Écrire Deux hommes sont détenus pour avoir critiqué le gouvernement

Seyoum Teshome et Taye Dendea ont tous deux été arrêtés à leur domicile en mars pour avoir critiqué publiquement le gouvernement éthiopien pendant l’état d’urgence.

Le 8 mars, Seyoum Teshome, éminent blogueur et professeur à l’université d’Ambo, a été arrêté à son domicile au campus Woliso, dans le centre de l’Éthiopie. Il a été amené à Addis-Abeba, la capitale, et est détenu à la prison de Maekelawi. La police a déclaré qu’il serait détenu pendant 14 jours, le temps qu’elle mène des enquêtes. Il a été accusé d’avoir utilisé ses comptes sur les réseaux sociaux pour « organiser un groupe visant à inciter à la violence ». Seyoum Teshome a écrit plusieurs articles de blog critiquant le gouvernement éthiopien, qu’il a publié sur les réseaux sociaux, ainsi que sur le site Internet d’Amnesty International.

Taye Dendea, directeur des relations publiques et de la communication pour le Bureau des affaires judiciaires d’Oromia, a été arrêté le 15 mars, après avoir déclaré publiquement lors d’une interview à la radio que l’homicide le 8 mars de 15 personnes par les forces fédérales éthiopiennes à Moyale, dans le sud de l’Éthiopie, était prémédité et non une erreur comme l’a affirmé le gouvernement. Il est également détenu dans la prison de Maekelawi. Il doit encore être inculpé officiellement et n’a pu communiquer avec personne. Il n’a donc pas pu s’entretenir avec un avocat.

Amnesty International est préoccupée par le fait que Seyoum Teshome et Taye Dendea ont tous deux été arrêtés dans le contexte de l’état d’urgence en Éthiopie. Ils sont tous deux connus pour leurs critiques envers le gouvernement fédéral et ont déjà passé du temps en détention parce qu’ils avaient critiqué les autorités. Seyoum Teshome a passé plusieurs mois en détention lors du dernier état d’urgence, qui a commencé en 2016. Taye Dendea a déjà purgé deux peines d’emprisonnement de trois et sept ans respectivement.

Le 15 février, le Premier ministre, Hailemariam Dessalegn, a annoncé sa décision de démissionner, quelques jours à peine après la libération de centaines de personnes, dont Eskinder Nega et Bekel Gerba. Le lendemain, le Conseil des ministres a déclaré un second état d’urgence, qui était selon lui nécessaire pour désamorcer l’effondrement total de l’ordre public et des institutions, qui était une menace pour l’ordre constitutionnel.

Dans le cadre de la déclaration d’état d’urgence a été mis sur pied un poste de commandement, qui a le pouvoir de définir, grâce à des directives, les mesures, les restrictions et les zones spécifiques pour l’application de l’état d’urgence. Le Premier ministre préside le poste de commandement et le ministre de la Défense en est le secrétaire. Les autres membres du poste de commandement sont le vice-Premier ministre, le directeur de la police fédérale et le directeur du Service national de la sûreté et du renseignement. Selon cette déclaration, le poste de commandement dispose de vastes pouvoirs lui permettant de déroger à plusieurs obligations de l’Éthiopie en matière de droits humains et d’apporter une liste de restrictions qu’il peut imposer au moyen de directives. Ces pouvoirs lui permettent :

1. d’interdire la publication et la diffusion de tout document « visant à semer la suspicion et la discorde » ;

2. d’interdire toute présentation au public de documents et de « messages incitant à la violence, y compris des signes affichés sur des parties du corps » ;
3. de fermer ou de résilier tout moyen de communication ;
4. d’empêcher des manifestations publiques, des rassemblements et des déplacements en groupe, afin de maintenir la paix et la tranquillité ;

5. d’ordonner l’arrestation sans mandat judiciaire de toute personne soupçonnée d’avoir participé de quelque manière que ce soit à la préparation et à la perpétration de crimes contre la constitution et l’ordre constitutionnel, et de mener des enquêtes sur ces personnes et de les poursuivre en justice devant des tribunaux civils ordinaires ;

6. d’ordonner, sans mandat judiciaire, la fouille et la saisie tout type de matériel dont on pense qu’il a été utilisé ou qu’il était prévu d’être utilisé pour commettre des crimes. Tous les bâtiments, dont les bâtiments résidentiels et les moyens de transport, ainsi que d’autres endroits, sont soumis au régime de fouille et de saisie. Tous les objets saisis seront retournés à leur propriétaire après enquête et peuvent être utilisés en tant que preuves lors de procédures pénales ;

7. d’instaurer des couvre-feux ;

8. d’ordonner la fermeture temporaire de routes et de fournisseurs de transport, et de geler temporairement les déplacements dans et hors de lieux précis ;

9. de mettre en place des mesures visant à protéger les institutions gouvernementales et les infrastructures publiques ;

10. d’interdire de porter des armes dangereuses et des substances inflammables dans certains lieux précis ;

11. de reconstruire les structures et bâtiments administratifs qui ont été détruits dans de nombreux endroits du pays en raison des violences récentes ; de réinstaller, en collaborant avec les gouvernements régionaux, les personnes qui ont été déplacées de leurs domiciles en raison des attaques ethniques qui ont eu lieu dans certaines parties du pays ;

12. de mettre en place des mesures pour protéger les prestataires de service, les commerces et les domiciles contre les attaques violentes et les actes d’intimidation ;

13. de veiller à la sûreté du déplacement et de la livraison des biens et des services de première nécessité ;

14. de veiller à la sécurité du transport routier ;

15. d’empêcher les actes perturbateurs interférant avec le fonctionnement normal des écoles et des universités ;

16. de « prendre toutes les mesures nécessaires » pour protéger la constitution et l’ordre constitutionnel et pour veiller à la paix et à la sécurité des personnes.

Cette directive, entre autres, bâillonne les organes gouvernementaux fédéraux et régionaux, les empêchant de rendre compte des questions de sécurité sans l’autorisation du poste de commande. L’interdiction de « critiquer la proclamation de l’état d’urgence et la directive » figure également parmi les restrictions à la liberté d’expression. La directive confère également aux responsables de l’application des lois des pouvoirs leur permettant de mettre en œuvre l’état d’urgence.

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