DOSSIER INDIVIDU EN DANGER : MAHMOUD ABU ZEID (“SHAWKAN”)

Ce "Dossier individu en danger" s’inscrit dans le long terme. Étroitement suivi par Amnesty International, il fait l’objet de mise à jour régulière. Vous y trouverez une description complète et détaillée sur la situation et tous les outils dont vous avez besoin pour agir concrètement.

Le photojournaliste égyptien Mahmoud Abu Zeid, connu sous le nom de “Shawkan”, est poursuivi par la justice pour avoir couvert la répression par les forces de sécurité d’un sit-in de grande ampleur au Caire. C’est un prisonnier d’opinion et il risque d’être condamné à la peine de mort.

Shawkan a été arrêté le matin du 14 août 2013 près de la place Rabaa al-Adawiya dans le district de Nasr City au Caire, en compagnie du photojournaliste américain Mike Giglio et du photojournaliste français Louis Jammes. Les trois photojournalistes étaient sur les lieux lorsque les forces de sécurité ont commencé à disperser violemment un sit-in organisé par des milliers de partisans du président égyptien déchu, Mohamed Morsi. Des centaines de personnes sont mortes dans les violences qui ont suivi, lorsque les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes, des fusils de chasse et des munitions réelles pour disperser la foule, composée pour la plupart de manifestants pacifiques.

« C’était comme dans un film américain. Comme si nous étions en guerre. Les balles, le gaz lacrymogène, le feu, les policiers, les soldats et les chars partout », a écrit Shawkan dans une lettre rédigée en prison et publiée par Amnesty International.

Shawkan et Mike Giglio ont tous deux déclaré que les forces de sécurité les avaient frappés après qu’ils se sont identifiés comme journalistes. Les forces de sécurité ont ensuite conduit les deux hommes, non loin de là, au stade international du Caire, où ils détenaient des centaines de personnes arrêtées lors de la manifestation. Ils ont libéré les deux journalistes étrangers plus tard dans l’après-midi, mais ont gardé Shawkan au stade tout le reste de la journée, puis l’ont transféré dans un commissariat de police. Shawkan a écrit plus tard que les policiers de ce commissariat l’ont battu avec leurs ceintures et lui ont donné des coups de poing et des coups de pied. À un moment donné, il a été frappé dans les yeux avec une boucle de ceinture en métal. « J’avais très peur et j’ai cru que j’allais mourir », a-t-il écrit plus tard.

Un procureur a interrogé Shawkan le 16 août sans la présence d’un avocat et a ordonné son placement en détention, sans inculpation, pendant la poursuite de l’enquête. Deux jours plus tard, Shawkan a été transféré à la prison d’Abu Zaabal, au nord-est du Caire, dans un camion transportant des dizaines d’autres détenus. Quand ils sont arrivés à la prison, les forces de sécurité ont maintenu les détenus enfermés dans le camion pendant environ sept heures, sans nourriture, sans eau ni air frais, alors que la température extérieure était d’environ 30 degrés. Shawkan a écrit que, pendant qu’il était maintenu enfermé dans le camion, il a vu les forces de sécurité tirer des gaz lacrymogènes dans un autre camion de police rempli de détenus : des informations ont officiellement confirmé que ces tirs ont causé la mort de 37 personnes.

Finalement Shawkan et les autres détenus ont été emmenés en prison et Shawkan a raconté qu’à leur arrivée les forces de sécurité leur ont donné des coups de poing et de pied et les ont frappés avec des matraques dans le cadre de ce qu’ils appelaient une « cérémonie d’accueil ». Quatre mois plus tard, Shawkan a été transféré à la prison de Tora, au sud du Caire. Il y a été détenu sans inculpation pendant près de deux ans alors que le Parquet poursuivait son enquête.

Le 11 août 2015, le ministère public a renvoyé Shawkan devant la justice avec 738 autres personnes accusées de participation dans le sit-in de Rabaa al-Adawiya, y compris les dirigeants du groupe des Frères musulmans qui avait dirigé la manifestation et qui avait été interdit car considéré comme une « organisation terroriste ». Le Parquet a accusé ce groupe d’« appartenance à un groupe interdit » (en référence aux Frères musulmans), de « meurtre », de « dégradation de biens publics et privés » et de « détention d’armes à feu et d’armes blanches », sans que l’accusation ait pu établir de responsabilité pénale individuelle pour ces infractions.

Les avocats de Shawkan ont déclaré à Amnesty International qu’ils ne connaissaient pas la nature exacte des inculpations portées contre lui ni les dispositions du Code pénal relatives à cette affaire, car le Parquet ne leur avait pas permis de voir l’intégralité de la décision de renvoi devant la justice. Ses avocats ont déposé une requête auprès d’une cour d’appel demandant sa libération, car Shawkan a été détenu durant une période supérieure à la durée maximale de détention de deux ans, prévue par la loi égyptienne en matière de détention de criminels présumés dans le cadre de procédures d’enquêtes pénales et dans l’attente d’un procès.

Shawkan souffre d’anémie et d’hépatite C et ses proches ont déclaré à Amnesty International qu’il n’avait pas reçu de soins médicaux adéquats en détention. Les détenus en Égypte dépendent souvent de la nourriture et des médicaments que leur apportent leurs proches, car les vivres et les soins fournis par les autorités sont insuffisants. Le photojournaliste a décrit la prison de Tora, où il est détenu, « comme un cimetière ».

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