Écrire Une journaliste arrêtée deux fois en six semaines

Maria Ressa, défenseure des droits humains et rédactrice en chef du journal en ligne Rappler, a de nouveau été arrêtée le 29 mars pour avoir prétendument enfreint la Loi anti-prête-noms (Anti-Dummy Law), texte sanctionnant les Philippins qui permettent à des étrangers d’utiliser leur identité ou leur citoyenneté pour se soustraire à la législation sur la nationalisation de certains droits, concessions ou avantages.

Maria Ressa a été libérée quelques heures plus tard, après avoir versé une caution de 90 000 pesos philippins (environ 1 700 dollars des États-Unis) ; c’était la deuxième fois qu’elle était appréhendée en l’espace de quelques semaines.

Rappler publie régulièrement des article critiques à l’égard du président Rodrigo Duterte et de son gouvernement, et l’arrestation de Maria Ressa s’inscrit manifestement dans le cadre d’une vaste campagne visant à faire taire les détracteurs des autorités.

Le 29 mars 2019, Maria Ressa a été arrêtée par des policiers de la ville de Pasig, à l’aéroport international Ninoy-Aquino de la ville de Pasay. Elle a été inculpée d’infraction à la Loi anti-prête-noms (Anti-Dummy Law), texte sanctionnant les Philippins qui permettent à des étrangers d’utiliser leur identité ou leur citoyenneté pour se soustraire à la législation sur la nationalisation de certains droits, concessions ou avantages. Le directeur de la publication de Rappler et cinq autres membres du conseil d’administration du journal ont également été inculpés. Maria Ressa a été libérée plus tard dans la journée, après avoir versé une caution de 90 000 pesos philippins (environ 1 700 dollars des États-Unis) ; les six autres personnes ont versé une caution du même montant le 27 mars 2019, anticipant la délivrance de mandats d’arrêt à leur encontre.

Le Bureau national d’enquête des Philippines est à l’origine de la plainte contre déposée contre Maria Ressa et d’autres dirigeants de Rappler. Il a affirmé que ces personnes avaient enfreint la Loi anti-prête-noms en délivrant des certificats philippins de dépôt (instrument financier qui permet aux étrangers d’investir dans les entreprises philippines) à Omidyar Network, un investisseur étranger.

Maria Ressa est actuellement poursuivie dans le cadre de sept procédures judiciaires engagées depuis janvier 2018, après que la Securities and Exchange Commission (Commission des opérations boursières) des Philippines eut tenté de faire fermer Rappler. Le journal, ses directeurs et son personnel font actuellement l’objet de 11 procédures judiciaires.
Le 24 juillet 2017, dans son discours annuel sur l’état de la nation, le président Duterte a affirmé que Rappler appartenait à des étrangers, ce qui signifiait que le journal était en infraction au regard de la Constitution.

Au cours des semaines qui ont suivi, le président a réitéré ces propos. En janvier 2018, la Commission des opérations boursières des Philippines a annulé l’enregistrement de Rappler à titre provisoire, estimant que le journal avait enfreint la règlementation relative à la participation étrangère au capital des entreprises. En février 2018, un porte-parole de la présidence a déclaré que Rodrigo Duterte en personne avait ordonné au personnel chargé de sa sécurité d’interdire l’entrée du palais présidentiel à Pia Ranada, journaliste de Rappler, et à Maria Ressa, rédactrice en chef du journal.

En décembre 2018, un mandat d’arrêt a été décerné contre Maria Ressa. Cette femme et Rappler Holdings, dont elle est la présidente, ont été inculpés de violation du code fiscal en 2015, en lien avec des fonds reçus via les certificats philippins de dépôt, un instrument financier qui permet aux étrangers d’investir dans les entreprises philippines.

Début février 2019, le ministère de la Justice a mis en cause Maria Ressa et un ancien reporter de Rappler pour diffamation en ligne. Le ministère agissait à la suite d’une plainte déposée par un homme d’affaires au sujet d’un article publié en 2012, plusieurs mois avant l’adoption de la Loi relative à la cybercriminalité. Maria Ressa a été arrêtée dans la soirée du 13 février 2019, après la fermeture des services traitant les demandes de libération sous caution, ce qui a permis aux autorités de la maintenir en garde à vue jusqu’au lendemain. Ce soir-là, elle devait faire un discours sur la liberté de la presse. Elle a versé une caution pour sa libération le lendemain matin, déclarant que les charges retenues contre elle constituaient un « abus de pouvoir » et une « instrumentalisation de la loi ».

Le harcèlement que subit Maria Ressa illustre une fois de plus la façon dont le gouvernement Duterte s’en prend aux personnes les plus critiques à son égard en les soumettant à des poursuites à caractère politique. L’attaque contre Maria Ressa et Rappler fait suite à l’arrestation et à la détention, en février 2017, de la sénatrice Leila de Lima, également très critique à l’égard de la « guerre contre la drogue », sur la base d’accusations fondées sur des considérations politiques. Cela fait maintenant deux ans que cette sénatrice est incarcérée.

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