Abdallah Abu Rahma est le président du Comité populaire contre le mur dans le village de Bilin, en Cisjordanie, qui organise des manifestations hebdomadaires contre le mur/barrière érigé par Israël. Ce mur mesure au moins 700 kilomètres et se trouve pour la plus grande partie en territoire palestinien, séparant ainsi bon nombre de Palestiniens de leurs terres.
Depuis 2005, les habitants de Bilin tiennent chaque semaine, avec des sympathisants palestiniens, israéliens et étrangers, une manifestation pour dénoncer la construction du mur/barrière et la confiscation de leurs terres par les autorités israéliennes à cet effet. Ils sont régulièrement victimes de violations des droits humains. Mohammed Khatib, un habitant de Bilin, a été arrêté par les forces israéliennes lors de la manifestation hebdomadaire du 13 novembre 2015. Il a été libéré le 16 novembre au soir, moyennant une caution particulièrement élevée (environ 3 840 dollars des États-Unis), et inculpé d’obstruction à un militaire dans l’exercice de ses fonctions. Selon ses avocats, il avait tenté de ramener le calme alors que les forces israéliennes avaient pulvérisé du poivre sur un militant italien à plusieurs reprises. En vertu de l’ordonnance militaire 101, il a aussi été inculpé de s’être trouvé dans une « zone militaire fermée » et d’avoir participé à une manifestation « non autorisée ». Il s’agit de l’un des principaux instruments permettant de contrôler la possibilité pour les Palestiniens de manifester en Cisjordanie. Il interdit à tous les groupes d’au moins 10 personnes de se rassembler « à des fins politiques ou dans un but qui pourrait être considéré comme politique » ou même pour « discuter de ces sujets », à moins qu’ils n’en obtiennent l’autorisation à l’avance auprès du commandement de l’armée israélienne sur place. Tout contrevenant encourt 10 ans d’emprisonnement et/ou une forte amende.
Arrêté le 10 mai 2012, Abdallah Abu Rahma a été libéré sous caution au bout de quelques heures et n’a été convoqué qu’en février 2013 pour avoir fait obstruction à un militaire. Il a été déclaré coupable le 21 octobre 2014. Au cours d’une audience préalable au jugement, le 8 février 2015, le parquet militaire israélien a reconnu que les actions d’Abdallah Abu Rahma étaient non violentes mais estimé qu’il devait tout de même être envoyé en prison pour « de nombreux mois ». Il a déclaré que son emprisonnement ferait clairement comprendre aux manifestants que ceux qui désobéissent aux ordres des forces de sécurité doivent s’attendre à finir en prison. Il a été condamné le 23 février 2015 à quatre mois de prison avec sursis et une amende équivalente à environ 1 300 dollars des États-Unis. En prononçant la condamnation, le juge a souligné qu’Abdallah Abu Rahma n’avait pas été reconnu coupable d’avoir participé à une manifestation. Selon son avocat, cela contredit de façon directe les conclusions du tribunal établies en octobre 2014. Dans son explication de la peine prononcée, le juge a conclu que l’action d’Abdallah Abu Rahma n’avait été ni préméditée, ni violente mais constituait plutôt un acte de résistance passive n’ayant entraîné aucun dommage important. Il a par ailleurs pris en compte deux éléments présentés par la défense : le fait que l’Union européenne ait déclaré en 2010 qu’Abdallah Abu Rahma était un « défenseur des droits de l’homme qui milite de manière non violente contre le tracé de la barrière de séparation israélienne à travers son village de Bil’in en Cisjordanie », ainsi que des documents d’Amnesty International affirmant qu’il était poursuivi pour avoir exercé son droit de manifester pacifiquement.
En 2010, Abdallah Abu Rahma avait déjà été condamné pour « provocation » et « organisation d’une manifestation illégale et participation à celle-ci ». Le juge militaire chargé de l’affaire avait accepté l’argument du ministère public, selon lequel Abdallah Abu Rahma avait encouragé des manifestants à Bilin à jeter des pierres sur des soldats israéliens. Ces accusations étaient fondées sur les déclarations de trois mineurs, qui se sont rétractés au tribunal en affirmant avoir subi des pressions et qui ne comprenaient pas l’hébreu, langue dans laquelle leurs déclarations avaient été rédigées. Abdallah Abu Rahma avait alors été condamné à 16 mois d’emprisonnement et six mois avec sursis.