Teodora del Carmen Vásquez a été libérée le 15 février 2018, un tribunal lui ayant accordé une réduction de peine. Toutefois, au moins 27 femmes demeurent incarcérées au titre de l’interdiction totale de l’avortement, d’après des organisations de défense des droits des femmes dans le pays.
« Quelle joie de voir Teodora sortir de prison, d’autant qu’elle n’aurait jamais dû y passer un seul jour. Cependant, le Salvador est encore loin de garantir pleinement le respect des droits des femmes et des jeunes filles dans le pays », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.
« Les autorités au Salvador doivent abroger cette loi scandaleuse sur l’avortement, qui engendre un climat de discrimination, de douleur et d’injustice. »
Au Salvador, les femmes qui souffrent de complications liées à leur grossesse et font des fausses couches ou accouchent d’un enfant mort-né sont régulièrement soupçonnées d’avoir pratiqué un avortement, un acte interdit en toutes circonstances. Les procureurs les inculpent fréquemment d’« homicide » ou d’« homicide avec circonstances aggravantes », une infraction passible d’une peine maximale de 50 ans d’emprisonnement.
Teodora del Carmen Vásquez a accouché d’un enfant mort-né en 2007, après avoir subitement ressenti des douleurs aiguës pendant qu’elle était au travail. Quand la police l’a arrêtée, elle était étendue dans une mare de sang. Elle a ensuite été condamnée à 30 ans d’emprisonnement pour " homicide avec circonstances aggravantes " à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités.
Le ministère de la Justice du Salvador a finalement commué la peine de Teodora, mais n’a pas annulé sa condamnation ni reconnu son innocence. Ses avocats ont l’intention de rétablir son innocence et de réclamer des indemnités et des réparations pour les 10 années qu’elle a passé derrière les barreaux.
Au moins 27 autres femmes sont toujours incarcérées au titre de la loi sur l’avortement en vigueur au Salvador. Les femmes concernées viennent majoritairement de milieux défavorisés et ont un accès limité à l’éducation, aux soins médicaux ou à la justice. Dans son rapport de 2014 intitulé À deux doigts de la mort, Amnesty International a conclu que dans les affaires recensées, le droit à un procès équitable et à l’égalité devant la loi est bafoué.
Amnesty International demande aux autorités d’instaurer un moratoire immédiat sur l’application de la loi relative à l’avortement, comme l’a recommandé le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes le 3 mars 2017, avec pour objectif la dépénalisation totale de l’avortement. Elles doivent aussi libérer immédiatement et sans condition toutes les femmes et jeunes filles incarcérées pour des accusations en lien avec des complications liées à leur grossesse, et garantir l’accès sûr et légal à l’avortement, au moins dans les cas où la vie ou la santé mentale ou physique de la femme enceinte est en danger, où la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, où le fœtus souffre de malformations graves ou mortelles.