La chaîne 1ADAT, diffusée via Telegram (application de messagerie instantanée), a été créée au début du mois de mars 2020 et le nombre de ses abonnés a rapidement atteint plusieurs milliers. Elle publie des informations faisant état de violations des droits humains, notamment d’enlèvements et de détentions illégales, en Tchétchénie, ainsi que des sketchs satiriques traitant des autorités tchétchènes. La chaîne a plusieurs administrateurs, qui gardent l’anonymat et se qualifient de « mouvement populaire » et de « guerriers contre le régime de Ramzan Kadyrov ».
Selon le quotidien russe indépendant Novaïa Gazeta, les autorités tchétchènes tentent d’identifier les créateurs de la chaîne, ses administrateurs et ses auteurs contributeurs – dont la plupart habiteraient en Tchétchénie – depuis le mois de mai. En raison des précautions prises par les administrateurs de la chaîne, les tentatives des autorités ont échoué jusqu’à ce que Salman Tepsourkaïev compromette son anonymat en révélant son identité à une personne probablement infiltrée faisant partie des forces de l’ordre.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Ramzan Kadyrov (qui a été nommé par le Kremlin), la Tchétchénie est le théâtre de nombreuses violations des droits humains, dont les auteurs agissent dans une impunité quasi totale, et la liberté d’expression y est réprimée avec brutalité. Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains ont relevé de multiples cas de détracteurs du régime, notamment des défenseurs des droits humains, des journalistes et des blogueurs, qui ont été poursuivis et emprisonnés sur la base de fausses accusations, ou même enlevés et tués.
Les citoyens qui osent critiquer Ramzan Kadyrov, les membres de son administration, ses proches ou ses adjoints, ceux qui se plaignent de problèmes locaux tels que la fermeture d’un hôpital, ou même ceux qui demandent de l’aide d’une façon jugée mauvaise pour l’image de la Tchétchénie (par exemple, en sollicitant une aide pour subvenir aux besoins d’une famille nombreuse) sont souvent forcés à se déshonorer et à présenter des « excuses » publiques pour leurs actions devant une caméra, pour qu’elles soient ensuite diffusées à la télévision locale ou sur les réseaux sociaux. Cette pratique s’est généralisée depuis 2015. Ainsi, en décembre 2015, un habitant a été filmé le pantalon baissé en train de s’excuser d’avoir critiqué Ramzan Kadyrov et de promettre d’être loyal envers les autorités tchétchènes.
Les détracteurs de Ramzan Kadyrov ne sont pas non plus en sécurité à l’étranger, où beaucoup d’attaques et d’assassinats suspects qui semblaient commandités depuis la Tchétchénie ont été signalés. Le 13 janvier 2009, un ancien garde du corps de Ramzan Kadyrov l’ayant par la suite critiqué publiquement, Oumar Israïlov, dont le témoignage accusait directement le président tchétchène de torture et d’autres violations des droits humains, a été abattu à Vienne, en Autriche. Le 1er février 2020, le corps du blogueur tchétchène Imran Aliev (surnommé « Mansour le Vieux »), a été retrouvé à Lille, en France.
Le 4 juillet 2020, c’est le blogueur Mamikhan Oumarov qui a été abattu en périphérie de Vienne. Ces deux hommes avaient vivement critiqué Ramzan Kadyrov et son régime. Le 26 février 2020, un autre blogueur et détracteur connu du régime, Toumso Abdourakhmanov, qui vit en exil dans un pays d’Europe tenu secret, a été attaqué avec un marteau par un intrus pendant qu’il dormait dans son appartement. Il a réussi à maîtriser son agresseur et survécu.