Écrire Une militante condamnée a neuf ans de prison

Trần Thị Nga, une militante des droits des travailleurs et des droits fonciers, a été condamnée à neuf ans d’emprisonnement le 25 juillet 2017 pour « propagande » contre l’État, au titre de l’article 88 du Code pénal. Cette femme est une prisonnière d’opinion et elle doit par conséquent être libérée immédiatement et sans condition.

Trần Thị Nga était en détention provisoire depuis son arrestation le 21 janvier 2017. Elle a été déclarée coupable et condamnée par le tribunal populaire de première instance de la province de Hà Nam, à l’issue d’une audience d’une journée. Les autorités vietnamiennes auraient empêché des membres de la famille et des sympathisants de Trần Thị Nga, ainsi que des journalistes indépendants et des diplomates, d’assister à l’audience au tribunal. Trần Thị Ngaa a de plus été condamnée à cinq ans d’assignation à résidence à l’issue de sa peine de prison.

D’après les médias contrôlés par l’État, Trần Thị Nga était accusée d’avoir « publié des vidéos et des documents sur internet contenant des éléments de propagande contre l’État ». Lors du procès, le tribunal se serait appuyé sur 13 vidéos, dont 11 publiées sur son compte Facebook et deux qui auraient été trouvées sur son ordinateur, à titre de preuves des accusations portées. Les vidéos portaient sur des sujets tels que la pollution et la corruption.

L’article 88 du Code pénal vietnamien de 1999 est inscrit au chapitre XI du Code pénal, qui énonce, dans des termes vagues et mal définis, les infractions qui « portent atteinte à la sécurité nationale ». Les dispositions de ce chapitre sont souvent utilisées pour ériger en infraction la dissidence pacifique au Viêt-Nam.

Trần Thị Nga avait par le passé été victime de violences physiques et d’actes de harcèlement et d’intimidation en raison de son travail de défense des droits humains. En mai 2014, elle aurait été attaquée dans la rue par cinq hommes en civil et avait été gravement blessée. Pendant qu’elle était en détention provisoire cette année, son état de santé s’est détérioré en raison de lésions des muqueuses provoquées par l’attaque de 2014. En juin 2017, les autorités pénitentiaires l’ont empêchée de recevoir un traitement médical pour ces lésions.

Trần Thị Nga avait été arrêtée à son domicile à Phủ Lý, dans la province de Hà Nam (nord du Viêt-Nam), le 21 janvier 2017, alors que son mari était sorti pour conduire leurs enfants à l’école. En février 2017, 31 organisations vietnamiennes de la société civile et plus de 847 personnes auraient signé une pétition demandant aux autorités de la libérer. Depuis son procès, des représentants diplomatiques au Viêt-Nam, notamment ceux de l’Union européenne et des États-Unis, ont publié des déclarations dénonçant la déclaration de culpabilité et la condamnation de Trần Thị Nga et demandant sa libération immédiate.

Mère de jeunes enfants, elle s’est formée au travail de défense des droits humains pendant sa convalescence à la suite d’un grave accident de la route dont elle a été victime alors qu’elle travaillait à Taiwan, où elle a subi des violations de ses droits en tant que travailleuse migrante. Elle est membre du groupe indépendant Femmes vietnamiennes pour les droits humains et est connue pour son militantisme pacifique et son travail de campagne sur les droits fonciers et du travail, les questions environnementales (notamment la catastrophe de Formosa), et les conflits fonciers entre la Chine et le Viêt-Nam. Trần Thị Nga est l’une des six militantes des droits humains à avoir été saluées par Amnesty International à l’occasion de la Journée internationale de la femme, pour leur travail en Asie du Sud-Est.

La situation en matière de droits humains au Viêt-Nam semble se détériorer, et de plus en plus de défenseurs des droits humains et de militants politiques exerçant leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion sont arrêtés et poursuivis. Les détracteurs du gouvernement font également l’objet de restrictions de leur droit de circuler librement, d’actes d’intimidation et de violences. La déclaration de culpabilité de Trần Thị Nga intervient moins d’un mois après celle de Nguyễn Ngọc Nh˝ Quỳnh, une autre défenseure des droits humains de premier plan connue en tant que blogueuse sous le nom de Mère Champignon, qui avait été condamnée le 29 juin 2017 au titre du même article du Code pénal.

Trần Thị Nga et Nguyễn Ngọc Nh˝ Quỳnh avaient fait part de leurs inquiétudes quant à la réponse des autorités à la catastrophe écologique provoquée en 2016 par l’entreprise Formosa, qui avait eu de graves conséquences sur les stocks de poissons dans plusieurs provinces du Viêt-Nam. Quelque 270 000 personnes, notamment celles vivant des activités de la pêche, ainsi que leurs proches, ont subi les répercussions de la mort de millions de poissons. À l’issue d’une enquête de deux mois sur cette catastrophe, le gouvernement a confirmé les soupçons du public selon lesquels une aciérie de l’entreprise taïwanaise Formosa Plastics Group, basée dans la province de Hà Tĩnh, avait rejeté des déchets toxiques dans les eaux côtières.

Fin juin 2016, Formosa s’est excusée publiquement et a annoncé qu’elle allait verser 500 millions de dollars des États-Unis à titre d’indemnisation, mais les personnes affectées par la catastrophe estiment que cette somme est insuffisante au vu de l’impact subi et de la perte de leurs moyens de subsistance.

Les défenseurs des droits humains et les militants demandant transparence et obligation de rendre des comptes de la part du gouvernement en ce qui concerne la gestion de la catastrophe écologique continuent d’être victimes d’une répression à l’échelle nationale. Dans plusieurs régions du Viêt-Nam, des arrestations ont lieu dans un climat de peur, de harcèlement, d’intimidation et de surveillance des personnes participant à des activités de militantisme liées à la catastrophe.

Nguyễn Văn Hóa est toujours en détention provisoire, tout comme Nguyễn Văn Oa, ancienne prisonnière d’opinion et militante catholique des droits sociaux qui avait également été arrêtée en janvier, quelques jours après Trần Thị Nga et Nguyễn Văn Hóa.

Le 1er juin 2017, Amnesty International a appelé les autorités vietnamiennes à abandonner les poursuites engagées contre Hoàng Đức Bình et Bạch Hồng Quyền, deux militants de renom qui avaient soutenu les victimes de la catastrophe Formosa. Hoàng Đức Bình est en détention provisoire et un mandat a été émis pour l’arrestation de Bạch Hồng Quyền (voir le document ASA 41/6403/2017).

Au Viêt-Nam, les conditions de détention sont très dures ; la nourriture et les soins médicaux sont insuffisants et ne respectent pas les obligations minimales prévues par l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Mandela) et par d’autres normes internationales. Les prisonniers d’opinion sont détenus à l’isolement à titre punitif, parfois pendant de longues périodes. Ils sont également victimes d’autres formes de torture et de mauvais traitements, et sont notamment frappés par des gardiens de prison, ainsi que par des codétenus sans que les gardiens n’interviennent.

Bien que le Viêt-Nam ait ratifié la Convention des Nations unies contre la torture, qui est entrée en vigueur dans le pays en février 2015, celui-ci n’a pas pris de mesures suffisantes pour se mettre en conformité avec ses dispositions. Pour plus d’informations, voir le rapport d’Amnesty International publié en juillet 2016 : Des prisons à l’intérieur des prisons. La torture et les mauvais traitements des prisonniers d’opinion au Viêt-Nam (voir : https://www.amnesty.org/fr/documents/asa41/4186/2016/fr/).

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