Écrire Un homme emprisonné pour des messages en ligne

L’enseignant tunisien Abdelfattah Said a été condamné à un an de prison en raison d’une vidéo qu’il a publiée dans les réseaux sociaux. Ses avocats ont déposé un recours et attendent qu’une date soit fixée pour l’audience en appel.

Le 26 novembre 2015, le professeur de mathématiques Abdelfattah Said a été condamné à un an d’emprisonnement et une amende de 2 000 dinars tunisiens (soit environ 900 euros) pour avoir « propagé, sciemment, de fausses nouvelles, dans le but de faire croire à un attentat » au titre de l’article 306 ter du Code pénal tunisien. Des accusations de terrorisme avaient été portées contre lui mais elles ont été abandonnées. Cet homme a été acquitté du chef d’inculpation de « diffamation d’un fonctionnaire ».

Abdelfattah Said a été arrêté le 7 juillet 2015 par la police antiterroriste en raison d’une vidéo qu’il avait publiée sur sa page Facebook, dans laquelle il déclarait que l’attentat perpétré en juin à Sousse – qui a coûté la vie à 38 touristes – avait été orchestré par les forces de sécurité afin de réprimer les opposants au gouvernement et de fermer des mosquées. Cet enseignant a été accusé de « complicité de terrorisme ou incitation au terrorisme » au titre de la Loi antiterroriste de 2003, de « diffamation d’un fonctionnaire » et d’avoir « propagé, sciemment, de fausses nouvelles, dans le but de faire croire à un attentat » au titre des articles 128 et 306 ter du Code pénal. Il risquait alors une peine maximale de 19 ans d’emprisonnement.

Ses avocats ont argué qu’il n’avait fait que commenter l’attaque à Sousse et qu’il n’avait pas créé ou sciemment diffusé de « fausses nouvelles ». Ils ont déposé un recours et attendent qu’une date soit fixée pour l’audience en appel. Abdelfattah Said est détenu à la prison d’Al Mornaguia. On ignore s’il y reçoit des soins médicaux pour ses problèmes de dos.

Abdelfattah Said est professeur de mathématiques, programmeur et poète. Il a été récompensé par de nombreux prix, dont celui de l’Enseignant innovant décerné par le ministère de l’Éducation à Tunis en 2009 et le prix Sheikh Khalifa pour l’éducation des enfants qui lui a été remis aux Émirats arabes unis en 2012.

Cet homme s’est présenté au poste de police d’Al Gorjani le 15 juillet 2015, après avoir été convoqué pour interrogatoire par les services de police antiterroriste au sujet d’une vidéo qu’il avait publiée sur sa page Facebook. Les policiers lui ont dit qu’il pourrait rentrer chez lui le soir même, mais il est resté là-bas pendant une semaine avant d’être transféré vers la prison d’Al Mornaguia, à Tunis.

La Ligue tunisienne des droits de l’homme, membre du Quartet du dialogue national – qui a reçu un prix Nobel – lui a rendu visite le 7 octobre.

Abdelfattah Said a été inculpé au titre de l’article 18 de la Loi antiterroriste de 2003, qui dispose : « Est puni de cinq à douze ans d’emprisonnement et d’une amende de cinq mille à vingt mille dinars quiconque procure un lieu de réunion aux membres d’une organisation, entente ou personnes en rapport avec des infractions terroristes, aide à les loger ou les cacher ou favoriser leur fuite, ou leur procurer refuge, ou assurer leur impunité, ou bénéficier du produit de leurs méfaits. » Il a également été accusé d’avoir imputé « par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité [...] à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité » et « propagé, sciemment, de fausses nouvelles, dans le but de faire croire à un attentat », au titre des articles 128 et 306 ter du Code pénal respectivement.

L’article 31 de la nouvelle Constitution tunisienne et l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Tunisie est partie, garantissent le droit à la liberté d’expression, qui comprend le droit de dénoncer les actions des agents et institutions de l’État. Selon le Comité des droits de l’homme des Nations unies, organe qui contrôle le respect du PIDCP, les personnalités et les institutions publiques doivent montrer une plus grande tolérance vis-à-vis des critiques que les personnes privées. Cela signifie que les lois pénales ou autres qui accordent aux agents de l’État une protection spéciale en la matière ne sont pas compatibles avec le respect de la liberté d’expression. Ce droit peut faire l’objet de certaines restrictions si celles-ci sont manifestement nécessaires et proportionnées pour protéger certains intérêts publics ou les droits d’autrui. Néanmoins, en l’absence d’intention de nuire et de conséquences néfastes, la « diffusion de fausses nouvelles » ne doit pas être considérée comme une infraction. Dans tous les cas, l’emprisonnement pour ce seul motif constitue une restriction disproportionnée du droit à la liberté d’expression. Amnesty International a dénoncé à maintes reprises le recours des autorités tunisiennes aux accusations de diffamation contre leurs détracteurs, les journalistes, les blogueurs et les artistes, et les appelle à réviser et modifier les textes de loi, y compris le Code pénal, qui limitent la liberté d’expression.

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