Écrire Un autre défenseur de l’environnement a été tué

En moins d’une semaine, deux membres du Mouvement Ríos Vivos ont été tués dans le département d’Antioquia, en Colombie. D’autres membres du Mouvement Ríos Vivos Antioquia qui continuent de manifester contre le projet hydroélectrique d’Hidroituango sont menacés.

Le 8 mai, Luis Alberto Torres Montoya, 35 ans, et son frère Duvián Andrés Correa Sánchez ont été tués par des inconnus dans le secteur d’El Pescadero, alors qu’ils travaillaient dans un champ. Membre actif de sa communauté, Luis Torres faisait partie de l’Association des mineurs et pêcheurs artisanaux de Puerto Valdivia et du Mouvement Ríos Vivos Antioquia (MRVA). Il a été tué six jours après que des inconnus ont tué Hugo Albeiro George Pérez à Puerto Valdivia, alors que les habitants préparaient une nouvelle manifestation contre le projet hydroélectrique d’Hidroituango, pour dénoncer les dégâts que le barrage a provoqués dans la région. Luis Torres et Hugo George s’étaient tous deux publiquement opposés à la construction du barrage et avaient demandé une indemnisation en 2013 pour les familles affectées, car la construction d’une route reliant ce barrage à Puerto Valdivia a entravé le quotidien de paysans et leurs activités agricoles.

Les fortes pluies ont bloqué un tunnel construit dans le cadre du projet hydroélectrique pour détourner la rivière Cauca. Cela a provoqué une montée des eaux qui, selon le Mouvement Ríos Vivos, a entraîné des inondations dans les communautés alentour. L’entreprise Empresas Públicas de Medellín (EPM), qui est responsable du projet de construction du barrage, a déclaré que le tunnel allait être vidé en inondant la zone où se trouve la salle de contrôle. Le Mouvement Ríos Vivos a déclaré que même lorsque le tunnel serait débloqué, il y aurait toujours un risque de montée des eaux qui pourrait toucher des communautés vivant plus loin le long de la rivière.

Des membres du Mouvement Ríos Vivos ont indiqué à Amnesty International que les autorités gouvernementales continuaient de discréditer leur travail. Le ministère de l’Intérieur, qui est responsable du Plan collectif de prévention et de protection pour les membres de Ríos Vivos, n’a pas pris de mesures spécifiques dans le but de mettre en œuvre le plan collectif de protection. Ils ont également déclaré que les autorités refusaient de reconnaître la situation difficile dans laquelle vivent les habitants de la région et la menace que les inondations représentent pour l’environnement. Le Mouvement Ríos Vivos demande aux autorités régionales de déclarer une urgence sociale et environnementale dans la région.

Le 2 mai, des inconnus ont tué Hugo Albeiro George Pérez, 47 ans, membre de l’Association pour les victimes et autres personnes affectées par les mégaprojets, qui fait partie du Mouvement Ríos Vivos Antioquia. Deux hommes armés à moto lui ont tiré dessus à deux reprises alors qu’il se trouvait dans un café de Puerto Valdivia, dans le nord du département d’Antioquia. Il a succombé à ses blessures. Domar Egidio Zapata George, 23 ans, le neveu de Hugo George, a également été tué lors de l’attaque. Ces événements ont eu lieu le même jour qu’une journée de manifestation organisée par Ríos Vivos. Quelque 160 personnes s’étaient rassemblées pour exprimer leurs préoccupations face au risque d’inondations et d’avalanches près de chez elles.

Des membres du Mouvement Ríos Vivos ont déclaré à Amnesty International qu’en dépit d’une présence policière, après l’homicide de Hugo George, les autorités n’ont pas restreint l’accès à la scène du crime, et que le corps de la victime a été déplacé sans que le protocole médicolégal ne soit observé. Ils ont par ailleurs dénoncé le fait que le gouverneur et la police du département d’Antioquia ont nié, lors de déclarations publiques, qu’il était un des dirigeants de ce mouvement. Les autorités régionales ont précédemment essayé de décrédibiliser le mouvement Ríos Vivos.

La construction du projet hydroélectrique d’Hidroituango a commencé en 2010. Le barrage se situe sur la rivière Cauca, dans le département d’Antioquia, en Colombie. Une des activités annoncées pour ce projet prévoit le « détournement provisoire de la rivière Cauca », entre autres. Selon Ríos Vivos, plus de 500 familles ont été déplacées à ce jour en raison de ce projet. Même l’évaluation de l’impact environnemental du projet commandée par Hidroituango indique que les municipalités d’Orobajo et de Barbacoas « seront complètement inondées ».

La construction du barrage a été confiée à EPM Ituango, un consortium regroupant l’entreprise Empresas Públicas de Medellín (EPM) et le gouvernement d’Antioquia. Le projet est également partiellement financé par la Banque interaméricaine de développement. EPM souhaite remplir le barrage le 1er juillet 2018 afin de pouvoir commencer les opérations avant le 30 novembre.

Ríos Vivos a indiqué que 151 agressions avaient eu lieu contre des membres de l’association, et que trois membres avaient été tués dans le contexte des manifestations contre ce projet hydroélectrique. Deux autres tentatives d’homicide auraient eu lieu contre des membres de Ríos Vivos, et plus de 60 cas de menaces ont été enregistrés.

Le 20 avril 2018, 25 membres du Parlement européen ont envoyé une lettre aux autorités colombiennes afin d’exprimer leur inquiétude quant à la situation des habitants de la zone avant le remplissage imminent du barrage. Ils ont déploré le fait que ce barrage soit situé dans une zone où sont présentes des fosses communes et d’autres restes humains ensevelis. À ce jour, 159 corps ont déjà été exhumés, mais il est fort probable que de nombreux autres corps soient retrouvés sur place.

Un Plan collectif de prévention et de protection a été adopté en faveur des membres du Mouvement Ríos Vivos en 2013 ; cependant, à ce jour, les autorités n’ont toujours pas procédé à la mise en œuvre du plan. Un groupe de députés suédois ont à cet effet envoyé une lettre sollicitant l’application du plan.

Selon l’organisation non gouvernementale Somos Defensores, plus de 40 défenseur-e-s des droits humains ont été tué-e-s en Colombie depuis le début de l’année.

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