Écrire Des milliers de personnes expulsées, d’autres risquent de subir le même sort

Plus de 30 000 habitants du village d’Otodo Gbame, dans l’État de Lagos (sud-ouest du Nigeria), ont été expulsés de force par des fonctionnaires de cet État et des policiers les 9 et 10 novembre. Plusieurs centaines de milliers d’autres personnes vivant dans d’autres villages au bord de cours d’eau et de la mer dans l’État de Lagos risquent de subir également une expulsion forcée.

Plus de 30 000 habitants d’Otodo Gbame, un village établi sur le front de mer dans l’État de Lagos, ont été expulsés de force par les autorités de cet État les 9 et 10 novembre. Selon des témoins, une « bagarre » collective qui avait commencé sur place s’est intensifiée le 9 novembre au matin et un incendie s’est déclaré. L’origine de cet incendie est indéterminée, mais les témoins ont indiqué que les policiers présents sur les lieux n’avaient rien fait pour l’arrêter. Ils auraient même chassé les habitants qui tentaient d’éteindre le feu. Une déclaration des policiers indique qu’ils sont intervenus pour « rétablir le calme ». L’incendie a duré jusqu’aux alentours de 13 h 30 ce jour-là. Les policiers, accompagnés d’une équipe de démolition, sont revenus vers 23 h 30 le soir même avec un bulldozer. D’après les habitants, ils ont utilisé cet engin pour démolir leurs habitations et ils en ont incendié certaines, en tirant de temps à autre des coups de feu en l’air pour faire fuir les gens et les expulser de force. Leur intervention s’est poursuivie jusqu’au jeudi 10 novembre dans l’après-midi. Les habitants ont déclaré à Amnesty International que les autorités ne leur avaient pas remis d’avis d’expulsion.

Ces expulsions forcées ont eu lieu malgré une décision de justice rendue le 7 novembre qui interdit aux autorités de l’État de Lagos de démolir des bâtiments dans les villages établis au bord de l’eau dans cet État.
Elles suivent une annonce du gouverneur de l’État de Lagos, qui a fait savoir le 9 octobre qu’il était prévu de démolir tous les bâtiments non conformes installés sur le front de mer et au bord de cours d’eau dans cet État, afin d’améliorer la sécurité. Les citoyens concernés n’ont pas été consultés, si bien que des centaines de milliers d’habitants de villages établis au bord de l’eau risquent de se retrouver sans logement et exposés à d’autres atteintes aux droits humains.

Depuis avril 2016, les cas d’enlèvements se sont multipliés dans l’État de Lagos. En vue d’enrayer cette augmentation et d’améliorer la sécurité, les autorités ont décidé de démolir les bâtiments non conformes dans tous les villages établis au bord de l’eau dans l’État.

Le gouverneur de l’État de Lagos, Akinwunmi Ambode, s’est rendu à Ilubirin, un de ces villages, le 9 octobre. Pendant sa visite, il a déclaré que la démolition de toutes les cabanes de Lagos commencerait dans les sept jours suivants. Amnesty International a reçu confirmation de ce projet par le responsable des relations publiques de l’Agence de contrôle du logement de l’État de Lagos, qui lui a indiqué que les autorités démoliraient toutes les cabanes construites au bord de l’eau.

Sur le site Internet officiel du gouvernement de l’État de Lagos, Steve Ayorinde, commissaire chargé de l’information, déclare : « Le gouvernement a pris les mesures qui s’imposent afin de combattre la vague d’enlèvements dans l’État, et conformément à la directive du gouverneur de l’État, M. Akinwunmi Ambode, il est prévu que commence la démolition de structures illégales construites au bord de l’eau dans l’État. »

Des habitants du village d’Ilubirin ont été expulsés de leurs logements et leurs habitations ont été démolies le 15 octobre. Pour l’heure, les habitants expulsés de ces villages n’ont bénéficié d’aucune aide, d’aucune indemnisation et d’aucune solution de relogement.

Le 7 novembre, la haute cour de l’État de Lagos a prononcé une injonction empêchant les autorités de cet État de poursuivre les démolitions jusqu’à l’examen du recours déposé par les habitants contre elles, prévu le 6 décembre.
Les 9 et 10 novembre, plus de 30 000 habitants du village d’Otodo Gbame ont assisté avec horreur à la destruction de leurs habitations et de leurs biens tandis qu’ils étaient expulsés de force. Ils ont fui dans la confusion ; certains se sont jetés dans la mer en courant. Cet épisode a été présenté à tort comme une « bagarre » entre des jeunes d’Otodo Gbame et d’un village voisin par les autorités, qui ont indiqué que la police était uniquement intervenue pour « rétablir l’ordre ».

Depuis 2000, plus de deux millions de personnes ont été expulsées de force de leur logement dans différentes zones du Nigeria. Les expulsions ont lieu sans consultation préalable sérieuse, sans préavis suffisant et sans qu’aucune indemnisation ou solution de relogement ne soit proposée. La plupart des personnes concernées étaient déjà marginalisées et beaucoup vivaient depuis des années sans bénéficier d’un accès à de l’eau propre, à des installations sanitaires, à des soins de santé adaptés ou à l’éducation.
En septembre 2015, quelque 10 200 résidents du site de Badia-East, dans la zone d’Ijora à Lagos, ont été expulsés de force, et beaucoup sont toujours sans domicile et continuent à dépendre de leur famille et de leurs amis. Le gouvernement de l’État n’a toujours pas indemnisé ni relogé les personnes expulsées.

En tant que partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et à d’autres traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains, le Nigeria est tenu de protéger le droit à un logement convenable, de s’abstenir de recourir aux expulsions forcées et même de les empêcher.

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