ses membres des militaires de haut rang et des hauts fonctionnaires, encore en poste ou non, et affirme dans son rapport provisoire avoir découvert des preuves insuffisantes de violations des droits humains. Son rapport final, initialement attendu pour le 31 janvier, a été repoussé jusqu’à nouvel ordre. Le 9 février 2017, l’armée du Myanmar a mis sur pied sa propre équipe d’investigation, composée majoritairement de membres de l’armée, afin de déterminer si elle a commis des violations des droits humains lors des opérations menées. En outre, le ministère de l’Intérieur a mis sur pied une enquête départementale le 11 février 2017 afin d’établir si les forces de police ont commis des violations des droits humains durant leurs opérations de contrôle de la zone.

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