Écrire Un militant incarcéré de force dans un hôpital psychiatrique

Ilmi Oumerov, prisonnier d’opinion, a été envoyé dans une institution psychiatrique le 18 août « pour y subir des examens ». Il s’y trouve toujours, contre son gré, et fait actuellement l’objet d’une enquête pour son action pacifique contre l’occupation de la Crimée par la Russie. Il encourt une peine de prison s’il est déclaré coupable. Son état de santé suscite des inquiétudes.
Ilmi Oumerov, 59 ans, est un militant tatar de Crimée et le président adjoint du Mejlis, un organe représentatif élu par les Tatars de Crimée. Il se déclare régulièrement et publiquement contre l’occupation de la Crimée par la Russie ayant commencé en 2014. Cette année, s’exprimant à la télévision, Ilmi Oumerov a demandé que les sanctions internationales contre la Russie « soient intensifiées afin de la forcer à quitter la Crimée et le Donbass ».

Le 12 mai, le Service fédéral de contre-espionnage (FSK) russe a ouvert une enquête contre Ilmi Oumerov en vertu de l’article 280.1(2) du Code pénal (« appels à la violation de l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie par le biais des grands médias et d’Internet »). Dans un premier temps, sa liberté de mouvement a été restreinte, puis le 11 août, le tribunal du quartier de Kivski, à Simferopol, a ordonné qu’il soit forcé à subir des examens psychiatriques. Le recours formé par ses avocats contre cette décision n’a toujours pas été examiné.

Quoi qu’il en soit, le 18 août, Ilmi Oumerov a été arrêté par des agents du FSK dans un hôpital où il recevait des soins en urgence pour des problèmes d’hypertension, puis il a été transféré de force à l’hôpital psychiatrique n° 1 de Simferopol. Le premier jour de son internement dans cet établissement, il n’a pas été autorisé à communiquer avec sa famille et ses avocats. L’hôpital limite sa capacité à utiliser son téléphone portable ainsi que le nombre de conversations privées qu’il peut avoir avec ses visiteurs, notamment sa famille et ses avocats.

La famille d’Ilmi Oumerov s’inquiète pour sa santé. Il est diabétique, est atteint de la maladie de Parkinson et souffre d’autres problèmes de santé. Sa famille craint qu’il ne reçoive pas les soins médicaux dont il a besoin.

Ilmi Oumerov est né en Ouzbékistan de parents tatars de Crimée qui avaient été expulsés de Crimée par les autorités soviétiques en 1944. Après que les Tatars de Crimée ont commencé à retourner dans la péninsule à la fin des années 80, Ilmi Oumerov est devenu une figure importante du mouvement culturel tatar en Crimée, ainsi qu’un politicien au niveau local. En août 2014, après l’occupation et l’annexion de la péninsule par la Russie, il a quitté ses fonctions de responsable de l’administration locale du district de Bakhtchyssaraï en signe de protestation. Il continue à se prononcer haut et fort contre l’annexion, et réclame de manière pacifique le retour de la Crimée au sein de l’Ukraine.

Des membres du Mejlis des Tatars de Crimée ont été la cible des représailles, notamment de manœuvres de harcèlement, d’un exil forcé et de poursuites pénales en relation avec leur opposition déclarée à l’occupation et l’annexion de la Crimée par la Russie. Le 26 avril 2016, la Cour suprême de Crimée a déclaré que le Mejlis était une « organisation extrémiste » aux termes de la législation russe, faisant donc du statut de membre et des futures activités de l’assemblée des infractions pénales. Le recours formé contre cette décision n’a pas été examiné (voir le communiqué de presse : https://www.amnesty.org/fr/press-releases/2016/04/ban-on-ethnic-crimean-tatar-assembly-aimed-at-snuffing-out-dissent/).

Amnesty International a recensé un nombre alarmant de violations des droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association en Crimée depuis son annexion par la Russie en mars 2014 (voir le rapport intitulé One year on : Violations of the rights to freedom of expression, assembly and association in Crimea, https://www.amnesty.org/fr/documents/eur50/1129/2015/en/). Plusieurs Tatars de Crimée et d’autres militants pro-Ukraine ont par ailleurs été soumis à une disparition forcée. Cas le plus récent, Ervine Ibraguimov, militant tatar de Crimée, a disparu près de son domicile le 24 mai 2016 (Voir l’Action urgente diffusée en sa faveur : https://www.amnesty.org/fr/documents/eur50/4121/2016/fr/). Des images de vidéosurveillance filmées à proximité ont montré un groupe d’hommes le forçant à entrer dans une camionnette et le véhicule s’éloigner. Aucune de ces disparitions n’a fait l’objet d’une enquête digne de ce nom.

Aux termes du droit international et des normes connexes, la privation de liberté en cas de pathologie mentale n’est justifiée que si elle est absolument nécessaire pour protéger la personne concernée ou des tiers. Aucun élément n’indique qu’Ilmi Oumerov représente une menace pour lui-même ou les autres, et son internement psychiatrique forcé semble avoir pour but de le sanctionner pour son militantisme politique.

La Convention relative aux droits des personnes handicapées interdit de priver une personne de liberté au seul motif qu’elle est handicapée, y compris si elle souffre de troubles mentaux ou d’une déficience intellectuelle. En outre, le rapporteur spécial sur la torture a indiqué que tout traitement médical administré en l’absence d’un consentement libre et éclairé pouvait s’apparenter à un acte de torture ou à d’autres mauvais traitements.

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