Écrire Un journaliste reste menacé malgré la suspension de son expulsion

Le 8 août, le tribunal de la ville de Moscou a suspendu l’expulsion du ressortissant ouzbek Khoudoberdi Nourmatov, dans l’attente de l’examen de son affaire par la Cour européenne des droits de l’homme. Il est cependant maintenu en détention. Il doit être libéré immédiatement.

Le 8 août 2017, un juge du tribunal de la ville de Moscou a décidé de suspendre l’expulsion de Khoudoberdi Tourgounalievitch Nourmatov, correspondant pour le journal Novaïa Gazeta et militant mieux connu sous son nom de plume Ali Ferouz, dans l’attente de l’examen de son affaire par la Cour européenne des droits de l’homme. Le juge s’est appuyé sur la décision du 4 août 2017 de la Cour européenne des droits de l’homme d’accorder des mesures provisoires urgentes à Khoudoberdi Nourmatov interdisant son expulsion en Ouzbékistan, au titre de l’article 39 du Règlement de la Cour. Le juge a cependant également statué en faveur du maintien en détention du journaliste au Centre de détention pour ressortissants étrangers pendant l’examen de son affaire par la Cour européenne des droits de l’homme, ce qui pourrait prendre plusieurs mois, voire des années. Il risque toujours d’être renvoyé de force en Ouzbékistan, et notamment d’être enlevé, pendant sa détention.

Amnesty International a recensé de nombreux cas de renvois forcés de personnes de Russie vers l’Ouzbékistan, certains demandeurs d’asile et réfugiés étant victimes d’enlèvements et de restitutions secrètes par les forces de sécurité. S’il est renvoyé en Ouzbékistan, Khoudoberdi Nourmatov risque d’être victime de graves violations des droits humains, y compris d’actes de torture, et d’être poursuivi en justice, notamment en raison de son orientation sexuelle. Les relations consenties entre hommes sont illégales en Ouzbékistan et sont passibles d’une peine d’emprisonnement. La détention de migrants ne doit être utilisée qu’en dernier recours, pour la plus courte durée possible et uniquement si elle est nécessaire et proportionnelle à l’objectif d’empêcher le prévenu de s’enfuir, pour vérifier son identité ou pour veiller à l’application d’un arrêt d’expulsion. Aucun de ces critères ne s’applique dans le cas de Khoudoberdi Nourmatov. Il doit être libéré immédiatement.
Lors de l’audience du 8 août, Khoudoberdi Nourmatov a montré les ecchymoses qui, d’après lui, sont le résultat des coups que les agents de sécurité lui ont assénés pendant son transfert au centre de détention après son audience du 2 août 2017. Aucune enquête n’a été menée sur ses allégations de mauvais traitements.

Khoudoberdi Tourgounalievitch Nourmatov, né en février 1986, écrit pour le journal indépendant Novaïa Gazeta sous le pseudonyme Ali Ferouz, et couvre des sujets tels que les droits des personnes handicapées et les droits des réfugiés et des migrants d’Asie centrale. Il est né en Ouzbékistan et a passé son enfance en Ouzbékistan et en Russie. D’après Khoudoberdi Nourmatov, il a été contraint de fuir l’Ouzbékistan en 2008, après avoir été arrêté et torturé par des agents du Service ouzbek de la sécurité nationale pour avoir refusé de collaborer secrètement avec eux.

Khoudoberdi Nourmatov a été arrêté et placé en détention le 1er août 2017 à Moscou, et est accusé de « violation de la législation relative à l’entrée ou au séjour d’un ressortissant étranger en Fédération de Russie », au titre du paragraphe 3.1 de l’article 18.8 du Code d’infractions administratives russe. Le même jour, il a été conduit au tribunal de Basmanni, à Moscou. Le juge l’a condamné à une amende de 5 000 roubles et a statué qu’il devait être renvoyé de force en Ouzbékistan. Le journaliste a été placé en état d’arrestation au tribunal et a été conduit à un centre pour étrangers en instance d’expulsion à Moscou, où il est toujours détenu.

Le 16 mars 2017, Khoudoberdi Nourmatov avait été placé en détention par la police et accusé à tort d’enfreindre la législation russe relative à l’immigration. À l’époque, la demande d’asile temporaire en Russie de Khoudoberdi Nourmatov était en cours d’examen. Il a donc été libéré, car il avait le droit d’être en Russie jusqu’à ce qu’une décision quant à son statut soit prise et que tous les recours aient été épuisés. Le journaliste a par la suite appris que sa demande d’asile avait été rejetée. Il a fait appel auprès du tribunal du district de Zamoskvoretski, à Moscou. Le tribunal a refusé d’examiner son appel, mais n’en a pas informé Khoudoberdi Nourmatov. Celui-ci ne l’a appris de la police que lors de son audience du 1er août.

Les recherches menées par Amnesty International montrent que des centaines de demandeurs d’asile, de réfugiés et de migrants ont été enlevés ou renvoyés de force de Russie en Ouzbékistan depuis 2014, en violation flagrante des obligations internationales de la Russie en matière de droits humains. Quand elles ne sont pas allées jusqu’à se rendre complices des enlèvements, les autorités russes ont cherché d’autres moyens de contourner leurs obligations internationales, utilisant des mesures administratives, comme l’expulsion pour infractions administratives, afin de renvoyer ces personnes en Ouzbékistan, où elles courent véritablement le risque d’être torturées. Nombre des personnes renvoyées de force en Ouzbékistan avaient tenté en vain de demander l’asile auprès des autorités russes avant leur renvoi.

Au titre du droit international et des normes internationales, les demandeurs d’asile ne doivent être placés en détention que dans des circonstances très exceptionnelles, et les autorités doivent pouvoir démontrer que cette détention est nécessaire et proportionnelle à l’objectif visé. Toute personne placée en détention doit avoir la possibilité de contester la légalité de la décision en vertu de laquelle elle est incarcérée.

Les autorités russes continuent de prendre pour argent comptant les assurances données par leurs homologues ouzbeks selon lesquelles les personnes ainsi renvoyées ne seront pas torturées à leur retour. Par ailleurs, elles n’ont mené aucune enquête digne de ce nom sur les cas d’enlèvements de ressortissants ouzbeks en Russie qui leur ont été signalés. Pour en savoir plus, consultez les rapports en anglais intitulés Uzbekistan : Fast-track to torture − abductions and forcible returns from Russia to Uzbekistan (https://www.amnesty.org/fr/documents/eur62/3740/2016/fr/) et Uzbekistan : Amnesty International’s Submission to the Council of Europe Committee of Ministers : Garabayev V. Russian Federation (No.38411/02) Group of Cases (https://www.amnesty.org/en/documents/eur62/5839/2017/en/).

S’il est renvoyé en Ouzbékistan, Khoudoberdi Nourmatov risque fort, comme beaucoup d’autres avant lui, d’être détenu au secret, de subir des actes de torture ou d’autres mauvais traitements et d’être jugé de façon inique. S’il est poursuivi et déclaré coupable en Ouzbékistan, il serait exposé à une longue peine d’emprisonnement dans des conditions cruelles, inhumaines et dégradantes.

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