Écrire Un enseignant de religion détenu risque la peine de mort

Matar Younis Ali Hussein, un enseignant de religion souffrant d’une déficience visuelle, a été inculpé de trois infractions en vertu du Code pénal de 1991. Pour deux de ces infractions, il encourt la réclusion à perpétuité voire la peine de mort au Soudan. Il a été arrêté le 1er avril, apparemment parce qu’il critiquait la politique du gouvernement au Darfour. Il risque toujours de subir des actes de torture et d’autres mauvais traitements en détention.

Matar Younis Ali Hussein, enseignant de religion de 48 ans et père de huit enfants souffrant d’une déficience visuelle, a été inculpé le 24 juin, en vertu du Code pénal de 1991, d’« atteinte au système constitutionnel » (article 50) et de « guerre contre l’État » (article 51), deux infractions passibles de la réclusion à perpétuité voire de la peine de mort. Il a également été inculpé d’« espionnage » en vertu de l’article 53.

Fervent détracteur de la politique gouvernementale au Darfour, il a appelé à protéger les personnes déplacées. Il a été arrêté par le Service national de la sûreté et du renseignement (NISS) le 1er avril à Zalengi, dans le centre du Darfour. Il a été emmené quelques jours plus tard à la prison de Kober, à Khartoum, où il a été détenu jusqu’à son transfert, à la fin du mois de mai, dans un centre de détention dirigé par les services du procureur de la Sûreté de l’État chargés des crimes contre l’État, dans la même ville. Il a été inculpé le 24 juin, après quoi il a été renvoyé à la prison de Kober.

Selon son avocat, des agents du NISS l’ont de nouveau remis, le 10 juillet, aux services du procureur de la Sûreté de l’État chargés des crimes contre l’État.

Amnesty International considère Matar Younis comme un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé de façon pacifique son droit à la liberté d’expression en critiquant publiquement la politique du gouvernement au Darfour. L’organisation craint qu’il soit détenu dans des conditions inhumaines et que sa détention prolongée l’expose au risque d’être torturé ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements. Son procès doit avoir lieu le 12 juillet à Khartoum.

À ce jour, des informations font état de nombreux homicides visant des personnes déplacées et d’autres civils, mais aussi d’enlèvements, de pillages, de violences sexuelles et d’arrestations arbitraires au Darfour.

Malgré ces informations crédibles sur la situation des droits humains, l’État persiste à déclarer que les conditions de sécurité se sont améliorées au Darfour et que la situation est stable. Le 28 juin, Amnesty International a publié en exclusivité des images satellites et des photos montrant les dommages de grande ampleur occasionnés par les attaques en cours contre des villages de la région. Les images montrent au moins 18 villages dans l’est de la région du Djebel Marra, au Darfour, incendiés par les forces gouvernementales et les milices alliées au cours des trois derniers mois. Elles corroborent les récits de témoins, recueillis précédemment par Amnesty International auprès des habitants d’au moins 13 villages touchés. De mars à mai 2018, un déplacement massif de population a été causé par les combats entre la faction Abdel Wahid de l’Armée de libération du Soudan (ALS) et les forces gouvernementales dans le Djebel Marra oriental.

Les arrestations et détentions arbitraires, la torture et les autres formes de mauvais traitements demeurent courantes au Darfour. Les autorités soudanaises emploient couramment ces mesures répressives afin de réduire au silence et de sanctionner les dissidents et les militants politiques hostiles au gouvernement, les défenseurs des droits humains, les militants de la société civile et les personnes déplacées au Darfour. Les droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique sont extrêmement restreints au Darfour. Adam Haroun Shames Eldeen, 46 ans, un autre responsable associatif faisant partie d’un groupe de personnes déplacées à Al Genaïna, la capitale du Darfour de l’Ouest, qui a été arrêté par le NISS le 13 décembre 2017 et se trouve encore en détention, est inculpé des mêmes charges que Matar Younis.

Le NISS dispose de vastes pouvoirs en matière d’arrestation et de détention en vertu de la Loi de 2010 relative à la sécurité nationale, qui lui permet notamment de maintenir des suspects en détention jusqu’à quatre mois et demi sans contrôle judiciaire, et ses membres usent de leur autorité pour procéder à des arrestations arbitraires et placer en détention des personnes, dont beaucoup se voient infliger des actes de torture et d’autres mauvais traitements. La même loi les protège de toute poursuite pour les actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, d’où une culture généralisée de la violence et de l’impunité. La modification de l’article 151 de la Constitution adoptée le 5 janvier 2015 a étendu le mandat du NISS, ce qui n’a fait qu’aggraver la situation. Elle a transformé le NISS : autrefois service de renseignement spécialisé dans la collecte et l’analyse d’informations et le conseil, il est devenu une agence de sécurité à part entière détenant un mandat large et exerçant toute une palette de fonctions qui sont habituellement celles de l’armée ou des organes chargés de l’application des lois.

Le nouveau texte a accordé au NISS un pouvoir discrétionnaire illimité pour déterminer ce qui constitue une menace politique, économique ou sociale et comment y faire face. Ni la Loi relative à la sécurité nationale ni l’article 151 révisé n’exigent, explicitement ou implicitement, que les agents du NISS respectent le droit international, régional et national applicable dans l’exercice de leurs fonctions.

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