Le Xinjiang est l’une des régions chinoises dont la population est la plus diversifiée sur le plan ethnique. Plus de la moitié de ses 22 millions d’habitant·e·s appartiennent à des groupes ethniques principalement turcophones et majoritairement musulmans, parmi lesquels les Ouïghours (environ 11,3 millions), les Kazakhs (environ 1,6 million) et d’autres populations dont les langues, les cultures et les modes de vie sont très différents de ceux des Hans, majoritaires en Chine « intérieure ».
Depuis 2017, sous prétexte de lutter contre le « terrorisme » et l’« extrémisme religieux », l’État chinois commet des violations systématiques et de grande ampleur à l’encontre de la population musulmane du Xinjiang. On estime que plus d’un million de personnes ont été placées en détention arbitraire dans des camps d’internement un peu partout au Xinjiang depuis 2017.
Le rapport d’Amnesty International intitulé « Comme si nous étions ennemis de guerre » - internements, torture et persécutions perpétrés à une échelle massive contre les musulmans du Xinjiang est le document le plus complet à ce jour sur la répression écrasante que subissent les Ouïghours, les Kazakhs et d’autres minorités ethniques à majorité musulmane dans le Xinjiang. Les éléments de preuve recueillis constituent une base factuelle qui permet de conclure que le gouvernement chinois a commis au moins les crimes contre l’humanité que sont l’emprisonnement, la torture et la persécution.
Les autorités chinoises ont nié l’existence des camps d’internement jusqu’en octobre 2018, avant d’affirmer qu’il s’agissait de centres de « formation professionnelle » gratuite et volontaire. Les explications de la Chine, cependant, n’éclairent aucunement les nombreuses informations recueillies auprès d’anciens détenu·e·s faisant état de coups, de privation de nourriture et de détention à l’isolement.
En 2019, le gouvernement chinois a affirmé avoir fermé les camps, mais n’a fourni aucune preuve et n’a pas autorisé les journalistes, les enquêteurs travaillant sur les droits humains ni les diplomates à s’y rendre librement. Au contraire, il a redoublé d’efforts pour faire taire les critiques en invitant les délégations de différents pays à se rendre au Xinjiang pour des visites soigneusement orchestrées et surveillées de près. Le dernier exemple est celui de la haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies qui s’est rendue en Chine en mai 2022.
Comme l’a fait remarquer à Amnesty une personne dont les proches se trouvent en détention arbitraire : « Elles [les autorités chinoises] veulent montrer les Ouïghours joyeux, les Ouïghours qui dansent. Je pense que le groupe d’enquête de l’[ONU] doit faire de son mieux pour enquêter sur la réalité… la situation réelle. »
Amnesty International a lancé une campagne internationale, Libérez les détenus du Xinjiang, et a recueilli en moins de quatre mois plus de 320 000 signatures pour une pétition réclamant la fermeture des camps
d’internement et la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement dans ces camps et les prisons du Xinjiang.
Il faut que la Chine ferme immédiatement tous les camps d’internement qui existent encore et libère toutes les personnes qui se trouvent dans ces établissements ou d’autres centres de détention – y compris les prisons – dans le Xinjiang, à moins que suffisamment d’éléments crédibles et recevables ne prouvent qu’elles ont commis une infraction reconnue par le droit international.
En outre, Amnesty International demande à la haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU de publier son rapport attendu de longue date sur le Xinjiang et de reconnaître publiquement l’ampleur et la gravité des violations des droits humains perpétrées dans cette région avant la fin de son mandat en août 2022.
Enfin, le Conseil des droits de l’homme doit créer un mécanisme international indépendant chargé d’enquêter sur les crimes de droit international dans le Xinjiang, en vue de garantir l’obligation de rendre des comptes, notamment grâce à l’identification des auteurs présumés.