L’avocat d’un condamné à mort exécuté remercie le Réseau
Aux États-Unis, la responsable de la campagne contre la peine de mort a reçu un message de David Hickley, membre de l’équipe d’avocats ayant défendu Clarence Ray Allen. Ce dernier a été exécuté le 17 janvier à la prison de San Quentin, en Californie.
Voici la lettre envoyée par l’avocat :
« Merci beaucoup pour vos paroles bienveillantes et pour l’action que vous avez menée. Lors de ma dernière visite à Ray Allen, je lui ai parlé de l’AU. Il était ému et abasourdi que des inconnus prennent publiquement sa défense. Les autorités pénitentiaires ont renoncé à lui faire porter des menottes pendant les cinq derniers jours. Il a pu recevoir des visites et serrer sa petite-fille dans ses bras. Elles lui ont également permis de revêtir des parures amérindiennes. Un conseiller spirituel amérindien était à ses côtés lors de ses dernières heures. Ray Allen s’est montré impassible, tout en restant affable ; il semblait vraiment soulagé de quitter le couloir de la mort, un endroit absolument effroyable, après y avoir passé vingt-trois ans privé de tout espoir.
Je n’ai pas assisté à son exécution, mais j’ai passé les cinq heures la précédant à San Quentin en compagnie d’un autre membre de l’équipe d’avocats, de plusieurs de ses amis et de sa belle-fille, à qui il avait demandé d’être témoins de sa mise à mort. Il avait été autorisé à choisir six témoins. Parmi les autres témoins, venus en nombre, figuraient des représentants des médias, des forces de l’ordre et de l’administration pénitentiaire, ainsi que des proches des victimes. Les témoins de Ray Allen ont été les derniers à être conduits dans la pièce où les personnes réunies peuvent assister à l’exécution. Ils ont été les seuls à devoir rester debout, sur des marches, pendant toute la durée de la procédure, alors que tous les autres s’étaient vu offrir un siège, et ils ont été les premiers à être reconduits à l’extérieur, avant tous les autres présents. Les amis de Ray Allen ont dit qu’il était resté digne tout au long de ce processus macabre, en dépit de l’environnement morbide, et qu’il était mort très rapidement.
Cette journée m’inspire tristesse et honte pour cet État et pour la nation. Permettez-moi d’exprimer, au nom de tous ceux qui se sont efforcés d’empêcher cette exécution, notre profonde reconnaissance pour la solidarité dont vous avez fait preuve et pour le travail que vous avez accompli. »
Un ancien prisonnier d’opinion remercie le Réseau AU
Abdel Rahman al Shaghouri (« Abud » pour ses amis), ancien prisonnier d’opinion, a été libéré en août 2005, après avoir purgé l’intégralité de sa peine d’emprisonnement. Il avait été condamné au terme d’un procès inique, pour avoir formulé des critiques à l’égard du gouvernement (pour en savoir plus, consultez l’AU 185/03, MDE 24/020/2003 du 24 juin 2003 et suivantes).
L’équipe travaillant sur la Syrie au Secrétariat Internationale d’Amnesty est finalement parvenue à entrer en contact avec Abdel Rahman al Shaghouri en janvier. Voici le message que celui-ci lui a fait parvenir :
« Je suis heureux d’apprendre que l’organisation qui m’a défendu s’intéresse encore à ce qui m’arrive, même après ma libération. Il est de mon devoir de saluer les efforts fournis par tous ceux qui ont agi, dans le monde entier, afin d’attirer l’attention sur différentes affaires, la mienne en particulier, et de faire connaître la vérité. J’ai été témoin de ces efforts un après-midi [alors qu’il se trouvait en détention] : j’écoutais la BBC (en prison, on écoute en général presque tous les bulletins d’information) et si je me souviens bien, c’était l’émission The talk of the hour. Le sujet abordé était la Syrie et le statut des prisonniers. L’un des invités a dit : “Il n’y a pas de prisonniers d’opinion en Syrie.” À ce moment-là, je me suis demandé comment il réagirait si quelqu’un portait mon cas à sa connaissance. C’est alors que j’ai entendu [l’attachée de presse d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord] lui demander : “Et Abdel Rahman al Shaghouri alors ?” L’invité lui a répondu qu’il ne connaissait pas bien mon cas.
J’ai ressenti la même chose en écoutant l’émission Point of discussion, dans laquelle le sujet a été traité avec rigueur et clarté. Merci à tous ceux qui y ont participé.
Tout cela renforce ma volonté de continuer à agir avec ceux qui m’ont aidé, et à tout le moins, de les remercier pour ce qu’ils ont accompli, pas uniquement pour moi mais aussi pour tous ceux qui sont « perdus » ; qu’ils sachent tous ma gratitude pour les efforts déployés en ma faveur.
De mon point de vue, continuer à agir revient à utiliser [un droit] que j’ai payé cher et d’avance.
Par ailleurs, je suis partant pour communiquer avec tous ceux qui le souhaitent.
Je voudrais remercier encore une fois tous ceux qui ont participé à l’action en ma faveur, et soutenu ma cause, au nom de laquelle j’ai perdu ma liberté pendant quelque temps.
Abud »
Pakistan : Une victime de la torture à l’abri du danger
(Cf. AU 111/05, ASA 33/006/2005 du 5 mai 2005)
Allah Nazar, qui se trouvait en garde à vue depuis le 25 mars 2005 et aurait été torturé à l’électricité, a été présenté devant les autorités judiciaires le 1er décembre. Il a été inculpé de meurtre, accusation que son avocat estime forgée de toutes pièces. On ignore la date de l’ouverture de son procès. Allah Nazar est membre de l’Organisation des étudiants baloutches, qui a attiré l’attention sur les exécutions illégales de villageois apparemment commises par des militaires au Baloutchistan ; elle a également fait campagne sur la question plus ancienne de l’accès aux ressources telles que le gaz.
Allah Nazar est maintenant incarcéré dans la prison de district de Turbat, au Baloutchistan. Il souffre encore des séquelles des actes de torture qui lui ont été infligés et on ignore s’il bénéficie d’une prise en charge médicale adaptée. Cependant, il risque beaucoup moins d’être torturé en prison qu’en garde à vue.
Quatorze des seize membres de l’Organisation des étudiants baloutches appréhendés à Turbat les 7 et 8 août ont été libérés le 1er novembre. Les deux derniers sont toujours incarcérés à la prison du district de Turbat, où ils purgent une peine d’un an d’emprisonnement pour sédition et trouble à l’ordre public. Selon leur avocat, ils ne sont ni torturés, ni soumis à d’autres formes de mauvais traitements, et ont entamé des démarches pour se pourvoir en appel.
Akhter Nadeem et Nawaz Ali, eux aussi membres de l’organisation, ont été libérés sans inculpation le 2 novembre. Yusuf Baloch, pour sa part, a recouvré la liberté le 19 novembre.
Les membres de l’Organisation des étudiants baloutches se sont félicités du soutien apporté par Amnesty International et nous ont demandé de transmettre leurs remerciements à tous ceux qui ont milité en leur faveur.
Le Secrétariat international d’Amnesty continuera à suivre l’évolution de la situation d’Allah Nazar, d’Akhter Nadeem et de Nawaz Ali, et exhortera en particulier les autorités de la prison de Turbat à veiller à ce qu’Allah Nazar bénéficie de soins médicaux adaptés.
Pakistan : Sursis accordé à des condamnés à mort
(Cf. AU 314/05, ASA 33/033/2005 du 14 déc. 2005)
L’exécution de quatre hommes, qui devait avoir lieu le 21 décembre 2005, a été suspendue pour une durée indéterminée par le tribunal fédéral de la charia.
Shahzad, Muhammad Ashraf, Umer Hayat et Mubarak Ali ont été condamnés à mort après avoir été reconnus coupables du viol en réunion d’une jeune chrétienne à Faisalabad. Le tribunal fédéral de la charia, dont le rôle consiste à déterminer si la législation est conforme aux enseignements de l’islam, a suspendu leur exécution, le temps d’examiner un recours mettant en cause la législation appliquée dans cette affaire. On ne sait pas quand le tribunal prononcera sa décision.
Ouzbékistan : Commutation d’une condamnation à mort
(Cf. AU 169/05, EUR 62/014/2005 du 20 juin 2005)
Iouldach Kassimov, qui était condamné à mort, a vu sa peine commuée en une peine de vingt années d‘emprisonnement par la Cour suprême le 22 novembre. Cependant, deux autres hommes restent sous le coup d’une condamnation à mort et risquent toujours d’être exécutés.
Peu après que la Cour suprême eut rendu sa décision, des gardiens ont fait sortir Iouldach Kassimov de sa cellule dans le quartier des condamnés à mort de la prison de Tachkent. « Ils lui ont lu le jugement de la Cour. Iouldach Kassimov était en état de choc ; il n’en croyait pas ses oreilles. Il était convaincu que les gardiens plaisantaient et qu’il était sur le point d’être exécuté », a indiqué Tamara Tchikounova à Amnesty International le 12 décembre. La directrice de Mères contre la peine de mort et la torture, une organisation de défense des droits humains, a ajouté : « Lorsque son frère Mansour lui a rendu visite peu après cette annonce, Iouldach était fou de joie et faisait des projets pour l’avenir. Il parlait de son intention de terminer ses études de médecine ». À la fin du mois de novembre, Iouldach Kassimov a été transféré dans la prison d’Andijan.
Iouldach Kassimov a été condamné à la peine de mort par le tribunal municipal de Tachkent le 3 mars 2005, après avoir été accusé du meurtre de ses parents. Selon certaines informations, il a été soumis à des mauvais traitements pendant les interrogatoires, tout comme son frère, l’objectif étant de contraindre l’un des deux à plaider coupable. L’amie de Iouldach Kassimov aurait été battue parce qu’elle clamait l’innocence de son compagnon. En outre, on aurait menacé de la violer devant lui s’il n’« avouait » pas. Sous la pression, Iouldach aurait signé des « aveux ».
Dans une autre affaire, Alicher Khatamov a été condamné à la peine capitale par le tribunal régional de Tachkent le 16 mars 2005 pour le meurtre de deux personnes. Ce jugement a été confirmé par la Cour suprême d’Ouzbékistan le 14 juin. Le père d’Alicher Khatamov a déclaré : « Des membres de la police du district de Boukinski et de la police régionale de Tachkent ont frappé Alicher, ainsi que notre fille, notre fils cadet, ma femme et moi-même. Après, mon visage était couvert d’ecchymoses, j’avais mal aux côtes et lorsqu’ils ont battu Alicher au commissariat, j’ai entendu ses hurlements de douleur depuis la pièce voisine. On nous a dit, à Alicher et à moi, que ma femme et ma fille seraient violées s’il refusait d’ “avouer” le crime. » Selon les informations recueillies, l’avocat d’Alicher Khatamov n’a pu le rencontrer que deux semaines après son arrestation. Au cours de son procès, ses proches se sont plaints des coups qui leur avaient été portés, mais il semblerait que le tribunal n’ait pas tenu compte de leurs allégations.
Ismatillo Abassov a été condamné à mort par le tribunal municipal de Tachkent le 31 janvier 2005 pour « meurtre avec préméditation et circonstances aggravantes ». Selon son épouse, il a plaidé coupable de ce chef et « regrette profondément son geste ». Certaines sources indiquent qu’il a été maltraité par des policiers au cours de sa garde à vue.
En avril et en mai, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a déposé des requêtes auprès des autorités ouzbèkes au nom de chacun de ces hommes, en leur demandant de reporter leur exécution le temps de vérifier si la manière dont ils ont été traités enfreint les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). L’Ouzbékistan étant partie au Protocole facultatif du PIDCP, les autorités de ce pays sont tenues de se plier à ce type de requête, ce qu’elles ont fait dans certaines affaires. Néanmoins, dans au moins quinze cas, elles ont délibérément ignoré les requêtes du Comité. Le 21 mars 2005, les autorités ouzbèkes ont assuré par écrit à cet organe qu’Akhrorkhouja Tolipkhoujaïev, un détenu se trouvant dans le quartier des condamnés à mort, était toujours en vie. Or, on a appris par la suite qu’il avait été exécuté le 1er mars.
Moldavie : Un homme ayant connu la torture est libéré
(Cf. AU 292/05, EUR 59/006/2005 du 18 nov. 2005)
Sergueï Gourgourov a été libéré sous caution le 9 décembre par la cour d’appel de Chi¸sin ?au. Il avait été arrêté le 25 octobre et aurait subi par la suite des passages à tabac et des décharges électriques pour qu’il « avoue » le vol d’un téléphone portable.
Sa santé a été si gravement affectée par ces tortures qu’il n’a pas été en mesure de se présenter à l’audience où sa libération a été prononcée. Le jour même, il quittait le centre de détention. Il a été reconduit chez lui sur une civière. Le lendemain, Sergueï Gourgourov a subi des examens médicaux aux urgences d’un hôpital de Chisinau.
L’Action urgente lancée par Amnesty International a marqué les esprits en Moldavie. Les deux avocats chargés du dossier de Sergueï Gourgourov ont participé à une conférence de presse organisée par la section moldave d’Amnesty International le 23 novembre, en présence de journalistes de trois chaînes de télévision, de deux stations de radio et de la presse écrite. Au centre de détention, Sergueï Gourgourov a reçu la visite, le 24 novembre, d’une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ainsi que celle de procureurs et d’avocats parlementaires (médiateurs) chargés des questions relatives aux droits humains. Il avait été transféré à l’hôpital de la prison de Prounkoul, le 2 décembre, mais cet établissement, mal équipé, n’a pas été en mesure de réaliser les tests permettant de déterminer la gravité de ses blessures.
Le 24 janvier, Vyatcheslav Tsourkan, avocat et membre de la section moldave d’Amnesty International, a rencontré les assistants du procureur général adjoint. Ceux-ci se sont plaints du fait qu’ils recevaient jusqu’à 150 lettres par jour et de la mauvaise image que l’action menée sur ce cas donnait à la Moldavie au niveau international. Ils avaient en leur possession un sac postal pesant environ 50 kg contenant des milliers de lettres envoyées du monde entier par des membres du Réseau AU.
Slovénie : Suspension d’une expulsion
(Cf. AU 287/05, EUR 68/003/2005 du 11 nov. 2005)
Le 16 novembre, un tribunal slovène s’est prononcé contre le transfert d’Ali Berisha et de sa famille en Allemagne, d’où ils pourraient être renvoyés au Kosovo.
Ali Berisha est né en ex-Yougoslavie, dans l’actuel Kosovo (aujourd’hui intégré à la Serbie-et-Monténégro). Il a vécu dans l’actuelle Slovénie de 1987 à 1992 ; il fait partie des quelque 18 000 résidents permanents slovènes originaires d’une autre région de l’ex-Yougoslavie qui ont été « effacés » illégalement des registres de la population slovène en 1992, parce qu’ils n’avaient pas demandé la nationalité slovène avant la date fixée par les autorités. En 1993, il a été expulsé vers l’Albanie, sans raison apparente. Les autorités de ce pays l’ont renvoyé en Slovénie. Ensuite, Ali Berisha s’est installé en Allemagne, où il a déposé une demande d’asile. Il y a rencontré sa future femme, Mahi (elle aussi née dans l’actuel Kosovo) ; ils ont eu quatre enfants. En 2005, sa demande d’asile a été rejetée par les autorités allemandes, qui l’ont informé qu’il serait renvoyé de force au Kosovo, sa région natale. Ali Berisha et sa famille sont membres de la minorité rom/ashkali/égyptienne, qui fait l’objet de discriminations systématiques au Kosovo. S’ils avaient été expulsés vers cette province, ils auraient été exposés au risque d’être agressés uniquement en raison de leur appartenance ethnique.
Le ministère de l’Intérieur a fait appel de la décision du tribunal slovène et l’affaire a été renvoyée devant la Cour suprême de Slovénie. On ignore à quel moment cette instance rendra sa décision.
Amnesty International continuera de surveiller la situation de la famille Berisha et interviendra à nouveau si nécessaire.
Qatar : Libération de « conspirateurs »
(Cf. EXTRA 30/01, MDE 22/001/2001 du 23 mai 2001)
Sheikh Hamad bin Jassim bin Hamad al Thani a bénéficié d’une grâce royale et a été libéré au mois de septembre 2005. On a par ailleurs appris que l’un des 18 autres hommes condamnés à mort dans le cadre de la même affaire, Bakhit Marzouq al Abdallah, avait lui aussi été gracié par l’émir et remis en liberté en janvier 2005.
Les 19 hommes avaient été condamnés à la peine capitale par la Cour d’appel en mai 2001 pour leur participation présumée à une tentative de coup d’État en 1996.
Sheikh Hamad bin Jassim bin Hamad al Thani avait été arrêté en juillet 1999, à la suite d’une tentative visant à renverser le gouvernement de l’émir. Le ministère public aurait déclaré que l’accusé avait reconnu avoir joué un rôle dans cette tentative de putsch – ce que celui-ci a toujours nié.
Bakhit Marzouq al Abdallah avait quant à lui été appréhendé en février 1999.
Certaines personnes arrêtées à la suite des faits ont affirmé qu’on les avait torturées afin de les contraindre à « avouer » leur participation au coup d’État. Cependant, à la connaissance d’Amnesty International, les autorités n’ont pas ouvert d’enquête sur ces allégations. Amnesty International interviendra à nouveau en faveur des 17 hommes qui restent sous le coup d’une condamnation à mort.