Écrire Trois défenseurs des droits humains détenus au secret

Trois défenseurs des droits humains vietnamiens qui n’ont aucun lien les uns avec les autres ont été arrêtés à dix jours d’intervalle en janvier, et sont actuellement en détention provisoire au secret. Ils n’ont pas pu parler à un avocat et risquent de subir des actes de torture et d’autres mauvais traitements.

Trần Thị Nga, membre du groupe indépendant Femmes vietnamiennes pour les droits humains, a été arrêtée à son domicile à Phủ Lý, dans le nord du Viêt-Nam, le 21 janvier 2017. D’après les médias gouvernementaux, elle a été « surprise en train de publier des vidéos et des documents contenant de la propagande contre l’État sur Internet ». Inculpée au titre de l’article 88 du Code pénal vietnamien de 1999 pour avoir « mené une propagande » contre l’État, Trần Thị Nga risque jusqu’à 20 ans d’emprisonnement si elle est reconnue coupable. Elle est détenue à la prison de la province de Hà Nam.

Nguyễn Văn Oai, ancien prisonnier d’opinion et militant des droits sociaux catholique, a été arrêté tard le 19 janvier 2017, alors qu’il rentrait chez lui après une sortie de pêche dans la ville de Hoàng Mai, dans le centre du Viêt-Nam. Ses proches ont été informés le lendemain qu’il était accusé d’avoir résisté à des représentants de l’État dans l’exercice de leurs fonctions, au titre de l’article 257 du Code pénal. Nguyễn Văn Oai fait actuellement l’objet d’une période de mise à l’épreuve de trois ans depuis sa libération de prison en août 2015, où il avait passé quatre ans. Il est détenu à la prison de la province de Nghệ An et encourt une peine de sept ans d’emprisonnement s’il est déclaré coupable. Son état de santé est fragile depuis son dernier emprisonnement.

Nguyễn Văn Hóa, un blogueur du district de Kỳ Anh (centre-nord du Viêt-Nam), a été arrêté le 11 janvier 2017. La police de Hà Tĩnh a informé ses proches 12 jours plus tard, le 23 janvier, qu’il était détenu au titre de l’article 258 du Code pénal de 1999 pour « utilisation abusive des libertés démocratiques pour porter atteinte aux intérêts de l’État et aux droits et intérêts légitimes des organisations ou des citoyens », un chef d’accusation souvent utilisé contre des militants pacifiques. S’il est déclaré coupable au titre de l’article 258, il risque une peine pouvant atteindre sept ans d’emprisonnement. Il est détenu à la prison de Cầu Đông, dans la province de Hà Tĩnh.

Le Viêt-Nam est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Pourtant, ce droit fait l’objet d’une forte restriction en droit et en pratique dans ce pays. Des articles du Code pénal de 1999 portant sur la sécurité nationale et formulés en termes vagues, ainsi que des articles portant sur la gestion administrative, sont fréquemment utilisés pour ériger en infraction des opinions ou activités dissidentes.

Les personnes qui prônent un changement politique pacifique, critiquent les politiques gouvernementales ou appellent au respect des droits humains sont souvent prises pour cible. Les articles 88, 257 et 258 font partie des articles souvent employés pour arrêter, juger et emprisonner des dissidents pour leur militantisme en faveur de la démocratie, notamment des blogueurs, des militants des droits du travail et des droits fonciers, des militants politiques, des adeptes de certaines religions, des défenseurs des droits humains, des défenseurs de la justice sociale, et même des paroliers.

Au Viêt-Nam, les conditions de détention sont très dures ; la nourriture et les soins médicaux sont insuffisants et ne respectent pas les obligations minimales prévues par l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Mandela) et par d’autres normes internationales. Les prisonniers d’opinion sont souvent détenus au secret lors de leur détention provisoire, au moment où le risque de subir des actes de torture ou d’autres mauvais traitements est le plus élevé. Bien que le Viêt-Nam ait ratifié la Convention contre la torture, qui est entrée en vigueur en février 2015, le pays n’a pas pris de mesures suffisantes pour se mettre en conformité avec ses dispositions. Pour plus d’informations, veuillez consulter le rapport La torture et les mauvais traitements des prisonniers d’opinion au Viêt-Nam, (https://www.amnesty.org/fr/documents/asa41/4186/2016/fr/).
Trần Thị Nga a deux enfants de six et quatre ans et est connue pour son militantisme pacifique. Elle a été victime de manœuvres de harcèlement et d’intimidation et de violences policières à plusieurs reprises par le passé en raison de ses activités de défense des droits humains, notamment des droits du travail, et de sa participation à des manifestations écologistes et antichinoises.

Nguyễn Văn Oai avait déjà été arrêté en août 2011 et condamné en janvier 2013 à quatre ans d’emprisonnement suivis de trois ans d’assignation à résidence, au titre de l’article 79 du Code pénal de 1999, pour avoir mené des activités visant à « renverser » l’État. Soumis à des restrictions par des assignations à résidence ou des mises à l’épreuve, des prisonniers d’opinion ne peuvent souvent pas exercer leur droit de circuler librement après leur libération et sont régulièrement soumis à des interrogatoires, des mesures de surveillance et des manœuvres de harcèlement aux mains de la police locale.

Nguyễn Văn Hóa a aidé des pêcheurs touchés par la catastrophe écologique causée par l’entreprise Formosa en avril 2016, qui a entraîné la mort de plusieurs millions de poissons et a touché quelque 270 000 personnes, notamment des pêcheurs. À l’issue d’une enquête de deux mois sur cette catastrophe écologique, le gouvernement a confirmé les allégations de la population selon lesquelles une aciérie de l’entreprise taïwannaise Formosa Plastics Group avait rejeté des déchets toxiques. Fin juin, Formosa s’est excusée publiquement et a annoncé qu’elle allait verser 500 millions de dollars des États-Unis à titre d’indemnisation, mais les personnes affectées par la catastrophe estiment que cette somme est insuffisante au vu de l’impact et de la perte de moyens de subsistance. Des militants travaillant sur l’affaire de Formosa font l’objet de manœuvres de harcèlement et d’intimidation.

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