Écrire La Russie doit libérer un défenseur des droits humains emprisonné

Le défenseur des droits humains Server Mustafaïev, qui a souffert d’une infection respiratoire virale pendant près d’un mois, est aujourd’hui rétabli. Pendant la période où il était malade, il n’a pas reçu les soins médicaux nécessaires et a dû continuer de comparaître devant le tribunal.

Son procès devant un tribunal militaire russe a été renvoyé à une date ultérieure et il est actuellement toujours en détention.

La santé de Server Mustafaïev reste fragile, ce qui le rend particulièrement vulnérable au COVID-19.

Cet homme est un prisonnier d’opinion et doit par conséquent être libéré immédiatement et sans conditions.

Les personnes qui s’opposent à l’occupation et à l’annexion illégale de la péninsule de Crimée par la Russie et aux violations des droits humains qui y sont commises depuis 2014 sont victimes de persécutions ; elles sont notamment harcelées, visées par des manœuvres d’intimidation, poursuivies en justice sur la base d’accusations mensongères et soumises à des disparitions forcées. Les observateurs internationaux des droits humains n’ont pas accès à la Crimée et les médias indépendants sont soit interdits soit contraints de fermer.

Server Mustafaïev est le fondateur et le coordonnateur du mouvement citoyen Solidarité criméenne dans la Crimée occupée par la Russie. Ce mouvement a été créé le 9 avril 2016 en réaction aux persécutions politiques et religieuses exercées par les autorités russes contre les Tatars de Crimée, entre autres. Il rassemble des militant·e·s, des avocat·e·s et des proches de personnes qui ont été arrêtées et poursuivies en justice, pour les aider à avoir accès à une assistance judiciaire, financière, médicale et à toute autre forme d’aide essentielle. En l’absence de liberté des médias et compte tenu des persécutions exercées contre toutes les voix dissidentes en Crimée depuis son annexion illégale par la Russie en 2014, ce mouvement s’efforce également d’attirer l’attention sur les violations des droits humains commises de façon persistante en Crimée.

Le 21 mai 2018, des agents du Service fédéral de sécurité (FSB) russe ont fouillé le domicile de Server Mustafaïev à Bakhtchyssaraï, une ville située dans le sud de la Crimée. Server Mustafaïev a ensuite été emmené au siège local du FSB à Simferopol, la capitale de la Crimée, et inculpé d’« appartenance à une organisation terroriste » (2e partie de l’article 205.5 du Code pénal russe) en raison de prétendus liens avec Hizb ut Tahrir, une organisation islamique internationale interdite en Russie car considérée comme « terroriste », mais légale en Ukraine. Les membres de cette organisation n’ont pas commis d’actes de violence ni prôné la violence en Crimée, ni avant ni après l’annexion de la péninsule en 2014. L’appartenance prétendue à Hizb ut Tahrir est utilisée comme prétexte par les autorités russes en Crimée occupée pour poursuivre en justice des personnes exprimant des voix dissidentes, comme le défenseur des droits humains Emir Ousseïn Koukou.

Le 22 mai 2018, un tribunal de Simferopol a ordonné le placement de Server Mustafaïev en détention provisoire, détention qui a depuis été prolongée à plusieurs reprises. Son avocate a déclaré à Amnesty International que le seul élément de preuve existant contre lui était un enregistrement audio de brefs commentaires de sa part, notamment une question qu’il a posée lors d’une conférence religieuse dans une mosquée, à Bakhtchyssaraï, le 2 décembre 2016. Il a demandé s’il était possible d’aimer une personne « en général » tout en haïssant cette même personne en raison d’une chose qu’elle a faite en particulier, puis a précisé sa pensée, sans que rien dans ses propos ne puisse être considéré comme une incitation à la haine ou à la violence. Cette conférence avait rassemblé environ 70 personnes et avait été annoncée publiquement.

L’enquête a pourtant conclu que Server Mustafaïev avait participé à un rassemblement secret d’Hizb ut Tahrir. Le 22 février, il a en outre été inculpé de « conspiration en vue de prendre le pouvoir par la violence » (article 278 du Code pénal russe). L’enquête n’a pas permis de fournir la preuve qu’il ait commis une quelconque infraction reconnue par le droit international. Server Mustafaïev nie avoir participé à quelque activité « terroriste » que ce soit. Les charges retenues contre lui pourraient entraîner sa condamnation à une peine allant jusqu’à 25 ans d’emprisonnement. Sept autres hommes ont été inculpés d’infractions liées au terrorisme dans le cadre de cette affaire. Marlen Assanov, Timour Ibragimov, Server Zekeriaïev, Seïran Saliïev, Ernest Ametov et Memet Belialov ont été arrêtés le 11 octobre 2017.

Edem Smaïlov a été arrêté le 21 mai 2018. Ils ont tous été incriminés sur la base de l’enregistrement de leurs interventions lors de la conférence de décembre 2016 à la mosquée de Bakhtchyssaraï et d’autres rassemblements.La première audience dans l’affaire concernant Server Mustafaïev devait avoir lieu le 17 septembre 2019 devant le tribunal militaire du district du Sud (anciennement du Caucase du Nord), à Rostov-sur-le-Don, dans le sud-ouest de la Russie. Le 12 septembre 2019, Server Mustafaïev a été transféré de Crimée en Russie, mais au lieu d’être emmené à Rostov-sur-le-Don, il a été conduit à Krasnodar et incarcéré dans le centre de détention provisoire SIZO-1 le 13 septembre. Le 3 novembre, il a été transféré au centre de détention provisoire SIZO-1 de Rostov-sur-le-Don et son procès a commencé peu après.

Le 3 mars 2020, Server Mustafaïev s’est senti mal au cours d’une audience, mais le juge a refusé ses demandes répétées de prise en charge médicale. Le 4 mars, il a commencé à avoir une forte fièvre et des symptômes d’infection respiratoire virale, qu’il a signalés à l’administration pénitentiaire. Il a continué de se plaindre des mêmes symptômes lors des audiences suivantes qui se se sont tenues en mars, mais il n’a jamais été transféré dans un centre médical susceptible de poser un diagnostic et de lui fournir un traitement approprié.

Le fait de ne pas prodiguer de soins médicaux adéquats à des prisonniers peut constituer une violation de l’interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment aux termes de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

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