Écrire Violente répression contre les femmes et les filles

Les autorités iraniennes mènent une « guerre contre les femmes » visant à punir celles qui refusent de se conformer à l’obligation de porter le voile, dans le sillage du soulèvement « Femmes, Vie, Liberté ».

Depuis avril, les forces de sécurité ont intensifié leur campagne destinée à faire appliquer l’obligation du port du voile dans l’espace public en soumettant les femmes et les filles à une surveillance constante, à des coups, des violences sexuelles, des décharges électriques, des arrestations et placements en détention arbitraires et à d’autres formes de harcèlement.

Depuis l’annonce du « Plan Noor » (« lumière » en persan), des femmes et des filles racontent leur calvaire et en font part sur les réseaux sociaux. Le 13 avril 2024, dans une vidéo bouleversante, une femme a ainsi témoigné : « [Les agents] ont voulu m’arrêter. Un policier s’est approché de moi et je lui ai dit de ne pas me toucher. Il y avait un fourgon [pour m’emmener]. Plusieurs femmes policières étaient présentes et l’une d’elles a continué d’essayer de me tirer le bras et de tirer sur mon sac. Je lui criait de me lâcher et j’avais peur qu’ils me confisquent mon téléphone. Je suis tombée au milieu de la rue et toutes les voitures ont commencé à klaxonner pour [m’]apporter leur soutien. Les agentes m’ont filmée et se moquaient de moi. La police m’a finalement laissée partir, mais je ne sais pas ce qu’il va se passer maintenant. Je ne peux même pas vous dire de prendre soin de vous car comment le faire tant qu’on nous [force] à porter le hijab ? »

Le 14 avril, une autre femme, Atefeh Mahmoudi, a publié sur X (ex-Twitter) le témoignage suivant : « Aujourd’hui, la police des mœurs m’a arrêtée. Un fourgon banalisé blanc (dans lequel se trouvaient deux agentes de police et un conscrit servant de chauffeur), trois motos (avec sur chacune deux policiers de sexe masculin) et une voiture transportant également deux policiers m’ont soudain encerclée. Ce qui fait que 10 membres des forces de sécurité se sont alignés autour de moi (tous sauf le conducteur du fourgon) comme s’ils voulaient arrêter un dangereux criminel. Ils [m’]ont parlé de façon agressive. En réponse à mes protestations alors que je leur demandais où ils m’emmenaient et pourquoi ils me traitaient comme ça, l’un d’eux a répondu [en termes insultants en persan] : “Ça ne te regarde pas”. Quand j’ai dit à un autre agent qu’aucune loi [sur le hijab et la chasteté] n’avait été officiellement adoptée, il a commencé à crier. Il m’a menacée en me disant : “Je vais te garder en détention jusqu’à ce que tu apprennes à ne pas répondre.” Ils m’ont libérée après m’avoir fait signer un engagement écrit. »

Une étudiante, Dina Ghalibaf, a raconté sur X, le 15 avril 2024, la rude épreuve qu’elle avait subie : « Hier, dans le bureau de police de la station de métro Sadeghiyeh, j’ai soutenu que tant que je payais des impôts, j’avais le droit d’utiliser le métro. Les [membres des forces de sécurité] m’ont violemment traînée dans une pièce et m’ont infligé des décharges électriques. Ils m’ont maintenue menottée tout du long et l’un des agents m’a agressée sexuellement. »

Dina Ghalibaf a été arrêtée le lendemain de sa publication, le 16 avril, et libérée sous caution deux semaines plus tard, le 30 avril 2024. Une quatrième femme, qui a témoigné de son supplice auprès de la chaîne de radiodiffusion BBC Persian le 19 avril 2024, a déclaré : « J’ai vu deux membres des forces de l’ordre sur des motos. Un fourgon et une voiture se sont aussi dirigés vers moi ; cinq ou six agentes sont descendues des véhicules et m’ont traînée au sol. Je hurlais. J’ai entendu un bruit derrière moi et j’ai senti une douleur dans le dos et sur le côté. Je suis tombée par terre et elles m’ont mise dans un fourgon tout en me filmant et me photographiant pour le ministère public […] Il y avait cinq autres femmes et filles dans le fourgon […] Au poste de police, nous étions une trentaine, dont une écolière. J’ai été conduite devant un procureur qui m’a interrogée. J’avais très mal [à cause des coups] et un médecin m’a diagnostiqué une lésion du rein. »

Des témoins de violences faites aux femmes et aux filles ont aussi raconté ce qu’ils avaient vu sur les réseaux sociaux. Un homme a ainsi écrit sur X le 13 avril 2024 : « Ils ont violemment arrêté une jeune fille qui avait, au plus, 17 ans […] Elle s’agrippait à la rampe en pleurant. Une policière lui a donné des coups de poing sur la main et un policier lui a ouvert les mains de force et l’a traînée par les cheveux jusqu’au fourgon. C’était comme s’ils avaient capturé un membre de l’État islamique. »

Ahmadreza Radan et Hassan Hassanzadeh, qui ont annoncé les dernières mesures draconiennes contre les femmes et les filles, figurent sur la liste des autorités iraniennes visées par des sanctions imposées par les gouvernements d’Australie, du Canada, des États-Unis et du Royaume-Uni, ainsi que par l’Union européenne, pour leur participation à de graves violations des droits humains en lien avec les manifestations qui ont eu lieu dans tout le pays en 2009 et en 2022.

En septembre 2023, des expert·e·s de l’ONU ont fait part de leur préoccupation à propos du « projet de loi visant à soutenir la culture de la chasteté et du hijab », affirmant que ce texte pouvait s’apparenter à une forme d’« apartheid fondé sur le genre puisque les autorités semblent gouverner au moyen d’une discrimination systémique dans l’intention d’obliger les femmes et les jeunes filles à se soumettre totalement » [traduction non officielle].

En mars 2024, la Mission d’établissement des faits des Nations unies sur l’Iran a publié un rapport dans lequel elle concluait que « les sanctions imposées aux femmes et aux filles en vertu des lois et politiques sur le port obligatoire du hijab, telles que les arrestations, les placements en détention, les amendes, les saisies de biens immobiliers, les interdictions de voyager, les interdictions d’utiliser les réseaux sociaux et les restrictions ou la privation injustifiées de droits fondamentaux, comme la suspension de l’université, le licenciement, l’interdiction d’entrer dans des lieux publics, y compris les bureaux gouvernementaux ainsi que les parcs, les cinémas et les transports publics, sont par nature arbitraires et ne sont donc pas autorisées par le droit international relatif aux droits humains.

En appliquant de telles lois et politiques, l’État bafoue les droits des femmes à l’égalité, à la liberté et à la sécurité de leur personne, à la liberté d’expression, de mouvement et de religion, à la vie publique, à l’intégrité corporelle, au respect de la vie privée, à l’éducation, aux soins médicaux et au travail, ainsi que leurs droits de ne pas être victimes de discrimination, de ne pas subir de torture ni d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants et de disposer librement de leur corps. Cumulées, ces violations constituent une grave privation des droits fondamentaux des femmes et des filles, s’apparentant à de la persécution. » [traduction non officielle]

En mars 2024, Amnesty International a publié de nouvelles recherches sur l’intensification de la persécution des femmes et des filles, fondées sur des témoignages recueillis auprès de 46 personnes, qui donnent un aperçu de la réalité quotidienne effrayante que vivent les femmes et les filles en Iran. Voir : https://www.amnesty.org/en/documents/mde13/7770/2024/en/ (en anglais).

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