Écrire Une victime de torture arrêtée pour la troisième fois

Adora Faye de Vera Philippines

Plus d’un mois après son arrestation, Adora Faye de Vera, victime de la loi martiale, est toujours détenue pour meurtre, tentative de meurtre et rébellion. Ses proches nient les accusations portées contre elle et affirment qu’elle est prise pour cible en raison de son militantisme, notamment de son travail pour rendre justice aux victimes de violations commises au nom de la loi martiale.

Ancienne prisonnière politique soumise à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements en 1976, Adora Faye se trouvait à Quezón City pour recevoir des soins médicaux quand elle a été arrêtée le 24 août.

Amnesty International appelle les autorités des Philippines à abandonner les poursuites contre Adora Faye et à la libérer immédiatement. La dégradation de son état de santé justifie également sa libération.

C’est la troisième fois que les autorités philippines arrêtent la militante et poétesse Adora Faye de Vera. En 1976, elle a été détenue une première fois sous la loi martiale et soumise à des actes de torture et d’autres mauvais traitements, dont des violences sexuelles, aux mains de l’armée. Elle a ensuite été arrêtée une nouvelle fois en 1983. Un rapport d’Amnesty International publié en 1982 au sujet de son arrestation de 1976 indiquait :
« Adora Faye de Vera, alors âgée de 22 ans, mariée et mère d’un enfant, a été arrêtée sans mandat le 1er octobre 1976 par une équipe composée de membres réguliers et du renseignement de la Gendarmerie des Philippines (PC) en même temps que deux autres personnes, Rolando Federis et Flora Coronacion [...]. Entre octobre 1976 et le 30 juin 1977, date de la libération d’Adora Faye de Vera, tous trois ont été transférés d’un site de détention secrète à l’autre et soumis continuellement à des actes de torture et d’autres mauvais traitements. Les femmes ont été violées à plusieurs reprises pendant cette période.

Toutes leurs demandes en vue de prévenir leurs proches, de bénéficier d’une assistance juridique, d’être transférés dans un centre de détention officiel et de recevoir des soins médicaux ont été rejetées [...]. Les deux autres personnes arrêtées avec Adora Faye de Vera, Rolando Federis et Flora Coronacion, sont toujours portés disparus et sont présumés morts. »

Son mari, le responsable associatif Manuel Manaog, a été enlevé en 1990 et reste porté disparu.
Adora Faye figurait parmi 10 personnes à l’initiative d’une action collective contre le patrimoine de la famille du président Bongbong Marcos Jr, engagée aux États-Unis en 1986 pour tenter d’obtenir justice pour les victimes d’atteintes aux droits humains commises sous la loi martiale durant la présidence de son père décédé, Ferdinand Marcos Sr. Le tribunal américain a estimé que ce dernier était coupable de violations des droits humains et que son patrimoine pouvait être utilisé pour indemniser les victimes.

Le 24 août 2022, Adora Faye, désormais âgée de 66 ans, a été arrêtée par des agents armés affirmant être des policiers alors qu’elle se trouvait à Quezón City pour se faire soigner pour de l’asthme chronique et de l’anémie. Selon l’organisation de défense des droits humains Karapatan, deux femmes en uniforme sont venues à son appartement et se sont présentées comme des membres du Bureau de protection contre les incendies (BFP) qui étaient là pour contrôler les lieux à la recherche de marijuana. Elles sont ensuite parties, avant de revenir avec d’autres personnes, armées et affirmant être des fonctionnaires de police, pour annoncer à Adora Faye qu’elle était en état d’arrestation.

Celle-ci a été conduite à l’aéroport, puis à un poste de police dans la province d’Iloilo, à des centaines de kilomètres de Quezón City. Pendant deux jours, Adora Faye a été empêchée par la police de contacter son avocat et ses proches. Le 26 août, un membre de sa famille, un avocat et des assistant·e·s juridiques sont arrivés au poste de police après avoir eu confirmation du lieu où elle se trouvait. Elle a été examinée par un médecin l’après-midi même.

La police a accusé Adora Faye d’être une cadre du Parti communiste des Philippines (CPP), en affirmant que des mandats d’arrêt avaient été délivrés contre elle pour meurtre, tentative de meurtre et rébellion dans l’affaire d’une embuscade présumée au cours de laquelle des membres des forces de sécurité auraient été tués en 2009.

Le « marquage rouge » – pratique des autorités ou de dénonciateurs anonymes consistant à accuser des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains de liens avec des groupes armés – est un phénomène qui existe depuis plusieurs décennies. Il a cependant pris de l’ampleur au cours des dernières années, sous la présidence de Rodrigo Duterte, après l’arrêt des pourparlers de paix entre le gouvernement et le CPP en 2017. Le décret 70 que Rodrigo Duterte a signé par la suite prévoit « une approche nationale de la lutte contre les groupes terroristes communistes locaux » et a débouché sur la création du Groupe de travail national pour mettre fin au conflit armé communiste local (NTF-ELCAC). Pour les observateurs, ce moment a marqué le début d’une nouvelle campagne de « marquage rouge », de menaces et de harcèlement dirigés contre des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques, des avocat·e·s, des syndicalistes et d’autres groupes considérés comme ayant des liens avec la gauche progressiste.

De nombreuses organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ont appelé à la cessation immédiate de cette approche, en exprimant leur inquiétude face au fait que cette stratégie anti-insurrectionnelle à la portée dangereusement large a entraîné une augmentation du nombre de violations des droits fondamentaux des défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s politiques dans tout le pays.

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