Écrire Un représentant politique cible d’accusations forgées de toutes pièces

Faris Maumoon, représentant politique de l’opposition aux Maldives, a été condamné à quatre mois et 24 jours d’emprisonnement pour usurpation d’identité, et il fait l’objet de poursuites au pénal motivées par des considérations politiques pour cinq autres chefs d’accusation. Faris Maumoon est incarcéré depuis près d’un an en raison d’un procès ne respectant pas les normes d’équité, et Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion.

Faris Maumoon, représentant politique de l’opposition aux Maldives a été condamné à quatre mois et 24 jours d’emprisonnement pour usurpation d’identité le 27 juin 2018 lors d’un procès suscitant des doutes quant au respect des normes d’équité. Il a été accusé d’avoir utilisé illégalement le drapeau et le logo du Parti progressiste des Maldives lors d’une conférence de presse le 22 mars 2017, après avoir été expulsé de ce parti.

Cette condamnation va à l’encontre de la décision rendue par la Cour suprême en février 2018, ordonnant la remise en liberté et un nouveau procès pour Faris Maumoon et huit autres membres de l’opposition. La Cour suprême des Maldives a estimé qu’ils avaient été « déclarés coupables en violation de la Constitution et des obligations internationales des Maldives découlant de plusieurs traités internationaux relatifs aux droits humains » et que les enquêtes avaient été motivées par des considérations politiques.

Le gouvernement a refusé d’appliquer cette décision, et a depuis fait arrêter et condamner le président de la Cour suprême et un autre juge de cette institution.

Lors du procès intenté contre Faris Maumoon, l’accusation a cité des témoins anonymes – qui n’ont pas pu faire l’objet d’un contre-interrogatoire – et n’a pas communiqué aux avocats de la défense des pièces portées au dossier, contrairement à ce que prévoient les dispositions du nouveau Code de procédure pénale. Faris Maumoon a présenté une liste de 47 personnes pouvant témoigner en sa faveur, mais 10 seulement de ces personnes ont été convoquées. Les autres n’ont pas été entendues.

La répression exercée contre les activités politiques pacifiques aux Maldives ne fait pas vraiment les gros titres dans le monde. Conforté par le fait que cette répression n’a pas de répercussions sur le tourisme, le gouvernement a décidé d’asseoir son autorité en étouffant la dissidence, et en condamnant des membres de l’opposition au terme de procès soupçonnés d’être motivés par des considérations politiques et ne respectant pas les normes internationales.

Arrêté une première fois le 18 juillet 2017 pour corruption, plusieurs jours avant le vote portant sur une motion de censure à l’encontre du président du Parlement, Faris Maumoon a été accusé d’avoir incité illégalement des législateurs à obtenir des votes pour cette motion de censure. Il est depuis maintenu en détention, à l’exception de quatre jours passés en liberté.

Faris Maumoon est accusé de cinq autres infractions pénales, ces chefs ayant été retenus contre lui pour des motifs politiques : trois chefs de pots-de-vin, un chef de corruption, et un chef de tentative d’acte terroriste. Des poursuites au pénal ont été intentées pour un chef de pots-de-vin et pour le chef lié au terrorisme, et d’après les dernières informations communiquées à l’avocat de Faris Maumoon, le parquet continue d’enquêter sur les deux autres chefs de pots-de-vin. Le délai de prescription pour engager des poursuites a expiré pour deux chefs de corruption retenus contre lui, ce qui a amené le tribunal à refuser de le juger pour l’un de ces chefs, mais Faris Maumoon n’a pas été informé de la situation pour l’autre chef.

Le 18 juin 2018, Faris Maumoon a dit au président du tribunal pénal de ne pas faire semblant de mener un procès équitable, et de le condamner sans même le faire comparaître. Après plusieurs mois de très lente procédure, le tribunal a accéléré les choses pour les procès de Faris Maumoon avec plusieurs audiences consécutives, dans la perspective de l’élection présidentielle du mois de septembre de cette année, afin que cet homme soit déclaré coupable et qu’il ne soit pas en mesure de présenter une candidature.

Les accusations liées au terrorisme ont été retenues contre Faris Maumoon le 6 mai 2018 à la suite d’une audience préliminaire hâtive, la défense n’ayant bénéficié que de trois jours pour préparer son dossier. Faris Maumoon a compris que, sans qu’il le sache, des audiences avaient déjà eu lieu auparavant sans qu’il soit présent. De plus, alors qu’il doit être jugé avec cinq coaccusés, lui seul était présent lors de cette audience. Le tribunal a expliqué qu’aucune salle ne convenait pour accueillir en même temps les six coaccusés, et il a donc tenu des audiences préliminaires séparées. En conséquence, le parquet a pu modifier son argumentation lors de chacune des audiences tenues séparément pour chacun des coaccusés.

Par ailleurs, le tribunal n’a pas suivi la même procédure pour tous : les cinq coaccusés de Faris Maumoon ont été informés du fait qu’ils pourront présenter les noms de témoins de la défense y compris après les audiences préliminaires, mais Faris Maumoon a quant à lui été informé du fait que le tribunal n’acceptera aucun témoin ni aucune pièce qui n’auront pas été présentés lors de la phase préliminaire du procès avec des déclarations sous serment, alors que ce n’est pas une pratique habituelle des tribunaux aux Maldives. En ce qui concerne l’un des chefs de pots-de-vin, le témoin clé de l’accusation a donné des éléments de preuve disculpant Faris Maumoon et le tribunal n’a depuis plus tenu d’audiences. La dernière audience a eu lieu le 13 mars 2018 et son avocat affirme que l’on a délibérément tenté de faire inutilement traîner en longueur les audiences, dans le but de le maintenir en détention.

Faris Maumoon a été brièvement remis en liberté pendant deux jours en janvier 2018 alors qu’il était incarcéré sur l’île de Dhoonidhoo, aux Maldives. Quand il a été remis en liberté, il n’a pas été autorisé à quitter cette île, malgré ses demandes répétées, et il a ensuite été de nouveau arrêté. Le 1er février 2018, la Cour suprême des Maldives a rendu une décision historique en ordonnant sa libération et celle de huit autres personnes détenues pour des motifs politiques ; il a alors été brièvement remis en liberté, puis de nouveau arrêté au bout de deux jours.

La plupart des personnes incarcérées pour des motifs politiques aux Maldives dénoncent des procès iniques, qui sont un dysfonctionnement de la justice pénale. Récemment, l’ancien président de la Cour suprême des Maldives, Abdulla Saeed, et le juge Ali Hameed ont été condamnés à 19 mois d’emprisonnement pour obstruction de la justice ; Amnesty International considère qu’il s’agit de condamnations motivées par des considérations politiques et prononcées à l’issue de procès qui n’ont pas été conformes aux normes d’équité internationales.

La situation des droits humains aux Maldives se dégrade depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdulla Yameen, en 2013. De nouvelles lois ont été adoptées pour entraver les droits à la liberté de parole et d’association, ainsi que d’autres droits. Les disparitions forcées et les assassinats de personnalités de premier plan ayant critiqué le gouvernement n’ont pas donné lieu à des enquêtes dignes de ce nom, et peu à peu tous les principaux représentants de l’opposition ont été emprisonnés pour différents motifs, ce qui vise à préparer le terrain pour le président Abdulla Yameen en vue de l’élection présidentielle de septembre 2018.

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