Écrire Une avocate accusée injustement risque la prison

Sirikan Charoensiri, avocate spécialiste des droits humains également connue sous le nom de June, et 14 militants étudiants pacifiques qu’elle a représentés en juin 2015 risquent de faire l’objet d’un procès inique devant un tribunal militaire. Si elle est déclarée coupable, elle encourt une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans d’emprisonnement.

Sirikan Charoensiri, une spécialiste du droit et de la documentation travaillant pour l’ONG Thai Lawyers for Human Rights (TLHR, avocats thaïs pour les droits humains), risque d’être poursuivie pour avoir offert une assistance juridique à des militants du Nouveau mouvement pour la démocratie il y a plus d’un an. Le 22 octobre, les autorités ont accusé Sirikan Charoensiri de sédition au titre de l’article 116 du Code pénal, ainsi que de « rassemblement politique illégal » constituant une violation de l’article 12 du décret n° 3/2015 du Conseil national pour la paix et l’ordre (CNPO), décret qui érige en infraction tout rassemblement politique de cinq personnes ou plus.

Aucune date n’a encore été fixée pour le procès, mais elle a jusqu’au 22 novembre pour fournir des déclarations, une liste de témoins et des éléments de preuve à la police. Si elle est poursuivie, elle sera jugée par un tribunal militaire.

Sirikan Charoensiri est déjà inculpée depuis mai 2016 de « désobéissance à des directives officielles » au titre de l’article 368 du Code pénal et de « dissimulation de preuves » au titre de l’article 142 du Code pénal. Ces accusations sont liées à son refus de se plier aux demandes de policiers qui souhaitaient fouiller sa voiture sans présenter de mandat après l’arrestation de ses clients en raison de leur rassemblement pacifique en faveur de la démocratie à Bangkok le 25 juin 2015. Elle a également été accusée d’avoir fait de fausses déclarations à la police parce qu’elle a porté plainte pour faute contre les agents de police qui avaient par la suite saisi son véhicule.

Dans le cadre de son travail pour l’ONG Thai Lawyers for Human Rights (TLHR), Sirikan Charoensiri a représenté des étudiants et de jeunes militants du Nouveau mouvement pour la démocratie, un groupe de militants en faveur de la démocratie. Cette ONG fournit des services d’aide juridique aux personnes arrêtées, détenues et poursuivies au titre de la législation relative à l’état de siège ou sur ordre du Conseil national pour la paix et l’ordre (CNPO), notamment des civils poursuivis devant des tribunaux militaires. Les clients de Sirikan Charoensiri ont été accusés d’avoir organisé de petites manifestations pacifiques en mai et juin 2015 (voir AU 136/15 et ses mises à jour) afin de protester contre les vastes pouvoirs et l’impunité dont jouit le CNPO, qui a pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État en mai 2014. Ils protestaient également contre les restrictions de l’exercice pacifique des droits aux libertés d’expression, de rassemblement et d’association. Ces personnes risquent de faire l’objet d’un procès inique devant un tribunal militaire pour des accusations de sédition au titre de l’article 116 du Code pénal et pour violation du décret 3/2015 du CNPO, qui érige en infraction les rassemblements « politiques » de cinq personnes ou plus dans le cadre de l’état de siège.

Peu après le coup d’État militaire de 2014, le CNPO a étendu les compétences des tribunaux militaires pour leur permettre de juger des civils ayant enfreint des ordres militaires et ayant commis des infractions liées à la « sécurité nationale ». Amnesty International s’oppose à l’utilisation de tribunaux militaires pour juger des civils, dans tous les pays et en toutes circonstances, car cela bafoue le droit à un procès équitable. Le gouvernement militaire a passé un décret en septembre 2016 afin de mettre fin à la compétence des tribunaux militaires pour les affaires concernant des civils. Cependant, ce décret ne s’applique qu’aux infractions commises après septembre 2016, et des centaines de civils risquent toujours d’être jugés devant des tribunaux militaires.

Les premières accusations portées contre Sirikan Charoensiri en mai 2016 sont liées à son refus de permettre à la police de fouiller sa voiture sans mandat. Sirikan Charoensiri et d’autres avocats se trouvaient au tribunal militaire de Bangkok pour apporter une aide juridique à leurs clients qui avaient été placés en détention provisoire tard dans la nuit du 26 juin 2015. Après l’audience et pendant la matinée du 27 juin 2015, elle a refusé de se plier aux demandes de policiers qui souhaitaient fouiller sa voiture sans mandat, afin de chercher les téléphones des étudiants. Les policiers ont par la suite saisi et fouillé son véhicule, dans lequel se trouvaient des dossiers d’avocats et des ordinateurs personnels, ainsi que cinq téléphones appartenant à ses clients. Elle a porté plainte pour faute contre les policiers concernés, bien que la police l’ait menacée de déposer une contre-plainte. Les accusations les plus récentes sont liées à sa collaboration avec des clients au cours de leurs manifestations à Bangkok le 25 juin 2015. Au moment de l’inculper, les policiers ont informé Sirikan Charoensiri qu’un militaire qui avait formulé les accusations contre elle l’avait vue placer les téléphones portables de ses clients dans sa voiture. Après avoir examiné des photos d’elle, le militaire l’a également accusée d’avoir été impliquée dans les manifestations du groupe.

Les autorités ne s’en sont pas seulement prises à des membres de groupes de manifestants, elles ont également poursuivi des personnes qui soutenaient ces groupes et fournissaient un soutien à leurs activités sur le plan juridique ou journalistique. En septembre 2015, les autorités ont accusé Baramee Chaiyarat, militant des droits sociaux et "membre du bureau d’Amnesty International Thaïlande". Thaïlande, de sédition parce qu’il avait soutenu des membres du Nouveau mouvement pour la démocratie lors du même événement que Sirikan Charoensiri. En juillet 2016, elles ont arrêté un journaliste qui voyageait avec des membres du Nouveau mouvement pour la démocratie. En mai 2016, les autorités ont condamné un enseignant retraité de 77 ans à six mois de prison avec sursis et à une amende de 8 000 bahts – qui a été réduite de moitié après qu’il eût plaidé coupable. Il avait donné de la nourriture provenant d’un restaurant McDonald’s et des fleurs à un manifestant pacifique en faveur de la démocratie en mars 2015. Les autorités l’avaient en premier lieu accusé de sédition au titre de l’article 116 du Code pénal, mais avaient par la suite abandonné ces charges.

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