Écrire Recommandation de clémence par le comite des grâces : au gouverneur de se prononcer

Le comité des grâces et des libérations conditionnelles de l’Ohio a annoncé le 16 mars qu’il avait décidé de recommander au gouverneur de cet État de commuer la condamnation à mort de William Montgomery. Le gouverneur peut accepter ou rejeter cette recommandation. L’exécution demeure programmée pour le 11 avril.

Le 8 mars 2018, le Comité des grâces et des libérations conditionnelles de l’Ohio a tenu une audience consacrée au recours en grâce de William Montgomery. Plusieurs éléments lui ont été soumis, notamment le fait que le ministère public avait dissimulé un rapport de police indiquant que la victime, Debra Ogle, avait été vue vivante par plusieurs de ses amis quatre jours après la date où l’accusation affirmait que William Montgomery l’avait tuée. Il a également examiné les témoignages faisant état de la confusion de certains jurés lors du procès, décrite dans des déclarations sous serment signées à la suite du jugement par deux d’entre eux, qui reconnaissaient avoir eu des difficultés à comprendre la loi et la façon de l’appliquer à leur prise de décision pour le verdict et la condamnation.

Un autre problème invoqué en appel, et à nouveau lors de l’audience consacrée au recours en grâce, concernait une personne qui avait été autorisée à faire partie du jury malgré des signes montrant qu’elle était mentalement inapte à ces fonctions.

Par six voix à quatre, le Comité a décidé de recommander au gouverneur Kasich de commuer la condamnation à mort en peine de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Dans le compte rendu d’audience publié le 16 mars, les six membres majoritaires ont précisé que les doutes exprimés par et sur d’anciens jurés étaient l’une des raisons qui les avaient poussés à voter en faveur d’une mesure de clémence. Associé à la dissimulation du rapport de police par le ministère public, ont-ils écrit, cet élément portait à se poser « la question essentielle de savoir si la condamnation à mort de M. Montgomery avait été prononcée à l’issue de la procédure juste et crédible que requiert une peine aussi lourde ».

En 2011, la cour fédérale d’appel du sixième circuit a annulé la décision d’une cour fédérale de district ordonnant un nouveau procès. Trois des cinq juges de cette instance qui ont rendu un avis minoritaire ont estimé que les éléments pesant contre William Montgomery étaient « tout sauf » solides. Les deux autres ont fait valoir que la décision de la majorité « dissuadait les procureurs de se conformer à la loi » », que « personne n’a[vait] contesté sérieusement le fait que le procureur avait supprimé la preuve tout simplement parce qu’elle était incompatible avec sa vision de l’affaire » et que William Montgomery avait « droit à un procès devant jury exempt de faute grave de la part du ministère public ».

Ils ont ajouté :« On ne peut que se demander si, dans le cas où son avocat aurait eu connaissance de l’existence de solides éléments à décharge, comme les déclarations des témoins qui ont vu [Debra] Ogle quelques jours après celui où l’accusation a soutenu qu’elle avait été assassinée (et dans le cas où l’avocat les aurait combinés avec d’autres preuves, comme le rapport du coroner indiquant que Mme Ogle était morte le jour où elle aurait été vue, et non plusieurs jours auparavant), l’issue de l’affaire aurait pu être différente. Nous ne le saurons jamais, car le ministère public a fait le nécessaire pour que cela ne soit pas le cas ».

Le 8 mars 1986, le corps sans vie de Cynthia Tincher a été découvert dans sa voiture à Toledo (Ohio). Le même jour, Debra Ogle, sa colocataire, a été portée disparue. Son corps a été trouvé le 12 mars dans une zone boisée à Toledo. Les deux femmes avaient été tuées par balle. William Montgomery et Glover Heard ont tous deux été poursuivis pour ces deux meurtres. Glover Heard a échappé à la peine capitale en plaidant coupable de complicité de meurtre en contrepartie d’un témoignage à charge contre son coaccusé et d’une peine comprise entre 15 ans de prison et la réclusion à perpétuité.

William Montgomery a été jugé en septembre 1986. L’accusation a soutenu qu’il avait tué Debra Ogle le 8 mars lors d’un vol à main armée, puis abattu Cynthia Tincher pour l’empêcher de dire qu’il avait été présent sur les lieux. Le jury a déclaré William Montgomery coupable du meurtre avec circonstances aggravantes de Debra Ogle et du meurtre de Cynthia Tincher. William Montgomery a été condamné à mort pour le meurtre de Debra Ogle et à une peine comprise entre 15 ans de prison et la réclusion à perpétuité pour celui de Cynthia Tincher.

Six ans plus tard, un rapport de police a été mis au jour. Il indiquait que Debra Ogle avait été vue vivante par plusieurs de ses amis tôt dans la matinée du 12 mars 1986, soit quatre jours après la date à laquelle, selon l’accusation, elle avait été tuée par William Montgomery. En 2007, un juge d’une cour fédérale de district a estimé que le rapport de police aurait « fortement remis en cause la crédibilité de Glover Heard et réduit à néant la chronologie de l’affaire établie par l’accusation », ainsi que la « thèse de l’accusation quant au mobile de William Montgomery pour tuer Cynthia Tincher ». Il a ordonné aux autorités de rejuger William Montgomery.

Le ministère public a fait appel. Un collège de trois juges de la cour d’appel du sixième circuit, par deux voix contre une, a confirmé la décision d’ordonner la tenue d’un nouveau procès, au motif que le rapport de police jetait le doute sur le bien-fondé de la déclaration de culpabilité comme de la peine. Le ministère public a de nouveau fait appel. En 2011, cette même cour d’appel, en séance plénière, a annulé la décision de la cour fédérale de district. Cinq des 15 juges ont émis une opinion dissidente. Si trois juges avaient voté pour, William Montgomery aurait probablement bénéficié d’un nouveau procès. En mai 2012, la Cour suprême des États-Unis, sans faire de commentaire, a refusé d’examiner l’affaire.

Alors que l’accusation a cherché à jeter le doute sur les témoignages figurant dans le rapport de police selon lesquels Debra Ogle avait été vue le 12 mars 1986, les avocats de William Montgomery, en 2012, ont obtenu un rapport d’enquête dans lequel des experts médico-légaux concluaient : « Il existe quantité d’éléments tendant à confirmer l’hypothèse selon laquelle la victime, Debra Ogle, est morte aux environs du 12 mars 1986 ». Des éléments médico-légaux mettant en doute la théorie de l’accusation selon laquelle Debra Ogle avait été tuée le 8 décembre ont également été présentés au Comité des grâces et des libérations conditionnelles de l’Ohio.

Depuis 1973, aux États-Unis, plus de 160 erreurs judiciaires dans des affaires de crimes passibles de la peine capitale ont été découvertes, dont neuf dans l’Ohio. Des fautes de la police et du ministère public, ainsi qu’une défense inadéquate, ont souvent contribué à de telles erreurs. En 2015, dans une opinion dissidente, deux juges de la Cour suprême des États-Unis ont écrit : « Les crimes dont il est question dans les affaires où l’accusé encourt la peine de mort » peuvent « donner lieu à une intense pression exercée par la collectivité sur la police, les procureurs et les jurés pour obtenir une condamnation. Du fait de cette pression, le risque de condamner une personne qui n’est pas la bonne est plus élevé ». Les deux juges ont ajouté que la fréquence à laquelle la peine de mort avait été « prononcée à tort » était « frappante », et constituait une des raisons pour lesquelles la Cour devait réexaminer la constitutionnalité de la peine de mort elle-même.

Depuis la reprise des exécutions judiciaires aux États-Unis en 1977, après l’approbation de la nouvelle législation relative à la peine capitale par la Cour suprême en 1976, 1 471 personnes ont été exécutées dans ce pays, dont 55 dans l’État de l’Ohio. Depuis le début de l’année 2018, les autorités américaines ont procédé à six exécutions. Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances. À l’heure actuelle, 142 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique.

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