Écrire Un professeur ouïghour risque d’être exécuté

Amnesty International craint de plus en plus que les autorités chinoises ne procèdent très prochainement à l’exécution de Tashpolat Tiyip, éminent professeur d’université ouïghour, déclaré coupable à l’issue d’un procès secret d’une iniquité flagrante.

Soumis à une disparition forcée en 2017, il est détenu arbitrairement depuis lors.

Aucune information n’a été communiquée sur les faits qui lui sont reprochés ni sur la procédure intentée à son encontre, et on ne connaît toujours pas son lieu de détention.

Les Ouïghours sont une minorité ethnique principalement de confession musulmane. Ils vivent surtout dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en Chine. Depuis les années 1980, ils sont la cible de violations graves et systématiques des droits humains : arrestations et incarcérations arbitraires, détention au secret, restrictions de la liberté de religion et de l’exercice des droits sociaux et culturels, notamment. Les autorités locales continuent de contrôler étroitement la pratique religieuse, y compris en interdisant à tous les fonctionnaires et aux mineurs de moins de 18 ans de fréquenter les mosquées. Les politiques gouvernementales chinoises limitent l’usage de la langue ouïghoure, imposent des restrictions sévères à la liberté religieuse et soutiennent l’arrivée en masse de migrants hans dans la région.

En mai 2014, une campagne visant à « frapper fort » a été lancée pour un an au Xinjiang. Les autorités ont privilégié les arrestations expéditives, les procès rapides et les condamnations collectives d’Ouïghours. Le gouvernement a appelé à un renforcement de la « coopération » entre le parquet et les tribunaux, ce qui a avivé les craintes quant à l’équité des procès. La campagne visant à « frapper fort » a été prolongée dans les années qui ont suivi, et les autorités ont nettement augmenté les dépenses allouées à la police. De nombreux Ouïghours ont alors décidé de fuir le pays.

Les autorités chinoises ont répliqué en harcelant leurs proches afin de faire pression sur eux pour qu’ils reviennent, et en s’efforçant de limiter les activités des militants politiques et des défenseurs des droits humains ouïghours à l’étranger. De nombreux Ouïghours vivant à l’étranger, et notamment les demandeurs d’asile et les réfugiés, craignent d’autant plus le renvoi forcé en Chine. Ces dernières années, des dizaines de demandeurs d’asile ouïghours ont été renvoyés de force vers la Chine depuis des pays d’Asie du Sud-Est et d’Asie centrale.

Les médias ont fait état de l’ampleur et de la sévérité des nouvelles mesures en matière de sécurité qui ont été appliquées depuis l’arrivée au pouvoir, en 2016, de Chen Quanguo, le nouveau secrétaire du parti au Xinjiang ; plus de 90 000 postes liés à la sécurité ont ainsi été annoncés en l’espace d’un an. En octobre 2016, ils ont relayé de nombreuses informations faisant état de la confiscation de passeports ouïghours par les autorités de la région dans le but d’entraver davantage encore le droit de circuler librement.

En mars 2017, les autorités du Xinjiang ont adopté le « Règlement de lutte contre l’extrémisme », qui définit et interdit un large éventail de comportements qualifiés d’« extrémistes », tels que la « diffusion de pensées extrémistes », le fait de critiquer ou de refuser d’écouter ou de regarder des émissions de la radio et de la télévision publiques, le port de la burqa, le port d’une barbe « anormale », le fait de s’opposer aux politiques nationales, et la publication, le téléchargement, le stockage et la lecture d’articles, de publications ou de matériel audiovisuel présentant un « contenu extrémiste ». Cette réglementation a en outre instauré un « système de responsabilisation » destiné aux cadres du gouvernement pour les activités de « lutte contre l’extrémisme », et mis en place une évaluation annuelle de leurs performances.

Selon Radio Free Asia, les autorités chinoises ont commencé en mai 2017 à contraindre des Ouïghours étudiant dans des universités à l’étranger à rentrer en Chine. Début juillet 2017, quelque 200 Ouïghours ont été arrêtés en Égypte sur ordre des autorités chinoises, et l’on reste sans nouvelles de 16 d’entre eux qui ont été renvoyés de force dans leur pays.

Les autorités chinoises ont nié l’existence des camps de « transformation par l’éducation » jusqu’en octobre 2018, et lorsqu’elles l’ont finalement admise, elles ont affirmé qu’il s’agissait de « centres de formation professionnelle ». Selon elles, l’objectif de cette formation est de fournir des enseignements techniques et professionnels aux personnes pour leur permettre de trouver un emploi et de devenir des citoyens « utiles ». Les explications de la Chine, cependant, contredisent les informations recueillies par Amnesty International auprès d’anciens détenus faisant état de coups, de privation de nourriture et de détention à l’isolement.

Amnesty International demeure également préoccupée par le secret qui entoure le recours à la peine de mort au Xinjiang, dans le contexte des mesures de sécurité renforcées appliquées dans le cadre des campagnes visant à « frapper fort ». Ces campagnes impliquent généralement une augmentation du recours à la peine de mort, et des universitaires ont critiqué la procédure appliquée à cause de l’absence de garanties en matière d’équité des procès et du risque d’« exécutions injustifiées » qu’elle implique.
Dans une enquête approfondie publiée en avril 2017 et intitulée China’s Deadly Secrets, Amnesty International montre que les autorités chinoises, qui prétendent pourtant améliorer la transparence du système judiciaire, ont instauré un dispositif complexe pour masquer l’ampleur réelle des exécutions.

Au cours de cette enquête, l’organisation a découvert que plusieurs centaines d’exécutions rapportées par les médias publics ne figurent pas sur China Judgements Online, la base de données nationale de la justice accessible sur Internet, alors que ces cas devraient y être recensés au regard de la réglementation chinoise. Étaient tout particulièrement concernées les affaires portant sur la région du Xinjiang où l’accusé encourt la peine de mort.

Amnesty International est opposée en toutes circonstances et de manière inconditionnelle à la peine de mort, qui constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie. Elle milite depuis plus de 40 ans en faveur de l’abolition de ce châtiment dans le monde entier.

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