Écrire LA FERMETURE DE LA FRONTIÈRE AGGRAVE LA SITUATION DES RÉFUGIÉS

Depuis que le gouvernement jordanien a fermé sa frontière avec la Syrie le 21 juin, quelque 80 000 réfugiés sont bloqués dans une zone désertique connue sous le nom de « berme », où la chaleur est étouffante et les tempêtes de sable fréquentes. Ils ne reçoivent toujours pas l’aide essentielle et indispensable à leur survie.

Le 21 juin, après un attentat-suicide contre un poste-frontière militaire qui a fait sept morts et 13 blessés parmi ses forces de sécurité, la Jordanie a fermé sa frontière avec la Syrie, abandonnant 80 000 réfugiés à leur sort dans un zone connue sous le nom de « berme » (mur de sable). Avant la fermeture de la frontière, les organisations humanitaires ne pouvaient déjà prodiguer que des services de base aux réfugiés de cette zone mais, depuis cette mesure, elles n’ont plus accès à ces personnes, dont plus de la moitié seraient des enfants. Amnesty International demande le transfert immédiat de tous les réfugiés dans un lieu sûr, que ce soit en Jordanie ou dans un pays tiers, où ils pourront être correctement protégés et recevoir une assistance satisfaisante.

Depuis la fermeture de la frontière le 21 juin, l’eau n’est acheminée qu’en quantité limitée aux réfugiés le long de la berme. Alors que, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 15 litres d’eau par personne et par jour sont nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux dans une situation d’urgence, les populations bloquées au poste frontalier de Rukban, le long de la berme, ne reçoivent qu’entre 5 et 6 litres par personne et par jour. Le 4 août, pour la première fois depuis la fermeture de la frontière, les organisations humanitaires ont fait passer des rations alimentaires et des kits d’hygiène au-dessus de la clôture à l’aide de grues installées côté Jordanie. Cette aide a été négociée entre les organisations humanitaires et le gouvernement jordanien, mais le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies a indiqué que la Jordanie avait fait savoir clairement qu’il s’agissait d’une intervention « unique ». Vu les difficultés de contrôle de la distribution de cette aide, il est difficile de savoir si elle est bien parvenue à tous ceux qui en ont besoin.
L’absence d’installations sanitaires et le manque d’eau et de nourriture vont probablement avoir des effets néfastes sur l’état de santé déjà critique de nombreux réfugiés le long de la berme. Depuis la fermeture de la frontière, les réfugiés n’ont pas pu bénéficier de services médicaux, ni été autorisés à se rendre en Jordanie même en cas de blessures très graves. D’après des informations dignes de foi reçues par des travailleurs humanitaires, des nouveau-nés sont décédés, au moins neuf femmes sont mortes pendant leur accouchement, des enfants souffrent de diarrhée hémorragique, et des cas d’ictères, de possibles hépatites A et E et de cécité progressive ont été observés.

À partir de 2012, la Jordanie a progressivement restreint l’accès des personnes venues de Syrie à son territoire. Le poste-frontière officiel entre Ramtha, en Jordanie, et Deraa, en Syrie, a été fermé en 2012 et, depuis lors, l’entrée est refusée à plusieurs catégories de personnes, notamment les Palestiniens fuyant la Syrie, les hommes seuls qui ne peuvent prouver qu’ils ont des attaches familiales en Jordanie et les personnes dépourvues de papiers d’identité. À la mi-2013, les postes-frontières de l’est et de l’ouest ont aussi été fermés aux personnes en provenance de Syrie, à quelques exceptions près pour les blessés de guerre ou les personnes « les plus vulnérables », sur la base de critères définis par les autorités jordaniennes. En mai 2014, la Jordanie a commencé à ne plus admettre sur son territoire les personnes en provenance de Syrie arrivant à l’aéroport international, à moins qu’elle ne possèdent un titre de résidence ou que leur cas ne corresponde à l’une des rares exceptions.

La plus grande partie de la frontière étant fermée, des dizaines de milliers de réfugiés se sont progressivement massés aux points de passage non officiels de Rukban et d’Hadalat, dans une zone désertique connue sous le nom de « berme », depuis octobre 2015. Ils étaient plus de 71 000 au poste-frontière de Rukban et 7 000 environ à celui d’Hadalat. En raison des craintes pour la sécurité, les organisations humanitaires n’étaient autorisées à distribuer de l’aide et à prodiguer des services de santé à ces personnes que depuis une aire de services bien délimitée. En mars 2016, la Jordanie a accepté d’accueillir jusqu’à 20 000 réfugiés bloqués le long de la berme, qui ont été transférés dans le camp d’Azraq pour que leurs demandes y soient examinées. Le 21 juin, un individu au volant d’un camion piégé est passé par une ouverture généralement utilisée pour les distributions humanitaires et s’est donné la mort, tuant sept membres des forces de sécurité jordaniennes et en blessant 13 autres. En réaction, le roi Abdallah II a déclaré que la Jordanie « frapperait avec une main de fer » les terroristes, la frontière a été fermée et les organisations humanitaires n’ont plus eu accès aux réfugiés bloqués le long de la berme.

La Jordanie accueille plus de 657 000 réfugiés venus de Syrie (87 réfugiés pour 1 000 habitants) ; c’est l’un des cinq principaux pays hôtes de la région, qui abritent à eux tous plus de quatre millions et demi de réfugiés venus de Syrie. Cet afflux massif de réfugiés en provenance de Syrie pèse lourdement sur les services et les ressources de la Jordanie, mais les pays riches n’ont pas assumé leur part de responsabilité. À la fin du mois de juin 2016, la communauté internationale n’avait couvert que 45 % des besoins de financement inter-agences au profit de l’aide humanitaire pour 2016. En 2015, les appels de fonds inter-agences avaient été financés à hauteur de 62 % seulement à la fin de l’année. Durant le premier trimestre de 2016, 12 889 réfugiés de Syrie ont fait l’objet d’une demande de réinstallation depuis la Jordanie. Cependant, seuls 5 448 avaient rejoint leur pays de réinstallation.

Amnesty International a conscience du fait que la Jordanie et les autres pays de la région subissent une pression énorme et que la communauté internationale doit prendre une part de responsabilité plus importante, et ce de toute urgence. L’organisation reconnaît également les efforts déployés par les autorités jordaniennes pour qu’un peu d’aide humanitaire soit acheminée le long de la berme. Néanmoins, elles sont tenues de protéger les réfugiés de Syrie fuyant le conflit et les persécutions, et de les admettre sur leur territoire. Fermer les frontières à ceux qui doivent être protégés ou les forcer directement ou indirectement à retourner en Syrie en leur imposant des conditions de vie intolérables va à l’encontre de l’obligation faite à la Jordanie de ne pas renvoyer quiconque dans un pays où il est avéré que cette personne risquerait de subir des persécutions ou d’être victime d’autres graves atteintes aux droits humains. Il s’agit du principe de « non-refoulement ».

Tous les demandeurs d’asile de Syrie doivent être considérés de prime abord comme ayant besoin d’une protection internationale, car le conflit dans leur pays donne lieu à de graves violations des droits fondamentaux, ainsi qu’à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité. Les hommes seuls en particulier risquent d’être arrêtés ou enrôlés de force s’ils sont renvoyés en Syrie.

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