La remise en liberté de quatre militants congolais défendant la démocratie, parmi lesquels Fred Bauma et Yves Makwambala, prisonniers d’opinion adoptés par Amnesty International, est une raison de se réjouir, mais ils continuent de risquer une nouvelle arrestation tant que les poursuites ne seront pas abandonnées, a déclaré Amnesty International mardi 30 août.
« La libération de Fred Bauma, Yves Makwambala et d’autres personnes est un exemple rare d’évolution positive dans ce qui est pour l’instant une année difficile pour la liberté d’expression en République démocratique du Congo. Les charges retenues contre eux étaient motivées par des considérations politiques et doivent être abandonnées, afin que cette épreuve prenne fin une fois pour toutes », a déclaré Sarah Jackson, directrice adjointe pour l’Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et la région des Grands Lacs à Amnesty International.
Jusqu’à leur libération, Fred Bauma et Yves Makwambala étaient en attente d’un procès où ils encouraient la peine de mort. Les deux hommes ont été arrêtés en même temps que 26 autres militants en mars 2015 et accusés de diverses infractions, parmi lesquelles « complot contre le chef de l’État ».
Fred Bauma et Yves Makwambala ont été libérés en même temps que Christopher Ngoyi. Jean-Marie Kalonji a aussi été libéré et est sorti de prison le 27 aout 2016. Ils étaient tous détenus à la prison de Makala à Kinshasa.
« Au fil de cette année marquée par une répression très sévère vis-à-vis de la dissidence, des militants et des dirigeants politiques ont été envoyés derrière les barreaux par une justice utilisée pour museler l’opposition, tandis que la date butoir pour la tenue d’élections approche », a déclaré Sarah Jackson.
Christopher Ngoyi a été appréhendé à Kinshasa le 21 janvier 2015 après avoir effectué un suivi des violations des droits humains commises lors de manifestations contre les retards dans le processus électoral. Il a été détenu au secret pendant plus de 20 jours avant d’être transféré en prison. Jean-Marie Kalonji, fondateur du mouvement pro-démocratie La quatrième voix, a été arrêté le 15 décembre 2015 et placé en détention au secret pendant plus de quatre mois.
Fred Bauma et Yves Makwambala font partie du groupe de jeunes militants Lutte pour le changement (Lucha), à qui Amnesty International a décerné cette année le prix Ambassadeur de la conscience. Après leur arrestation, ils ont été incarcérés et soumis à des interrogatoires dans un lieu secret - pendant 40 jours pour Yves Makwambala, 50 pour Fred Bauma - et ont été empêchés de s’entretenir avec leurs proches et avec des avocats.
Des militants et des sympathisants d’Amnesty International ont écrit plus de 170 000 lettres, envoyé des SMS et signé des pétitions en faveur de leur libération dans le cadre de la campagne mondiale de l’organisation, Écrire pour les droits.
« Fred Bauma et Yves Makwambala représentent une génération de militants qui continue de résister aux tentatives visant à la réduire au silence. Il est choquant qu’ils aient pu encourir la peine de mort, quand ils n’ont rien fait d’autre qu’encourager des jeunes gens à militer de manière pacifique », a déclaré Sarah Jackson.
« Si leur libération est une excellente nouvelle, les autorités doivent désormais relâcher tous les autres prisonniers politiques et prisonniers d’opinion. Ceux-ci incluent Bienvenu Matumo, Marcel Héritier Kapitene et Victor Tesongo. »
Bienvenu Matumo, Marcel Héritier Kapitene et Victor Tesongo ont été arrêtés en février à quelques heures d’une opération « ville morte » convoquée par l’opposition afin de réclamer que le président Kabila quitte le pouvoir à l’issue de son second mandat. Malgré l’annonce de leur libération, le 26 août, par le Ministre de la Justice et des droits humains, Alexis Thambwe Mwamba, ils sont jusqu’à présent en prison.
Complément d’information
La libération de ces quatre hommes survient 11 jours après que des représentants de Lucha ont rencontré le président Joseph Kabila dans la ville de Goma (est de la République démocratique du Congo) et lui ont demandé de relâcher leurs collègues et tous les autres prisonniers politiques.
Lors d’une conférence de presse le 19 août, Alexis Thambwe, le ministre de la Justice et des Droits humains, a annoncé que leur libération était prévue. Il a ajouté que l’interdiction d’émettre pesant sur deux chaînes télévisées d’opposition serait levée.
Selon la Constitution de la RDC, des élections doivent se tenir au moins trois mois avant la fin du mandat du président en exercice. Le second mandat du président Joseph Kabila doit prendre fin le 19 décembre mais des élections n’ont toujours pas été convoquées. Aux termes de la Constitution, il ne lui est pas possible de briguer un nouveau mandat.