Écrire Doutes quant à l’aptitude mentale d’un condamné à l’approche de son exécution

John Battaglia, 61 ans, doit être exécuté au Texas le 7 décembre. Il a été condamné à mort pour le meurtre de ses deux filles, commis en 2001. Trois psychologues ont conclu qu’il souffre d’un trouble délirant qui le rend inapte à être exécuté. Le 18 novembre, un juge du Texas a statué qu’il simule la maladie mentale et est apte à être exécuté.

En avril 2002, un jury du comté de Dallas a déclaré John Battaglia coupable du meurtre de ses filles âgées de six et neuf ans le 2 mai 2001. D’après les éléments présentés par le ministère public lors du procès, il était en période de mise à l’épreuve pour des violences à l’égard de la mère des fillettes dont il était séparé, et ces meurtres étaient une manière de se venger car elle avait menacé de faire annuler sa mise à l’épreuve. Il a tiré sur ses filles, qui se trouvaient chez lui à l’occasion d’une visite, alors qu’elles étaient au téléphone avec leur mère. Trois experts en santé mentale ont été cités comme témoins par la défense et un par l’accusation, et ont affirmé que John Battaglia souffrait de troubles bipolaires.

L’avocat de John Battaglia a déposé un recours au titre de l’arrêt rendu en 1986 par la Cour suprême fédérale, Ford c. Wainwright, interdisant d’exécuter des personnes mentalement inaptes – c’est-à-dire qui ne sont pas en mesure de comprendre le motif ou la réalité de leur peine. En 2007, dans l’arrêt Panetti c. Quarterman, une affaire jugée au Texas, la Cour suprême a statué qu’au titre de l’arrêt Ford « le fait qu’un prisonnier ait conscience de la raison retenue par l’État pour l’exécuter n’est pas la même chose que le fait de comprendre cette raison de manière rationnelle […] Il est possible que les délires causés par de graves troubles mentaux établissent un lien entre le crime et son châtiment, mais dans un contexte si éloigné de la réalité que le châtiment ne peut servir aucun objectif digne de ce nom ».

(https://www.amnesty.org/en/documents/amr51/114/2007/en/)
Trois psychologues ont conclu que John Battaglia n’est pas apte à être exécuté car il souffre d’un trouble délirant. L’expert engagé par la défense a écrit qu’il « souffre d’une pathologie grave et active caractérisée par des croyances délirantes graves et persistantes... En raison de son interprétation persistante, durable, inflexible, délirante de sa situation, M. Battaglia n’est pas en capacité de comprendre de manière rationnelle le lien entre son crime et son châtiment. » Le psychologue engagé par l’État a déclaré qu’il est « atteint de troubles mentaux graves en raison d’un système complexe de délires de persécution » et que « sa compréhension de la raison pour laquelle il va être exécuté est irrationnelle, car il la considère comme découlant d’un grand complot complexe contre lui qui s’inscrit dans une vaste opération de dissimulation à multiples facettes ».

Un troisième expert, nommé par le tribunal, a écrit que John Battaglia est convaincu que « sa condamnation était une comédie, qu’il était drogué et qu’il ne se souvient pas des meurtres, que tout ceci est un complot contre lui, que ses filles ne sont pas mortes, que " toute cette situation " est bien plus globale et est une question de foi et de liberté... » Les trois experts ont témoigné en ce sens lors d’une audience devant un tribunal du comté de Dallas le 14 novembre. Le lendemain, un quatrième psychologue, lui aussi nommé par le tribunal, a déclaré qu’il estimait que John Battaglia était apte à être exécuté. Le 18 novembre, le juge a rendu sa décision, confirmant l’aptitude de John Battaglia et qualifiant l’avis du quatrième expert de « totalement crédible » et « concluant ». Ce verdict fait l’objet d’un recours.

En 2011, un juge de la cour fédérale de district a mis en avant le fait que « les missives décousues et globalement inintelligibles [que John Battaglia] a envoyées à la cour, ainsi que ses antécédents de troubles bipolaires », font craindre qu’il ne « soit sans doute mentalement inapte à renoncer sciemment et intelligemment à son droit d’être assisté d’un avocat », ce qu’il cherchait à faire à ce moment-là. Voici un extrait de l’une de ces « missives », en date du 19 octobre 2009 : « Ces faits et ces conclusions de droit étaient datés du 6 août 2008, et ont été tenus secrets à mon égard, tout comme le nom du juge qui les a rédigés, ainsi que chaque élément et chaque pièce à conviction présenté lors de mon premier procès en 2002 par mon procureur comme mes avocats d’appel.

C’était en partie dû au fait que j’avais été marié au sein d’un Klan ou Culte de racistes locaux de Dallas qui pratiquaient un type bizarre d’eugénisme, basé sur la consanguinité secrète et frauduleuse et la conception d’enfants par des membres des mêmes familles immédiates sous l’apparence trompeuse d’un mariage conjugal normal. »

La psychologue engagée par la défense pour l’évaluation dans l’affaire Ford a mené environ 15 heures d’entretiens et de multiples tests avec John Battaglia et a produit un rapport circonstancié présentant ses conclusions, affirmant que son trouble délirant le rendait inapte à l’exécution. Dans sa décision du 18 novembre, le juge Robert Burns de la cour pénale de district du comté de Dallas n’a « tenu aucun compte de son avis », parce qu’elle n’avait pas « d’expérience de travail auprès des populations carcérales », ajoutant que « les allégations de poursuites injustifiées et de complots ourdis par les juges, les témoins, les procureurs et les avocats sont courantes ». Il a adopté une position similaire vis-à-vis de l’expert de l’État, affirmant qu’il n’avait « qu’une expérience limitée » du milieu carcéral. Au sujet de l’expert nommé par le tribunal qui a déclaré Battaglia inapte, le juge n’a pas dit grand-chose. En revanche, il a déclaré que l’autre psychologue nommé par le tribunal ayant déjà travaillé dans des prisons fédérales, il était « hautement qualifié pour déterminer l’aptitude dans ce contexte » et était « tout à fait crédible ».

Or, ce psychologue n’a réalisé aucun test auprès du prisonnier, mais a fondé son évaluation initiale sur un entretien qui a duré moins de cinq heures. Après avoir reçu les rapports des trois autres psychiatres, il a mené un nouvel entretien avec le prisonnier, mais n’a toujours pas effectué de test. Dans son second rapport, il affirmait que John Battaglia est « une personne très intelligente qui a eu le temps et la motivation pour commencer à mettre au point un scénario complexe et paranoïaque qu’il a pu s’entraîner à répéter au fil des ans ». Le psychologue a établi un diagnostic provisoire faisant valoir que John Battaglia feint la maladie et a conclu qu’il « est probable qu’il ne souffre pas d’un trouble délirant ».

Le juge Burns a fait valoir qu’étant donné l’imminence de son exécution, « Battaglia a un mobile pour mentir et/ou exagérer ses symptômes de maladie mentale ». Il a conclu qu’il ne croit pas que « Battaglia souffre d’une grave maladie mentale » et qu’il « a les capacités intellectuelles, est assez sophistiqué et a toute motivation pour invalider les tests de santé mentale et créer ces délires spécifiquement liés à sa compréhension rationnelle de son lien avec le crime, en vue d’éviter l’exécution. La cour estime que Battaglia simule sa maladie mentale ou exagère ses symptômes de troubles mentaux. »
Si les autorités de l’État ont souvent affirmé qu’un condamné à mort simule ou exagère ses troubles mentaux (voir : https://www.amnesty.org/en/documents/amr51/003/2006/en/), il est également vrai, comme l’a déclaré la Cour suprême dans son arrêt Panetti de 2007, qu’« un concept tel que la compréhension rationnelle est difficile à définir ». Dans l’arrêt Ford c. Wainwright de 1986, quatre des juges avaient de manière similaire noté que les éléments de preuve concernant l’aptitude d’un prisonnier à être exécuté « seront toujours imprécis ». Un cinquième juge avait ajouté qu’« à l’inverse des questions de fait historique, la question de la santé mentale d’[un] demandeur repose sur un jugement essentiellement subjectif ».

Pour beaucoup, l’une des raisons invoquées afin de mettre un terme aux exécutions et d’abolir la peine de mort est précisément l’impossibilité d’éliminer la subjectivité et l’erreur humaine inhérentes à ce châtiment irréversible.

Depuis l’approbation de la nouvelle législation sur la peine capitale par la Cour suprême fédérale en 1976, 1 440 personnes ont été mises à mort aux États-Unis, dont 538 (soit 37 %) au Texas. Cet État a procédé à sept des 18 exécutions qui ont eu lieu cette année. Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. C’est un châtiment – indépendamment des questions de culpabilité, de compétence ou de gravité du crime – incompatible avec la dignité humaine.

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