Écrire Un avocat détenu pour « incitation à la subversion »

L’avocat spécialisé dans la défense des droits humains à Pékin, Yu Wensheng, a été placé « en résidence surveillée dans un lieu désigné » car il est soupçonné d’« incitation à la subversion de l’État ». Détenu au secret, il n’est pas autorisé à consulter un avocat ni à communiquer avec sa famille, et risque de subir des actes de torture ou d’autres mauvais traitements.

Yu Wensheng, éminent avocat spécialisé dans la défense des droits humains à Pékin, a été arrêté par la police près de chez lui alors qu’il allait déposer son fils de 13 ans à l’école. Accusé d’avoir « cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public », il a été emmené par la police pour être interrogé le 19 janvier 2018.

Détenu par la police, Yu Wensheng a été inculpé d’avoir « perturbé un service public » et a été placé en détention au centre du district de Shijingshan à Pékin. Depuis, au moins cinq avocats ont tenté de se rendre au poste de police pour rencontrer Yu Wensheng, mais la police a rejeté leur requête sans fournir d’explication. Son épouse, Xu Yan, a tenté à plusieurs reprises de lui déposer de l’argent afin qu’il s’achète de la nourriture supplémentaire et d’autres produits, mais la police a rejeté sa requête, toujours sans fournir d’explication.

Le 27 janvier, vers 21 heures, une vingtaine de policiers du poste de Shijingshan à Pékin et Xuzhou, dans la province du Jiangsu, ont effectué une descente au domicile de Yu Wensheng. Vers minuit, Xu Yan a été emmenée pour des soupçons d’« incitation à la subversion de l’État » et interrogée, avant d’être relâchée le jour même vers 16 heures. Sa maison et le bureau de Yu Wensheng ont fait l’objet de perquisitions le 28 janvier et les policiers ont saisi des documents et le téléphone portable de Xu Yan.

Le Bureau de la Sécurité publique du district de Tongshan, à Xuzhou, dans la province du Jiangsu, a délivré un avis à sa famille le 27 janvier, les informant que Yu Wensheng avait été placé « en résidence surveillée dans un lieu désigné », mais aucune information n’a été donnée quant au lieu où il est détenu.

Yu Wensheng est un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression. Néanmoins, le Code de procédure pénale de la République populaire de Chine autorise la police à refuser tout contact avec un avocat pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois dans les affaires impliquant une « atteinte à la sécurité nationale », ce qui accroît le risque qu’il soit torturé ou subisse des mauvais traitements.

Le 15 janvier 2018, quatre jours avant qu’il ne soit emmené par la police dans son lieu de détention actuel, Yu Wensheng a reçu une lettre du Bureau de la Justice de la municipalité de Pékin l’informant que sa licence d’avocat avait été suspendue parce qu’il n’avait pas été employé par un cabinet d’avocats enregistré depuis plus de six mois. Il a également reçu une lettre du Bureau datée du 12 janvier, l’informant que sa demande d’ouverture d’un nouveau cabinet d’avocats avait été rejetée car il avait fait plusieurs commentaires critiquant le Parti communiste et portant atteinte au régime de « l’état de droit socialiste » du pays.

Yu Wensheng est un éminent avocat spécialiste des droits humains à Pékin. Il a plaidé dans plusieurs affaires très médiatisées liées aux droits humains, et a notamment défendu des adeptes du Fa Lun Gong ainsi que son collègue avocat défenseur des droits humains Wang Quanzhang, détenu et inculpé de « subversion de l’État » durant la répression massive visant les avocats et les militants en juillet 2015, et le seul dont on ignore encore où il est détenu.
Yu Wensheng a été détenu pendant 99 jours en 2014, et a plus tard déclaré à Amnesty International qu’il avait été torturé pendant cette période. Le 13 octobre 2014, il a été arrêté par le Bureau de la Sécurité publique de Daxing, à Pékin, après avoir fait part de son soutien aux manifestations pro-démocratie à Hong Kong. Il a été enfermé avec des condamnés à mort pendant 61 jours et interrogé environ 200 fois.

Il n’a pas été autorisé à consulter un avocat durant cette détention et avait 10 agents de la Sécurité publique chargés de l’interroger chaque jour, en trois équipes. Au début, les agents se sont contentés de l’insulter. Puis ils l’ont menotté, les mains derrière le dossier d’une chaise métallique. Les muscles et les articulations de son corps étaient complètement étirés. Il a déclaré que deux policiers tiraient d’un coup sec sur les menottes, ce qui le faisait hurler de douleur à chaque fois.
Yu Wensheng a été brièvement détenu en octobre 2017 après avoir écrit une lettre ouverte qualifiant le président Xi Jinping de mal placé pour diriger la Chine du fait du durcissement de son régime « totalitaire » dans le pays. Selon sa famille et ses amis, Yu Wensheng est actuellement détenu en raison de cette lettre ouverte.

Le 23 janvier 2018, le site d’information basé à Shanghai The Paper a publié un article comportant une video grossièrement montée, qui affirmait qu’un avocat du nom de Yu avait agressé deux policiers alors qu’il résistait à son arrestation, le 19 janvier. L’article a été largement diffusé sur les portails de recherche d’information et les plateformes de réseaux sociaux en Chine, car le nom de Yu Wensheng a été mentionné dans des tweets et des posts venant de comptes de réseaux sociaux non identifiés. Il s’agit sans doute d’une manoeuvre visant à le discréditer en se servant de méthodes qui ont déjà été utilisées dans d’autres affaires d’avocats et de militants détenus.

Le placement en détention de l’avocate Wang Yu et de sa famille le 9 juillet 2015 a marqué le début d’une répression sans précédent de la part du gouvernement contre les avocats spécialistes des droits humains et d’autres militants. Dans les semaines qui ont suivi, près de 250 avocats et militants ont été interrogés ou détenus par des agents chargés de la sûreté de l’État et, dans de nombreux cas, des perquisitions ont été effectuées à leur bureau et à leur domicile.

En décembre 2017, neuf personnes avaient été reconnues coupables de « subversion de l’État », d’« incitation à la subversion de l’État » et d’avoir « cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public ». Cinq d’entre elles demeurent incarcéréss, trois ont été condamnéss à des peines de prison avec sursis et la dernière a été « exemptés de sanction pénale » tout en demeurant sous surveillance. L’avocat Wang Quanzhang a été inculpé et attend son procès. Il est détenu au secret sans pouvoir consulter d’avocat et risque de subir des actes de torture ou d’autres mauvais traitements.

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