Écrire Un universitaire victime de torture risque une exécution imminente

Un universitaire suédo-iranien victime de torture, Ahmadreza Djalali, incarcéré arbitrairement dans la prison d’Evin (Téhéran), risque d’être exécuté de manière imminente, selon plusieurs médias officiels iraniens, qui ont annoncé que sa condamnation à mort pour « corruption sur terre » (ifsad fil Arz) serait appliquée au plus tard le 21 mai 2022.

Ahmadreza Djalali a été condamné à mort en 2017 à l’issue d’un procès manifestement inique, sur la base d’« aveux » entachés de torture.

Les autorités doivent renoncer immédiatement à son exécution et le libérer sans délai.

Le 4 mai 2022, plusieurs grands médias officiels iraniens ont publié simultanément des articles identiques annonçant que « [selon] des sources bien informées, l’application de la condamnation à mort d’Ahmadreza Djalali [était] à nouveau prévue et la peine sera[it] exécutée, au plus tard, à la fin d’Ordibehesht [soit le 21 mai 2022] ». Quelques jours auparavant, le parquet suédois avait requis la réclusion à perpétuité contre un ancien responsable pénitentiaire iranien, Hamid Nouri, pour son rôle présumé dans les massacres des prisons de 1988 en Iran, au cours desquels des milliers de dissident·e·s politiques ont été soumis à une disparition forcée et exécutés secrètement de manière extrajudiciaire.

Les médias ont déclaré : « [selon] certains analystes politiques […], en appliquant la peine d’Ahmadreza Djalali, non seulement les autorités iraniennes mettront en œuvre une décision judiciaire contraignante, mais elles dissuaderont aussi le gouvernement suédois de prendre à nouveau des mesures telles que la détention de Hamid Nouri. » Les articles consacrés par les médias officiels iraniens aux affaires politiques très médiatisées sont notoirement publiés en étroite coordination avec l’appareil judiciaire et avec les services de renseignement et de sécurité du pays.

Ahmadreza Djalali est un médecin et universitaire qui était établi en Suède et faisait un voyage en Iran pour des raisons professionnelles lorsqu’il a été arrêté arbitrairement, le 26 avril 2016. Il a été détenu à la section 209 de la prison d’Evin, qui dépend du ministère du Renseignement, durant sept mois, dont trois à l’isolement prolongé, sans pouvoir consulter un avocat. Dans une lettre rédigée en prison en août 2017, Ahmadreza Djalali a indiqué que pendant cette période, il avait subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements destinés à le contraindre à « avouer » qu’il était un espion. Les agents ont notamment menacé de l’exécuter et de blesser, voire tuer, ses enfants, qui vivent en Suède, et sa mère, qui vivait en Iran et est décédée en 2021.

Ahmadreza Djalali a affirmé qu’on l’avait forcé à lire devant une caméra des « aveux » rédigés au préalable par les agents chargés de l’interroger. Il nie les accusations à son encontre, forgées de toutes pièces, affirme-t-il, par les autorités. Dans la lettre rédigée en août 2017 dans la prison d’Evin, Ahmadreza Djalali disait être détenu uniquement pour avoir refusé de mettre à profit ses relations universitaires au sein des institutions européennes pour espionner pour le compte de l’Iran.

Le 17 décembre 2018, la télévision publique iranienne a diffusé les « aveux » d’Ahmadreza Djalali au cours d’une émission intitulée « Couper la racine », qui utilisait une musique dramatique, des illustrations et des séquences d’actualités internationales entrecoupées de ses « aveux », pendant qu’une voix off le présentait comme un « espion ». En lui extorquant ces « aveux » forcés et en les diffusant à la télévision, les autorités iraniennes ont bafoué le droit d’Ahmadreza Djalali à la présomption d’innocence, ainsi que son droit de ne pas témoigner contre lui-même. Ahmadreza Djalali a déclaré depuis lors que les « aveux » diffusés avaient été filmés alors qu’il était détenu à l’isolement, sans pouvoir consulter un avocat.

En novembre 2017, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a demandé à l’Iran de libérer immédiatement Ahmadreza Djalali et de lui accorder le droit d’obtenir réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation, au motif qu’il avait été arrêté sans mandat, n’avait été inculpé que 10 mois après son arrestation et avait été effectivement « empêché d’exercer son droit de contester la légalité de sa détention ». Ce groupe a aussi conclu que le non-respect de son droit à un procès équitable avait été d’une gravité telle « qu’il confér[ait] à la privation de liberté de M. Djalali un caractère arbitraire ».

Amnesty International a recueilli des informations mettant en évidence des violations systématiques du droit à un procès équitable en Iran, du stade de l’arrestation jusqu’à celui du procès. Souvent, les personnes détenues ont été appréhendées sans mandat d’arrêt et sont maintenues à l’isolement prolongé dans des lieux tenus secrets, sans pouvoir communiquer avec leurs proches. Les personnes appréhendées, soumises à enquête et poursuivies, en particulier celles arrêtées pour des motifs politiques, font l’objet de procédures judiciaires manifestement iniques.

Le parquet et les membres des services de sécurité et de renseignement qui mènent les interrogatoires, y compris les agents du ministère du Renseignement, dénient systématiquement aux personnes appréhendées le droit de bénéficier des services d’un avocat dès l’arrestation et pendant la phase d’enquête. Les actes de torture et les autres formes de mauvais traitements sont généralisés et systématiques, notamment lors des interrogatoires. La police, les services de renseignement et de sécurité et le personnel pénitentiaire soumettent les personnes privées de liberté à des détentions prolongées à l’isolement, à des passages à tabac, à des flagellations, à des suspensions, à l’administration forcée de substances chimiques, à des décharges électriques et à des violences sexuelles.

Amnesty International a également recueilli des informations montrant que les autorités pénitentiaires et le parquet privaient délibérément des personnes incarcérées de soins de santé adaptés, et commettaient des violations du droit à la vie en s’abstenant délibérément d’accorder des soins vitaux à des prisonniers malades ainsi qu’en refusant d’enquêter sur les morts illégales en détention et de veiller à ce que leurs responsables présumés rendent des comptes.

Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances et sans aucune exception, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, et indépendamment de la culpabilité, de l’innocence ou de toute autre situation de la personne condamnée, ou encore de la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. La peine capitale viole le droit à la vie inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

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