Écrire L’état d’urgence est une grave menace pour les droits humains

Le 27 mars 2022, l’Assemblée législative du Salvador a approuvé l’état d’urgence en réaction à la forte hausse du nombre de meurtres liés aux gangs. Depuis, plus de 25 000 personnes auraient été arrêtées et les droits fondamentaux de la population sont gravement menacés.

Amnesty International demande au président Nayib Bukele de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme aux violations des droits humains perpétrées dans le cadre de l’état d’urgence et d’élaborer des stratégies de sécurité publique garantissant le respect des droits fondamentaux.

Le 27 mars 2022, l’Assemblée législative du Salvador a approuvé l’état d’urgence à la demande du président Nayib Bukele, à la suite d’informations faisant état d’une forte hausse du nombre de meurtres liés aux gangs. L’état d’urgence, qui devait au départ durer 30 jours, a été renouvelé par l’Assemblée législative le 24 avril. Plus de 25 000 personnes ont été arrêtées à ce jour et des violations généralisées des droits humains sont signalées. Amnesty International est particulièrement préoccupée par les problèmes suivants :
1. Les réformes légales mises en place dans le cadre de l’état d’urgence menacent les droits humains et ne respectent pas les normes internationales.

Le décret d’urgence approuvé par l’Assemblée législative suspend des droits humains qui sont jugés fondamentaux, et ne peuvent donc être retirés au titre du droit international. Il s’agit notamment du droit de se faire assister par un avocat et du droit d’être informé des raisons de sa détention.

Autres mesures légales adoptées par l’Assemblée législative : l’instauration de peines de prison pour les personnes mineures âgées de 12 à 16 ans pour des crimes liés aux gangs ; la possibilité de juger des personnes par contumace – c’est-à-dire sans qu’elles ne soient présentes au tribunal ; l’abolition des périodes maximales fixées pour la détention provisoire et l’instauration de procès avec des juges « sans visage », anonymisés, ce qui risque de susciter des problèmes quant à la procédure régulière et à l’indépendance de la justice.

Également, la mise en place de peines de prison pour ceux qui « bénéficient directement ou indirectement de relations de toute nature » avec des gangs, ou qui « reproduisent... des messages ou des déclarations qui émanent ou sont censés émaner » de gangs – des dispositions formulées en termes vagues qui ne répondent pas aux exigences du droit international. La dernière réforme, en particulier, pourrait donner lieu à la criminalisation des journalistes qui couvrent des activités liées aux gangs.

2. De nombreuses informations font état de détentions arbitraires, ainsi que d’inquiétudes concernant les mauvais traitements et la mort de prisonniers en détention.

Les organisations de la société civile ont reçu plus de 300 signalements de violations des droits humains dans le cadre de l’état d’urgence, dont plus de 70 % sont liées aux détentions arbitraires.

Selon des organisations et des médias locaux, des personnes sont arrêtées dans des communautés pauvres et marginalisées au motif qu’elles ont des tatouages ou sont présentes dans des secteurs généralement tenus par les membres de gangs. Ces personnes seraient privées d’accès à une défense juridique et des inquiétudes se font jour quant à l’indépendance judiciaire et à la capacité de ces personnes à obtenir un réexamen judiciaire équitable de leur détention. Des informations faisant état de mauvais traitements ont également émergé dans le contexte de l’état d’urgence et le président a fait des déclarations, indiquant que les prisonniers auront un accès limité à la nourriture et à l’air frais. Selon certaines informations, au moins cinq personnes sont mortes en détention dans le cadre de l’état d’urgence.

3. Les journalistes, les défenseur·e·s des droits humains et les acteurs judiciaires sont attaqués.

Les journalistes et les défenseur·e·s des droits humains qui dénoncent l’état d’urgence sont soumis au harcèlement et à la stigmatisation par les autorités sur les réseaux sociaux et via d’autres canaux. Ce harcèlement visant les journalistes au Salvador atteint de tels niveaux que certains quittent le pays, par crainte des représailles. Les juges et les avocats seraient également soumis à une surveillance accrue.

L’état d’urgence et les mesures connexes s’inscrivent dans le contexte plus large d’un rétrécissement de l’espace civique au Salvador. En mai 2021, l’Assemblée législative – contrôlée par le parti de Nayib Bukele, Nuevas Ideas (« Nouvelles idées ») – a voté en faveur du retrait de juges de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême, une mesure largement interprétée comme une attaque contre l’indépendance judiciaire dans le pays. L’Assemblée législative a également tenté d’adopter une loi restreignant les financements étrangers des organisations de la société civile qui, si elle est approuvée, nuirait gravement au travail des ONG au Salvador.

Le président Nayib Bukele dénigre et stigmatise fréquemment le travail des ONG et des journalistes sur les réseaux sociaux. En janvier 2022, il a été révélé qu’au moins 35 personnes, principalement des journalistes indépendants de médias critiques à l’égard du gouvernement, avaient été la cible d’infections par le logiciel espion Pegasus.

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