La remise en liberté d’Atena Farghadani, artiste et militante, mardi 3 mai, est une étape n’ayant que trop tardé vers la réparation de l’injustice qu’elle a subie, et doit être suivie de la libération immédiate et sans condition d’autres artistes et militants non violents se trouvant toujours derrière les barreaux, a déclaré Amnesty International mercredi 4 mai.
« La libération d’Atena Farghadani représente une victoire juridique et morale pour elle, et encourage des militants du monde entier à continuer à se mobiliser en faveur de la libération d’autres prisonniers d’opinion en Iran, ainsi que pour une réforme des lois injustes utilisées pour les envoyer en prison », a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International
« Si l’heure est à la célébration, il est vital que le monde n’oublie pas qu’Atena Farghadani n’aurait pour commencer jamais dû être emprisonnée et que de nombreuses autres personnes telles qu’elle continuent à languir dans leur cellule ou vivent sous la menace d’une peine de prison pour avoir exercé leurs droits de manière pourtant pacifique. »
La libération d’Atena Farghadani est survenue après qu’un tribunal d’appel de Téhéran a contre toute attente ramené sa condamnation initiale - à 12 ans et neuf mois de prison - à une peine de 18 mois, qu’elle avait déjà presque entièrement purgée. Le tribunal a cependant commué une peine de trois ans d’emprisonnement, prononcée pour « outrage au guide suprême de la République islamique d’Iran », en une peine avec sursis assortie de quatre ans de mise à l’épreuve, ce qui signifie que la menace d’une incarcération planera sur Atena Farghadani durant cette période. Les autorités iraniennes recourent souvent à des peines avec sursis afin d’instaurer un climat de peur, réduisant militants, journalistes et autres au silence ou à l’autocensure.
Atena Farghadani a été condamnée le 1er juin 2015 après qu’un tribunal révolutionnaire l’a déclarée coupable, à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante, de « rassemblement et collusion en vue de nuire à la sûreté de l’État », de « diffusion de propagande contre le régime », d’« insulte envers les membres du Parlement par le biais de peintures » et d’« outrage au guide suprême ».
Toutes ces charges étaient en relation avec ses activités pacifiques, notamment le fait d’avoir rencontré des proches de prisonniers politiques, critiqué les autorités sur les médias sociaux et par le biais de son art, notamment une caricature faisant la satire de membres du Parlement, qui examinaient des projets de loi visant à restreindre l’accès à la contraception et aux services de planning familial.
En août 2015, Atena Farghadani avait affirmé, dans une note écrite en prison, que les autorités lui avaient fait subir un « test de virginité ». En 2016, les autorités ont confirmé qu’elle avait été soumise à ces tests. Les « tests de virginité », qui sont extrêmement discriminatoires et portent atteinte à la dignité des femmes et à leur droit à l’intégrité physique et mentale, ont été reconnus comme une violation de l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
En décembre 2014, alors qu’elle se trouvait en liberté sous caution, Atena Farghadani a posté sur YouTube une vidéo dans laquelle elle dénonçait le fait que des gardiennes de la prison d’Evin l’avaient frappée, insultée et contrainte à se déshabiller pour une fouille au corps.
« Les autorités iraniennes sont tenues de rattraper 18 mois d’injustice choquante et devraient commencer en enquêtant sur la torture et les autres formes de mauvais traitements dont Atena Farghadani dit avoir été victime, notamment un “test de virginité” forcé. Elles doivent également garantir que sa condamnation et sa peine avec sursis soient annulées », a déclaré Magdalena Mughrabi.
Persécution et emprisonnement d’autres militants
La libération d’Atena Farghadani survient alors que des dizaines d’autres personnes se sont vu imposer de lourdes peines de prison pour leur militantisme pacifique en faveur des droits humains. Elles incluent Atena Daemi, Omid Alishenas, Saeed Hosseinzadeh et Asou Rostami, tous arrêtés à la même période et condamnés à de lourdes peines de prison à l’issue de procès manifestement iniques pour des faits similaires à ceux reprochés à Atena Farghadani.
« La déclaration de culpabilité et les peines prononcées contre ces jeunes militants doivent être immédiatement annulés et les autorités iraniennes doivent cesser de brandir la menace de l’incarcération pour étouffer la nouvelle génération de militants iraniens », a déclaré Magdalena Mughrabi.
« Certes, une libération n’est qu’une première étape : les autorités iraniennes doivent aussi réformer le système juridique répressif du pays, qui sert depuis trop longtemps à réprimer l’opposition. Tant que ces lois restent en vigueur, les défenseurs des droits humains et les militants, hommes et femmes, risquent d’être emprisonnés pour avoir simplement exprimé leurs opinions. »
Contexte
Dans sa décision d’avril 2016, un tribunal d’appel de Téhéran a confirmé la condamnation d’Atena Farghadani à 18 mois de prison pour « diffusion de propagande contre le régime », mais l’a acquittée du chef de « rassemblement et collusion en vue de nuire à la sûreté de l’État ». Il a commué en amende sa condamnation à neuf mois d’emprisonnement pour « insulte envers les membres du Parlement par le biais de peintures », « outrage au président » et « insultes à l’égard des responsables de l’administration pénitentiaire ».
Le Code pénal islamique iranien, adopté en mai 2013, conserve les définitions vagues de certaines « infractions » comme la « propagande contre le régime », le fait de « susciter le trouble dans l’esprit du public », l’« outrage aux valeurs saintes de l’islam » et l’« appartenance à une organisation illégale ». Ces faits peu précis sont fréquemment invoqués pour restreindre l’exercice pacifique des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Les lois et pratiques de ce type vont à l’encontre des obligations qui incombent à l’Iran au titre des articles 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantissent respectivement la liberté de pensée, d’expression, d’association et de réunion pacifique.