Écrire Une militante polonaise qui défend l’avortement sécurisé risque la prison

Pour AGIR : copiez-collez le modèle de lettre ci-dessous dans le cadre bleu en l’adressant au Procureur général : biuro.podawcze@pk.gov.pl, et à l’ Ambassade de la République de Pologne à Bruxelles : ebebruamb2@msz.gov.pl.

Vous pouvez aussi personnaliser votre email avant de l’envoyer, cela augmentera la probabilité qu’il arrive dans la boîte de réception du Procureur général. Veillez à ce que votre courrier électronique soit respectueux et persuasif - n’utilisez pas de langage haineux. Expliquez que vous suivrez de près cette campagne et que vous en parlerez à d’autres personnes.

Pour que nous puissions faire un suivi des actions, merci de mettre action@amnesty.be en copie cachée (Cci) de votre mail.

La défenseure des droits humains Justyna Wydrzyńska encourt trois ans de prison pour avoir soutenu des personnes ayant besoin d’avorter.

Les accusations portées contre elle semblent être destinées à sanctionner son militantisme et ses efforts pour garantir le droit d’avoir accès à un avortement sûr et légal en Pologne.

Les autorités doivent abandonner toutes les charges retenues contre Justyna Wydrzyńska, s’abstenir de nouvelles représailles contre elle ou les militant·e·s faisant campagne pour les droits en matière de sexualité et de procréation, et dépénaliser pleinement l’accès à l’avortement en Pologne.

Le 7 mai 2021, le procureur de Varsovie – Praga a émis un mandat portant sur la saisie de plusieurs objets au logement de Justyna Wydrzyńska, notamment tous les « moyens de télécommunication », après avoir reçu des informations indiquant qu’elle avait aidé une femme enceinte qui souhaitait se procurer des pilules abortives pour un avortement autogéré au début de la pandémie sanitaire en 2020. Le 1er juin 2021, la police a effectué une perquisition à son domicile, au cours de laquelle des médicaments sous forme de pilules, un ordinateur, des clés USB et des téléphones portables, lui appartenant ainsi qu’à ses deux enfants, ont été saisis.

Le 22 novembre 2021, le procureur a accusé Justyna Wydrzyńska d’avoir aidé à pratiquer un avortement (article 152.2 du Code pénal) et de posséder des médicaments sans autorisation dans le but de les mettre sur le marché (article 124 du Code pharmaceutique). Les pilules confisquées par la police dans son appartement contenaient de la mifépristone et du misoprostol, qui figurent tous deux sur la Liste modèle de médicaments essentiels de l’OMS. Le procureur a fait valoir que deux des médicaments saisis ne sont pas autorisés en Pologne. La première audience de cette affaire a eu lieu le 8 avril 2022 à Varsovie, d’autres audiences ont ensuite eu lieu le 14 juillet 2022, le 14 octobre 2022, le 11 janvier 2023 et le 6 février 2023. La prochaine audience est prévue le 14 mars 2023.

Justyna Wydrzyńska est une militante et une doula qui accompagne des personnes recourant à un avortement. Elle est l’une des quatre fondatrices d’« Abortion Dream Team », un collectif militant qui fait campagne contre la stigmatisation associée à l’avortement en Pologne et propose des formations et des conseils sans jugement sur la manière d’avoir accès à un avortement sûr. Depuis 2019, Abortion Dream Team fait partie d’Avortement sans frontières, un réseau militant féministe fondé par six organisations de Pologne et d’autres régions d’Europe qui fournissent des informations, des conseils, des fonds et un soutien pratique, aux personnes en Pologne ayant besoin d’avorter à l’étranger, ou un accès à des sources fiables en ligne en vue d’obtenir des médicaments abortifs qui permettent d’interrompre une grossesse en toute sécurité à domicile, car pratiquer un avortement autogéré ne constitue pas une infraction en Pologne. Les activités d’Abortion Dream Team sont dans le collimateur des autorités polonaises depuis quelques années, et les militant·e·s agissent dans un environnement de plus en plus hostile, exposés à des campagnes diffamatoires et misogynes.

La loi sur l’avortement en Pologne compte parmi les plus restrictives d’Europe. Le 22 octobre 2020, la Cour constitutionnelle polonaise très contestée a statué que l’avortement pour des raisons de malformation grave ou mortelle du fœtus était contraire à la Constitution et a supprimé l’un des derniers motifs légaux permettant d’avorter. Avant l’entrée en vigueur de cet arrêt le 27 janvier 2021, plus de 90 % des quelque 1 000 avortements légaux pratiqués au sein du système de santé chaque année en Pologne l’étaient pour ce motif.

Actuellement, les avortements couverts par le système de santé ne sont autorisés que pour deux motifs : lorsque la grossesse met en péril la vie ou la santé d’une femme enceinte et lorsqu’elle résulte d’un viol ou d’un inceste. Même dans ces situations, de multiples obstacles limitent l’accès des personnes enceintes à l’avortement dans la pratique, particulièrement lorsqu’elles sont issues de milieux défavorisés et ruraux. En outre, selon les militant·e·s et les organisations qui défendent les droits des femmes, la décision judiciaire de 2020 a un effet paralysant, car les professionnel·le·s de santé craignent des répercussions même lorsque l’avortement reste légal, ce qui exacerbe les risques en termes de santé pour les femmes enceintes qui souhaitent avorter.

Le fait de posséder ou de s’administrer des médicaments abortifs n’est pas une infraction en Pologne, mais toute personne ou tout médecin qui aide des personnes enceintes à obtenir un avortement en dehors des motifs restreints fixés par la loi est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans. Du fait des restrictions légales et autres obstacles, notamment le rejet social lié à l’avortement, les personnes enceintes n’ont guère ou pas du tout accès à des médicaments et à des soins de qualité liés à l’avortement et elles risquent d’avorter en utilisant des méthodes dangereuses ou en s’adressant à des prestataires non qualifiés.

Dans ce contexte, les personnes souhaitant avorter en toute sécurité en Pologne se tournent vers Justyna Wydrzyńska et les membres d’Abortion Dream Team et d’Avortement sans frontières pour obtenir des informations fiables et une aide vitale. Entre janvier 2021 et 2022, Avortement sans frontières a été contactée par plus de 32 000 personnes en Pologne, soit cinq fois plus que l’année précédente, et a aidé plus de 1 500 personnes à se rendre à l’étranger pour avorter. Leur travail demeure crucial aujourd’hui, alors que des milliers de réfugié·e·s fuyant la guerre en Ukraine affluent en Pologne, ayant des besoins critiques en termes de santé, y compris en matière de sexualité et de procréation.

L’accès à l’avortement sans danger est un droit fondamental. Nul ne doit être sanctionné pour avoir obtenu un avortement ou fourni des médicaments abortifs ou des services d’avortement, ou aidé de toute autre façon une personne à en bénéficier. La dépénalisation totale de l’avortement est une composante essentielle du respect, de la protection et de la réalisation des droits humains de toutes les personnes pouvant être enceintes.

Les autorités polonaises doivent abandonner toutes les accusations portées contre Justyna Wydrzyńska, mener les réformes nécessaires afin d’abroger l’article 152 du Code pénal et garantir l’accès à un avortement sûr respectant les droits, l’autonomie, la dignité, la vie privée et la confidentialité des personnes enceintes. Elles doivent aussi garantir l’accès adéquat à des médicaments essentiels requis pour pratiquer des avortements de manière autogérée et en toute sécurité, et ce de manière abordable et non discriminatoire, notamment via la télémédecine, conformément aux récentes lignes directrices de l’OMS concernant l’avortement.

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