Écrire Craintes pour la santé d’un enseignant syndicaliste emprisonné

La santé du syndicaliste incarcéré Esmail Abdi s’est détériorée à la suite de la grève de la faim qu’il a entamée le 30 avril pour protester contre la criminalisation de syndicalistes pacifiques. Il s’agit d’un prisonnier d’opinion qui purge une peine de six ans à la prison d’Evin.

Esmail Abdi, enseignant en mathématiques et membre du comité de direction de la section de Téhéran du Syndicat des enseignants iraniens (ITTA-Téhéran), a entamé une grève de la faim le 30 avril, à la veille de la Journée internationale des travailleurs. Il proteste contre le manque d’indépendance du système judiciaire et la condamnation de syndicalistes pacifiques à des peines de prison pour des infractions liées à la sécurité nationale. Dans une lettre ouverte datée du 22 avril, Esmail Abdi a dénoncé la criminalisation par les autorités iraniennes d’activités pacifiques de défense des droits des travailleurs. Dans cette lettre, il demandait : « Est-ce un crime de faire partie d’un syndicat et de participer à des manifestations pacifiques ?

Est-ce un crime de dénoncer le détournement des fonds publics ? Est-ce un crime de recueillir des signatures dans le cadre d’une pétition pour demander au gouvernement de faire respecter la loi ? » Les informations reçues par Amnesty International indiquent que son état de santé général s’est détérioré du fait de sa grève de la faim. Il aurait du mal à écrire, souffrirait de douleurs rénales et de chutes et hausses de tension très inquiétantes, et aurait perdu environ sept kilos. Le 12 mai, il a été transféré à l’infirmerie, où un médecin de la prison a déclaré qu’il devait être examiné sans attendre par un spécialiste hors de la prison.

Esmail Abdi a tout d’abord été arrêté par des pasdaran (gardiens de la révolution) le 27 juin 2015 et détenu à l’isolement pendant 40 jours. Il a été remis en liberté sous caution le 14 mai 2016 à l’issue d’une grève de la faim de deux semaines. En février 2016, il a été condamné à six ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès inique devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, qui l’a déclaré coupable de « propagande contre le régime » et de « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité nationale ». Sa condamnation découle uniquement de ses activités syndicales pacifiques, notamment du fait qu’il se soit associé avec l’Internationale de l’éducation, première fédération mondiale de syndicats. Ses activités incluent également des manifestations pacifiques menées par des enseignants devant le Parlement iranien en avril 2015 pour protester contre les bas salaires et le budget insuffisant alloué à l’éducation, et contre l’incarcération d’enseignants syndicalistes. En octobre 2016, la condamnation d’Esmail Abdi a été confirmée en appel et il a été interpellé le 9 novembre 2016 pour commencer à purger sa peine. Sa demande en révision judiciaire (e’adeh dadresi) est actuellement examinée par la 33e chambre de la Cour suprême iranienne.

Le procès qui a conduit à la condamnation d’Esmail Abdi n’était pas conforme aux normes internationales d’équité : celui-ci a notamment été privé de la possibilité de consulter son avocat durant toute la phase d’enquête, et ensuite son avocat n’a pas été autorisé à obtenir et examiner le dossier avant le procès. En avril 2016, Esmail Abdi a écrit depuis la prison une lettre ouverte dans laquelle il demandait aux autorités d’abandonner les accusations relatives à la sécurité nationale retenues contre lui et d’autres syndicalistes. Il faisait valoir que ces charges étaient utilisées pour criminaliser un travail pacifique visant à faire progresser les droits des enseignants et des travailleurs. Il a écrit : « [A]u vu des éléments utilisés pour rendre ce verdict contre [moi], on dirait que toutes les initiatives visant à améliorer la vie et les moyens d’existence des enseignants et des travailleurs en Iran peuvent être considérées comme des actes portant atteinte à la sécurité nationale. »

Esmail Abdi a été arrêté le 27 juin 2015 après une visite au bureau du procureur à la prison d’Evin, où il s’était rendu pour obtenir des informations sur l’interdiction de voyager prononcée contre lui. Il s’était vu refuser le droit de se rendre en Arménie pour faire une demande de visa afin de pouvoir assister au 7e Congrès mondial de l’Internationale de l’éducation, organisé au Canada en juillet 2015. Avant son arrestation, les services de renseignement avaient convoqué Esmail Abdi plusieurs fois pour l’interroger. Pendant les interrogatoires, les agents l’avaient mis en garde contre son association avec des organisations internationales, comme l’Internationale de l’éducation, et avaient déclaré que sa participation à des rassemblements internationaux représentait une « ligne rouge ». Cet avertissement contre son association avec des organisations internationales va à l’encontre des obligations qui incombent à l’Iran au titre du droit international, notamment de l’article 8(b) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui garantit le droit des syndicats de s’affilier à des organisations internationales.

En outre, les services de renseignement ont exercé des pressions sur lui pour qu’il démissionne de son poste de secrétaire général de l’ITTA. Le 3 mai 2015, ils l’ont de nouveau convoqué et l’ont alors menacé de faire appliquer une peine de 10 ans de prison avec sursis à laquelle il avait été condamné en 2011 en raison de ses activités syndicales pacifiques, s’il ne publiait pas une déclaration officielle sur Facebook annonçant qu’il démissionnait de ses fonctions au sein de l’ITTA et qu’il annulait sa participation à une manifestation nationale que l’ITTA avait aidée à organiser. Esmail Abdi a publié cette déclaration, mais l’ITTA n’a pas accepté sa démission. La manifestation a eu lieu comme prévu et a rassemblé pacifiquement des milliers d’enseignants devant le Parlement à Téhéran et devant les bureaux du ministère de l’Éducation dans d’autres villes.

Le 22 juillet 2015, des milliers d’enseignants ont tenté de se réunir devant le Parlement iranien pour demander la libération d’Esmail Abdi et protester contre le harcèlement et les pratiques abusives que subissent les enseignants syndicalistes. Cependant, les forces de sécurité postées autour du Parlement depuis le petit matin ont interrompu le rassemblement et arrêté de nombreux enseignants. Selon une déclaration du ministre iranien de l’Éducation diffusée le 27 juillet 2015, les enseignants arrêtés ont par la suite été libérés.

En traitant comme des infractions les activités syndicales pacifiques et en interdisant la formation de syndicats indépendants, les autorités iraniennes violent de manière flagrante les obligations qui leur incombent en matière de droits humains en vertu du droit international. Aux termes du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que l’Iran a ratifiés, elles sont tenues de respecter et de protéger la liberté d’expression, le droit à la liberté de réunion et d’association pacifique, ainsi que le droit de fonder des syndicats et de s’affilier à des syndicats. L’article 22-1 du PIDCP dispose : « Toute personne a le droit de s’associer librement avec d’autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la protection de ses intérêts. » L’article 8 du PIDESC garantit « le droit qu’a toute personne de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix. »

Les syndicalistes sont également protégés par la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, qui souligne l’obligation pour les États de respecter le droit de défendre les droits humains, y compris les droits syndicaux, et de protéger les défenseurs des droits humains contre le harcèlement, les arrestations et détentions arbitraires, ainsi que la torture et les autres formes de mauvais traitements.

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