Écrire Un militant des droits humains disparu risque la torture

On pense que Deedar Ali Shabrani, journaliste dans la province du Sind, au Pakistan, a été victime de disparition forcée et risque fortement d’être torturé et tué. On ignore où il se trouve depuis que des hommes armés sont venus le chercher à son domicile, le 16 décembre 2017 à l’aube.

On est sans nouvelles de Deedar Ali Shabrani, écrivain, poète et journaliste travaillant pour la chaîne de télévision Dharti TV, depuis son enlèvement à son domicile le 16 décembre 2017, ce qui laisse craindre qu’il n’ait été victime de disparition forcée. Deedar Ali Shabrani est connu pour avoir critiqué les politiques du gouvernement pakistanais envers sa province natale et pour avoir mis l’accent sur les préoccupations concernant les disparitions forcées dans la province du Sind.
Amnesty International craint que Deedar Ali Shabrani ne risque fortement d’être victime de torture et d’autres mauvais traitements, ou même d’être tué – comme cela a été le cas pour plusieurs autres victimes de disparitions forcées au Pakistan.

Parmi les victimes de disparitions forcées, on compte des blogueurs, des journalistes, des militants et d’autres défenseurs des droits humains. Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires des Nations unies s’occupe de plus de 700 affaires au Pakistan, tandis que la Commission gouvernementale d’enquête sur les disparitions forcées du Pakistan en traite actuellement plus de deux fois plus. Les groupes de défense des droits humains locaux pensent que ces affaires ne représentent qu’une fraction du nombre total de personnes victimes de disparition forcée.

Peu de châtiments sont aussi cruels et délibérés que les disparitions forcées. Les personnes sont arrachées à leurs proches par des représentants de l’État ou d’autres personnes agissant en leur nom. Ceux-ci nient détenir la personne en question ou refusent de dire où elle se trouve. Les familles se retrouvent plongées dans l’angoisse, essayant d’entretenir la flamme de l’espoir tout en craignant le pire. Elles peuvent rester dans cette incertitude pendant des années.

Deedar Ali Shabrani se trouvait à son domicile dans le village de Shahnawaz Shar, à Karachi, la capitale de la province du Sind (sud-est du Pakistan), quand un groupe d’hommes armés soupçonnés d’appartenir aux forces de sécurité pakistanaises sont entrés chez lui et l’ont emmené, le 16 décembre 2017 à l’aube. Sa famille, dont de jeunes enfants, a demandé sa libération, rejoignant ainsi les autres familles des disparus. Une requête a été déposée auprès de la Haute cour de la province du Sind, mais cela n’a pas fait avancer l’affaire.

Le Pakistan s’est engagé à de nombreuses reprises devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies à pénaliser les disparitions forcées, mais ne l’a toujours pas fait. Le pays siège au Conseil en tant que membre élu ; on attends donc de lui qu’il défende les normes les plus hautes en matière de droits humains. Lors de l’évaluation du bilan du Pakistan sur le terrain des droits humains durant son Examen périodique universel, le pays a décliné des recommandations – notamment de pays comme le Chili et l’Argentine, dont l’histoire est entachée de disparitions – de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

À ce jour, aucune personne soupçonnée de responsabilité pénale dans ces affaires n’a été traduite en justice. Après sa dernière visite au Pakistan en 2012, le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires a déclaré qu’il règne « au Pakistan un climat d’impunité pour les disparitions forcées, et les autorités ne sont pas suffisamment engagées à mener des enquêtes sur les disparitions forcées et à amener les responsables à rendre des comptes. » Amnesty International constate que la situation ne s’est pas améliorée ces cinq dernières années.

Les autorités pakistanaises doivent condamner publiquement les disparitions forcées, les reconnaître comme une infraction à part entière et appeler à mettre fin à cette pratique cruelle et inhumaine. Le Pakistan n’a toujours pas ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ce qui ternit fortement l’engagement affirmé du pays à respecter les normes les plus élevées en matière de droits humains.

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU, l’organe de suivi des traités chargé de surveiller l’application et le respect du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par les pays, a pris note du bilan du Pakistan en matière de disparitions forcées et a recommandé au pays d’« ériger la disparition forcée en infraction pénale et [de] mettre fin à la pratique des disparitions forcées et de la détention secrète » et de « veiller à ce que toutes les allégations de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies, [et] à ce que tous les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines proportionnelles à la gravité des infractions commises ».

Le Pakistan est l’un des 15 pays élus par l’Assemblée générale de l’ONU le 16 octobre 2017 pour siéger au Conseil des droits de l’homme des Nations unies de janvier 2018 à décembre 2020. Lors de son élection, le Pakistan a déclaré être « fermement engagé à faire respecter, à promouvoir et à protéger les droits universels et les libertés fondamentales de tous. »

Jadis limitées aux zones en proie à des troubles dans la province de Khyber-Pakhtunkhwa, les zones tribales sous administration fédérale et la province du Baloutchistan, les disparitions forcées se sont insinuées partout dans le pays, y compris dans les centres urbains et les grandes villes. Début janvier 2017, cinq défenseurs des droits humains ont été enlevés à Islamabad, la capitale, et dans certaines zones de la province du Pendjab. Quatre des défenseurs des droits humains sont rentrés chez eux entre le 27 et le 29 janvier. Deux d’entre eux ont depuis déclaré avoir été menacés, intimidés et torturés par des personnes qu’ils soupçonnaient de faire partie des services de renseignement militaires.

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