Écrire Un militant politique détenu arbitrairement

En mai 2020, les autorités ont permis à Céline Lebrun Shaath, l’épouse du prisonnier d’opinion et militant Ramy Shaath, de l’appeler pour la première fois depuis son arrestation.

Il est détenu depuis un an, dans l’attente des conclusions d’une enquête menée sur des accusations d’« assistance à un groupe terroriste », qui découlent uniquement du fait qu’il a exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression et son droit de participer aux affaires publiques.

Le 18 avril 2020, le tribunal pénal du Caire a décidé de l’inscrire arbitrairement sur la « liste de terroristes » de l’Égypte pour une période de cinq ans.

Le 5 juillet 2019, vers 0 h 45, au moins une douzaine de policiers lourdement armés ont pris d’assaut le domicile cairote du militant politique Ramy Shaath, sans s’identifier ni présenter de mandat d’arrêt. Ils ont fouillé les lieux et ont saisi des ordinateurs, des disques durs et des téléphones portables. Ils ont arrêté Ramy Shaath et son épouse, Céline Lebrun Shaath, professeure d’histoire et responsable associative, qui a été expulsée illégalement vers la France plus tard dans la journée, alors qu’elle résidait légalement en Égypte depuis mars 2012. Les forces de sécurité ont transféré Ramy Shaath dans un lieu tenu secret, sans révéler ce qu’il était advenu de lui pendant environ 36 heures.

Des agents du poste de police de Qasr el Nil, dans le centre-ville du Caire, ont affirmé à sa famille et ses avocats qu’il n’était pas entre leurs mains. Par la suite, un avocat a informé la famille que Ramy Shaath avait comparu devant un procureur du parquet de la Sûreté de l’État, au Nouveau Caire. Il n’a pas été autorisé à appeler sa famille ni ses avocats, et a été représenté pendant son interrogatoire par un avocat qui se trouvait sur place.

Selon la famille, le procureur a informé Ramy Shaath qu’il était accusé d’« assistance à un groupe terroriste ». Il ne l’a toutefois interrogé que sur la nature de ses activités politiques en Égypte et n’a fourni aucune preuve à son encontre. Il a fondé ses accusations sur un dossier secret de l’Agence nationale d’investigation (NSA), malgré un arrêt rendu en 2015 par l’une des plus hautes juridictions égyptiennes, la Cour de cassation, qui a statué que les enquêtes de l’agence ne constituaient pas des preuves à elles seules. En outre, le procureur n’a autorisé ni Ramy Shaath, ni ses avocats à examiner les éléments d’enquête de la NSA.

Selon les autorités, cette enquête porte sur un « complot orchestré par des militants de la société civile en collaboration avec les Frères musulmans pour porter atteinte à l’État ». L’affaire concerne des personnes d’horizons politiques extrêmement variés, qui n’ont pas de liens entre elles. Parmi elles figurent au moins 15 responsables politiques, étudiants, journalistes et défenseurs des droits des travailleurs, qui sont détenus arbitrairement sur la base de charges sans fondement, liées à leurs activités politiques légitimes, à leurs activités de défense des droits humains et à l’expression pacifique de leurs opinions. Le 6 juillet 2019, le procureur a ordonné le placement en détention de Ramy Shaath pour 15 jours, dans l’attente des résultats de l’enquête ; depuis lors, il prolonge sa détention tous les 15 jours lors d’audiences de renouvellement automatique.

En vertu du Code de procédure pénale égyptien et de la Loi de 2015 relative à la lutte contre le terrorisme, les procureurs peuvent ordonner la détention provisoire de personnes poursuivies dans des affaires « liées au terrorisme » pour une période pouvant aller jusqu’à 150 jours, sans les déférer à un juge.

En Égypte, on observe une augmentation du nombre de personnes maintenues en détention provisoire pendant des mois, voire des années, après avoir été inculpées de charges ayant trait au terrorisme, souvent retenues uniquement sur la base d’enquêtes de la NSA. Deux mois après la modification de la Loi 8/2015 sur « les personnes et entités terroristes » en février 2020, une chambre du tribunal pénal du Caire consacrée aux affaires de terrorisme a inscrit Ramy Shaath et 12 autres personnes sur la « liste de terroristes » de l’Égypte pour une période de cinq ans.

Les nouvelles dispositions confèrent au procureur général le pouvoir de soumettre aux tribunaux des listes d’entités et de personnes désignées comme « terroristes », qu’un « acte terroriste » présumé ait été commis ou non et uniquement sur la base des « enquêtes ou informations de la police ». Ramy Shaath a été ajouté à la liste sans aucune audience et sans respect des procédures légales.

Son inscription sur la « liste de terroristes » pour cinq ans entraîne certaines interdictions de déplacement et gels d’avoirs, la confiscation de son passeport égyptien et l’interdiction d’activités politiques au sens de l’article 7 de la Loi 8/2015. Son avocat a fait appel de la décision du tribunal.

Ramy Shaath est un militant politique, qui a contribué à la fondation de divers mouvements politiques laïques en Égypte, dont le parti politique El Dostour, créé en 2012 par Mohammed El Baradei. Il a également cofondé le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) en Égypte, où il en est le coordonnateur depuis 2015. Le mouvement BDS fait campagne pour amener Israël à rendre des comptes pour les violations des droits humains et autres violations du droit international, en usant de moyens non violents pour y parvenir.

Dans le cadre de ses activités militantes, Ramy Shaath sensibilise le public aux droits des Palestiniens et dénonce dans les médias l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Avant son arrestation, il avait participé à des événements publics et donné à la presse des interviews dans lesquelles il exprimait sa vive opposition au plan américain visant à résoudre le conflit israélo-palestinien, baptisé « deal du siècle », et à la participation de l’Égypte à la conférence de Manama les 25 et 26 juin 2019, consacrée à des discussions sur ce plan. Les autorités égyptiennes harcèlent Ramy Shaath depuis de nombreuses années en raison de son militantisme politique. En avril 2012, le ministère de l’Intérieur a refusé de renouveler son passeport égyptien, tentant de le priver de la nationalité égyptienne.

Bien que Ramy Shaath ait obtenu gain de cause en 2013 devant le tribunal administratif du Caire, le ministère de l’Intérieur a fait appel de la décision en 2018 ; l’appel est toujours en attente d’examen.

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