AMR 51/121/2007
Action complémentaire sur l’AU 170/07 (AMR 51/116/2007, 3 juillet 2007) –
Peine de mort / Préoccupations d’ordre juridique
ÉTATS-UNIS (Géorgie) : Troy Anthony Davis (h), Noir, 38 ans
17 juillet 2007
Le 16 juillet, moins de vingt-quatre heures avant le moment prévu pour l’exécution de Troy Davis, dans l’État de Géorgie, le Comité des grâces et des libérations conditionnelles de l’État a suspendu l’exécution pour une durée maximale de quatre-vingt dix jours, « afin d’évaluer et d’analyser » les informations qui lui avaient été soumises le jour même, au cours de l’audience consacrée à l’examen de son recours en grâce.
Troy Davis est dans le couloir de la mort depuis plus de quinze ans pour le meurtre d’un policier, un crime qu’il a toujours nié avoir commis. De nombreux témoins présentés par l’accusation sont revenus sur leurs déclarations ou se sont contredits depuis son procès. Des milliers de personnes ont lancé des appels à la clémence, parmi lesquels l’archevêque Desmond Tutu, l’ancien directeur du FBI William Sessions, et le secrétaire général du Conseil de l’Europe. L’affaire a été largement couverte par les médias, qui s’accordent à reconnaître le caractère « douteux », pour reprendre le terme utilisé dans un éditorial du Los Angeles Times, des preuves ayant servi à faire condamner Troy Davis.
Dans l’ordonnance de sursis, le Comité a déclaré que ses membres « ne permettraient pas qu’une exécution ait lieu dans cet État tant qu’ils ne seraient pas convaincus qu’il ne subsiste aucun doute quant à la culpabilité de l’accusé ». Il a ajouté que « les défenseurs de Troy Anthony Davis [avaient] affirmé être en mesure de présenter aux membres du Comité des témoins et d’autres éléments de preuve appuyant leur certitude que des doutes subsistent quant à sa culpabilité, et qu’ils le [feraient]. » Il a ordonné que l’exécution soit suspendue jusqu’au 14 octobre 2007, à minuit, ou avant cette date au cas où le Comité déciderait d’annuler ce sursis.
En août 1991, Troy Davis a été déclaré coupable du meurtre de Mark Allen MacPhail (veuillez noter la correction orthographique), un policier âgé de vingt-sept ans qui a été abattu dans le parking d’un fast-food Burger King à Savannah, en Géorgie, aux premières heures du 19 août 1989. Troy Davis a également été déclaré coupable d’avoir agressé Larry Young, un sans-abri ; celui-ci a été accosté et frappé au visage avec un pistolet, juste avant que le policier ne soit tué. Lors du procès, Troy Davis a reconnu s’être trouvé sur les lieux au moment de la fusillade, mais il a nié avoir agressé Larry Young ou tiré sur l’agent MacPhail.
Il n’existe aucune preuve matérielle contre lui, en outre, l’arme du crime n’a jamais été retrouvée. Les éléments à charge reposaient entièrement sur les déclarations de témoins. Tous les témoins de l’accusation, à l’exception de ceux qui font partie de la police et de trois civils, sont revenus sur leur témoignage dans des déclarations sous serment signées au cours des années qui ont suivi le procès. L’un des trois témoins à ne pas s’être rétracté est un homme que les avocats en appel de Davis n’ont pas réussi à retrouver pour l’interroger. Un autre témoin, une femme, n’est pas revenue sur ses déclarations, mais s’est contredite par rapport au témoignage qu’elle avait effectué en première instance. Le troisième est Sylvester Coles, le principal autre suspect dans le meurtre, d’après les avocats de la défense en première instance. Celui-ci a été mis en cause par de nouveaux témoignages qui le désignent comme étant le tueur.
Les autres témoins, hormis ceux appartenant à la police, sont revenus sur leurs déclarations contre Troy Davis. En 1989, Kevin McQueen était détenu dans la même prison que Troy Davis. Il aurait déclaré à la police que pendant qu’ils étaient codétenus, Troy Davis avait avoué avoir tiré sur le policier MacPhail. Dans une déclaration sous serment faite en 1996, McQueen est revenu sur ses dires, affirmant qu’il avait fait ces déclarations afin de « régler ses comptes » avec Troy Davis, à la suite d’une dispute entre eux. Monty Holmes a témoigné contre Troy Davis lors d’une audience préliminaire, mais il n’est pas venu à la barre des témoins au procès parce que, d’après une déclaration sous serment datant de 2001, il ne voulait pas répéter son faux témoignage. Jeffrey Sapp a déclaré que Troy Davis lui avait dit avoir tiré sur la victime. Lorsqu’il est revenu sur ses dires, dans une déclaration sous serment effectuée en 2003, il a affirmé avoir témoigné contre Troy Davis après avoir subi « de fortes pressions » de la part de la police.
Au cours du procès, Dorothy Ferrell, témoin oculaire, a identifié Troy Davis comme étant la personne ayant tiré sur le policier MacPhail. En 2000, elle a déclaré sous serment qu’elle n’avait pas vu le tireur et qu’elle avait témoigné contre Davis par crainte d’être renvoyée en prison si elle ne le faisait pas, étant donné qu’elle était en liberté conditionnelle. Darrell Collins, seize ans au moment des faits, a déclaré sous serment en 2002 que le lendemain de l’homicide, il avait reçu chez lui la visite de 15 à 20 policiers, dont « beaucoup avaient leur arme tirée ». Ceux-ci ont emmené l’adolescent pour l’interroger, et « au bout de deux heures à me faire crier dessus et menacer par les détectives, j’ai fini par craquer et je leur ai dit ce qu’ils voulaient entendre. Ils me disaient que ce qu’ils affirmaient s’était produit, et j’ai répété tout ce qu’ils disaient [...] J’ai témoigné contre Troy à son procès [...] parce que j’étais toujours terrifié à l’idée que la police ne me jette en prison pour complicité de meurtre si je disais la vérité. »
Larry Young, le sans-abri victime d’une agression la nuit du meurtre, a désigné Troy Davis comme son agresseur. Ses déclarations sous serment, signées en 2002, constituent une nouvelle preuve du caractère coercitif de l’enquête des policiers sur le meurtre de leur collègue : « Après mon agression cette nuit-là [...] des policiers m’ont attrapé, m’ont jeté sur le capot de la voiture de police et m’ont passé les menottes. Ils m’ont traité comme un criminel, comme si c’était moi qui avait tué le policier […] Ils m’ont bien fait comprendre qu’on ne partirait pas tant que je ne leur aurais pas dit ce qu’ils voulaient entendre. Ils ont suggéré les réponses et je leur ai donné ce qu’ils voulaient. Ils ont mis des documents imprimés devant moi et m’ont ordonné de les signer. Je les ai signés sans les lire. » Dans cette même déclaration sous serment, Larry Young a indiqué qu’« en toute honnêteté, il ne se souvenait pas de ce à quoi ressemblaient les gens ni de ce qu’ils portaient. »
Antoine Williams, employé à Burger King, venait d’entrer sur le parking du restaurant, avec son véhicule, lorsque la fusillade a eu lieu. Au cours du procès, il a identifié Troy Davis comme étant la personne qui avait tiré sur le policier MacPhail. En 2002, il s’est rétracté et a affirmé qu’il avait signé pour la police une déposition qu’il n’avait pas pu lire : « Même aujourd’hui, je sais que je ne pourrais pas identifier avec certitude et en toute sincérité la personne qui a tiré sur le policier cette nuit-là. À l’époque des faits non plus. Après m’avoir parlé, les policiers m’ont donné une déposition et m’ont dit de la signer. Et je l’ai signée. Je ne l’ai pas lue parce que je ne sais pas lire. Au procès de Troy Davis, je l’ai identifié comme le tueur. Même au moment où j’ai affirmé cela, je n’avais aucune certitude que c’était bien lui qui avait tué le policier. Je me suis senti obligé de le désigner parce que c’était lui qui était assis dans la salle d’audience. J’ignore totalement à quoi ressemble la personne qui a tiré sur le policier. »
Compte tenu des obstacles procéduraux auxquels est confronté un condamné à mort sollicitant une audience sur les éléments de preuve apparus après sa condamnation, Troy Davis n’a pas bénéficié d’une audience examinant les témoignages recueillis jusqu’à ce jour. Lors de l’audition des arguments présentés devant un collège de trois juges de la cour d’appel fédérale du 11e circuit, en septembre 2005, l’un des magistrats s’est déclaré préoccupé à l’idée que Troy Davis ne se soit pas vu offrir la possibilité de présenter les éléments apparus après sa condamnation dans le cadre d’une audience fédérale. Elle a demandé : « Si ces personnes affirment qu’elles ont été contraintes par la police, comment [le juge d’une instance fédérale inférieure] a-t-il pu rejeter ces éléments sans lui accorder une audience ? » La magistrate aurait laissé entendre que sans les déclarations des divers témoins qui se sont rétractés après le procès, il apparaissait que l’accusation n’avait aucun élément contre Troy Davis. En septembre 2006, cependant, la cour d’appel du 11e circuit a confirmé la décision du juge fédéral et le 25 juin 2007, la Cour suprême des États-Unis a refusé d’intervenir dans cette affaire. Pour obtenir de plus amples informations sur le cas de Troy Davis, veuillez consulter le document USA : ’Where is the justice for me ?’ The case of Troy Davis, facing execution in Georgia, février 2007, http://web.amnesty.org/library/index/engamr510232007.
ACTION RECOMMANDÉE COMPLÉMENTAIRE : dans les appels que vous ferez parvenir le plus vite possible aux destinataires mentionnés ci-après, et que vous rédigerez (en anglais ou dans votre propre langue) en utilisant vos propres mots et en vous inspirant des recommandations suivantes :
– dites que vous vous réjouissez de ce que le Comité ait accordé un sursis à Troy Anthony Davis afin d’examiner les éléments appuyant la thèse de l’innocence de cet homme, qu’il a toujours clamée ;
– faites observer que cette affaire a suscité un vif émoi aux États-Unis, où la population est de plus en plus consciente et inquiète du risque d’erreur irréparable dans les affaires de crimes passibles de la peine de mort ;
– faites de nouveau observer que de nombreux témoins de l’accusation sont revenus sur leurs déclarations depuis le procès, et que de nouveaux éléments tendent à accuser un autre suspect dans le cadre de cette affaire ;
– rappelez que dans les affaires de crimes passibles de la peine capitale, le droit de grâce est destiné à permettre de remédier aux erreurs irrévocables ;
– appelez le Comité à faire un pas supplémentaire en commuant la peine de mort prononcée contre Troy Davis.
APPELS À :
Comité des grâces et des libérations conditionnelles de l’État de Géorgie :
State Board of Pardons and Paroles,
2 Martin Luther King, Jr. Drive, SE,
Suite 458, Balcony Level, East Tower,
Atlanta, Georgia 30334-4909,
États-Unis
Fax : +1 404 651 8502
Email : Clemency_Information@pap.state.ga.us.
Formule d’appel : Dear Board Members, / Mesdames, messieurs,
Ambassade des Etats-Unis d’Amérique
Boulevard du Régent 27,
1000 Bruxelles
Fax : 02.511.27.25
PRIÈRE D’INTERVENIR IMMÉDIATEMENT.
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