Écrire La Georgie fixe une date d’exécution en dépit d’allégations de racisme

Kenneth Fults, un Afro-Américain de 47 ans condamné à mort en 1997, doit être exécuté le 12 avril en Géorgie. En 2005, l’un des jurés a signé une déclaration sous serment indiquant qu’il avait voté pour la peine capitale parce que « ce nègre le méritait ».

En mai 1997, Kenneth Fults a plaidé coupable du meurtre de Cathy Bounds, une femme blanche abattue à son domicile le 30 janvier 1996. À l’issue d’une audience de détermination de la peine qui a duré trois jours, les jurés se sont prononcés en faveur d’une condamnation à mort. Huit ans plus tard, en avril 2005, un homme blanc qui avait fait partie du jury a signé une déclaration sous serment dans laquelle il disait de Kenneth Fults : « Je ne sais pas s’il a tué qui que ce soit mais les choses se sont passées comme elles devaient. Après qu’il a plaidé coupable, je savais que j’allais voter pour la peine capitale parce que ce nègre le méritait. » Lorsque cet aveu d’un juré qui était favorable à une condamnation à mort sur la base d’un préjugé raciste et avant même que les éléments de preuve aient été présentés a été évoqué en appel, l’État a répondu qu’il était trop tard pour réexaminer la question sur le fond. Les tribunaux ont statué que la requête présentait un vice de procédure et ont autorisé l’application de la sentence.

En outre, ils ont balayé l’argument selon lequel Kenneth Fults n’avait pas bénéficié d’une représentation juridique suffisante au moment de la détermination de sa peine. Bien que des circonstances atténuantes aient été avancées – l’accusé a un quotient intellectuel (QI) de 74, il souffre de dépression et ne mesure pas toujours les conséquences de ses actes –, d’autres jurés du procès ont signé des déclarations sous serment indiquant que l’avocat de la défense ne s’était pas véritablement efforcé de sauver son client et qu’ils l’avaient vu dormir à certains moments. Ils estiment que celui-ci aurait dû leur présenter des éléments comme ceux découverts par les avocats chargés du procès en appel au sujet de la négligence et de l’abandon dont Kenneth Fults avait été victime dans son enfance – sa mère, qui avait 16 ans lorsqu’elle l’a mis au monde, est devenue ensuite dépendante au crack – ainsi que de sa déficience intellectuelle. En 2006, un psychologue clinicien a établi que Kenneth Fults présentait un retard mental léger (également appelé « déficience intellectuelle »), avec un QI de 72.

Un tribunal de Géorgie a rejeté le recours formé au motif que cet homme serait atteint d’une déficience intellectuelle rendant son exécution contraire à la Constitution. Cet État utilise le principe du « doute raisonnable » pour déterminer la déficience intellectuelle dans ce contexte (dans tous les autres États américains non-abolitionnistes, la charge de la preuve est plus lourde). En 2014, la cour d’appel fédérale a fait remarquer que la requête de Kenneth Fults n’était pas totalement infondée mais, compte tenu des « normes de haute déférence » selon lesquelles les juridictions fédérales doivent examiner les décisions rendues par les tribunaux des États, elle a confirmé la peine.

En juin 2015, le juge Stephen Breyer de la Cour suprême des États-Unis a fait remarquer que, selon plusieurs études, les personnes accusées d’avoir tué des victimes blanches étaient plus susceptibles d’être condamnées à mort que celles accusées d’avoir ôté à la vie à des noirs ou des membres d’autres minorités dans ce pays. En 2008, le juge John Paul Stevens a écrit que la Cour suprême avait permis aux considérations raciales de continuer à jouer un rôle inacceptable dans les procès où l’accusé encourait la peine capitale et a fait référence à l’affaire McCleskey c. Kemp (1987), dans laquelle elle avait confirmé la sentence prononcée en Géorgie alors qu’il était fort probable que le jury ait été influencé par le fait que McCleskey était noir et la victime, blanche.

En 1986, la Cour suprême avait pourtant reconnu le danger que représentaient les attitudes racistes, en ce qu’elles pouvaient influencer les décisions des jurés. Elle avait ajouté que, compte tenu du pouvoir discrétionnaire accordé au jury dans les affaires où l’accusé est passible de la peine de mort, les préjugés racistes pouvaient avoir des répercussions tout en passant inaperçus. Elle avait estimé que, dans une affaire de ce type, où l’accusé est noir et la victime est blanche, un juré convaincu que les noirs sont enclins à la violence ou inférieurs au plan moral pouvait tout à fait être influencé par cette croyance au moment de décider de la peine. Il pouvait aussi être moins réceptif aux circonstances atténuantes présentées par la défense. En vertu de la décision rendue par la Cour suprême, une personne accusée d’un crime interracial passible de la peine capitale peut demander que les jurés potentiels soient informés de l’appartenance ethnique de la victime et questionnés au sujet d’éventuels préjugés racistes.

Au moment de la sélection du jury chargé de déterminer la peine de Kenneth Fults, en 1997, l’homme qui a fait part de ses opinions racistes dans une déclaration sous serment en 2005 avait été interrogé sur ce point et avait affirmé n’avoir aucun préjugé raciste. Lorsqu’on lui a demandé si le fait que l’accusé soit noir et la victime blanche avait une quelconque importance, il a aussi répondu que non. Au vu de sa déclaration sous serment de 2005, il semble avoir menti lors de la sélection du jury.

D’autres anciens jurés ont signé des déclarations sous serment indiquant que Kenneth Fults avait été mal représenté pendant la phase de détermination de sa peine. L’un d’eux a expliqué : « Au procès de M. Fults, il était évident pour moi que son avocat, M. Mostiler, ne le représentait pas véritablement. Il n’a pratiquement rien fait et je l’ai même vu dormir à plusieurs reprises. Il avait la tête penchée en avant alors qu’il n’était pas en train d’écrire ni de faire quelque chose d’autre. En fait, je ne l’ai jamais vu prendre de notes. Je n’ai pas été surpris qu’il s’endorme parce que j’avais déjà été juré dans une autre affaire où il était l’avocat de la défense et il avait fait de même. Je ne pense pas que M. Fults ait eu un procès équitable parce que M. Mostiler ne nous a pas donné beaucoup d’éléments sur l’enfance et la vie de son client. Les avocats actuels de M. Fults m’ont dit qu’il avait été négligé et abandonné et qu’il présentait une déficience intellectuelle. M. Mostiler ne nous en a pas informés au procès alors qu’il aurait dû, afin que nous en sachions plus sur M. Fults avant d’envisager de le condamner à mort. »

Un autre ancien juré a déclaré : « L’avocat de M. Fults, M. Mostiler, ne semblait pas très préoccupé par son client ni par l’affaire. Il ne s’intéressait pas à ce qui se passait et on aurait dit que quelque chose n’allait pas. Je l’ai vu s’endormir plusieurs fois et se réveiller en sursaut lorsque c’était à lui d’interroger les témoins. Je l’ai vu faire ça pendant tout le procès. Ça m’a vraiment dérangé parce que la vie d’un homme était en jeu et son avocat ne s’en préoccupait pas suffisamment pour se tenir éveillé, et encore moins pour interroger correctement les témoins [...]. M. Mostiler n’a pas donné beaucoup d’informations sur la vie et le passé de M. Fults [...]. Je viens d’apprendre qu’il avait eu une enfance très difficile et qu’on lui avait diagnostiqué une déficience intellectuelle. Si cet élément avait été présenté au procès, ça aurait fait une différence de mon point de vue. »

En vertu des normes internationales, les accusés passibles de la peine capitale doivent bénéficier d’une représentation juridique suffisante à toutes les étapes de la procédure et il est interdit de condamner à mort une personne ayant une déficience intellectuelle. Neuf personnes ont été exécutées aux États-Unis depuis le début de l’année, dont deux en Géorgie.

Cet État est responsable de 62 des 1 431 exécutions qui ont eu lieu dans le pays depuis que la Cour suprême a approuvé des lois révisées sur la peine capitale, le 2 juillet 1976. Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances.

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