Écrire Une étudiante risque d’être expulsée vers l’Afghanistan

Taibeh Abbasi, étudiante de 18 ans, risque d’être expulsée de manière imminente vers l’Afghanistan, un pays où elle n’a jamais mis les pieds. Malgré la hausse du nombre de victimes civiles en Afghanistan, la Norvège a décrété que Kaboul était un endroit sûr pour y renvoyer des gens. Si Taibeh Abbasi est expulsée vers l’Afghanistan, pays déchiré par la guerre, elle risque de subir de graves violations des droits humains.

Taibeh Abbasi, étudiante de 18 ans, sa mère et ses deux frères risquent d’être expulsés de Norvège vers l’Afghanistan à tout moment, la Cour suprême ayant rejeté le 30 novembre 2017 l’appel interjeté par la famille de la décision qui avait annulé leur statut de réfugiés. Le 19 février, la Commission des recours en matière d’immigration a rejeté leur recours concernant cette annulation et ordonné à la famille de quitter la Norvège d’ici le 11 mars.

Taibeh Abbasi est née en Iran de parents afghans appartenant au groupe ethnique minoritaire des Hazaras. Sa famille a fui l’Afghanistan en 1998, sous le régime des talibans. En raison de la discrimination en Iran, la famille est partie pour la Norvège durant l’été 2012. Ils vivent depuis lors à Trondheim, dans le centre de la Norvège, où Taibeh Abbasi et ses frères sont scolarisés et bien intégrés. Taibeh Abbasi et sa famille se sont vus accorder le statut de réfugiés en Norvège en septembre 2012. Cependant, le 25 mars 2014, le directeur des services de l’immigration a annulé ce statut, au motif que les preuves n’étaient pas suffisantes pour établir une peur fondée des persécutions en Afghanistan et que Kaboul était un endroit sûr en termes de renvoi. Le recours de la famille devant la Commission des recours en matière d’immigration le 14 octobre 2017 a été rejeté, tout comme les suivants déposés devant les tribunaux norvégiens. Les services norvégiens de l’immigration maintiennent que Kaboul représente une possibilité de s’installer dans le pays pour Taibeh Abbasi et sa famille. En termes de victimes civiles, pourtant, c’est actuellement la province la plus dangereuse d’Afghanistan. La situation en termes de sécurité dans le pays se détériore et aucune région ne peut être considérée comme sûre, car de nombreux groupes armés se battent pour contrôler le territoire. S’ils sont expulsés, Taibeh Abbasi et sa famille seront exposés à un risque de graves violences.

« À Kaboul, il n’y a aucun avenir pour mes frères et moi, a déclaré Taibeh Abbasi. Nous serons exposés à la discrimination et ressentirons physiquement ce que cela veut dire d’appartenir à une minorité menacée. En tant que fille, je serai particulièrement exposée. Mes rêves d’études et de carrière seront anéantis. »
De nombreux Afghans en Norvège risquent d’être renvoyés vers l’Afghanistan ravagé par la guerre, bien que ces renvois soient illégaux au regard du droit international. En vertu du principe de non-refoulement, qui a un caractère contraignant en droit international, les États européens ne peuvent transférer qui que ce soit dans un endroit où il existe un risque réel de graves violations des droits humains. Renvoyer des personnes en Afghanistan vers le danger et les persécutions alors même que ce pays est en proie à une escalade de la violence constitue une violation du droit international.

L’Afghanistan est actuellement en prise avec un conflit armé interne entre des « éléments antigouvernementaux » et les forces progouvernementales. Parmi les éléments antigouvernementaux figurent les talibans et le groupe se désignant sous le nom d’État islamique (EI), mais plus de 20 groupes armés opèrent dans le pays. La Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) a indiqué que 2016 a été l’année la plus meurtrière pour les civils jamais enregistrée, avec 11 418 personnes tuées ou blessées. Selon l’ONU, l’insécurité et les violences liées au conflit infligent de graves préjudices aux civils, notamment aux femmes et aux enfants.
La dégradation de la situation en termes de sécurité s’est poursuivie en 2017. Du 1er janvier au 30 juin, la MANUA a recensé 5 243 victimes civiles. La plupart ont été touchées par des engins explosifs artisanaux utilisés par des « éléments antigouvernementaux », par exemple lors d’attentats-suicides. En termes de victimes civiles, Kaboul est la province la plus dangereuse en Afghanistan, même si les habitants sont exposés au danger sur tout le territoire. Le conflit est volatile et implique de multiples groupes qui cherchent constamment à gagner ou regagner des territoires, et dont les actes s’avèrent imprévisibles.

De nombreux habitants dans le pays risquent tout particulièrement d’être persécutés, indépendamment du fait que la zone soit sous contrôle des forces progouvernementales ou des éléments antigouvernementaux. Dans les zones contrôlées par le gouvernement, les représentants de l’État commettent régulièrement des violations des droits humains. Les groupes armés progouvernementaux se rendent responsables de violations – homicides délibérés, agressions, extorsions et actes d’intimidation notamment. Dans les régions sous contrôle des éléments antigouvernementaux, les violations sont généralisées : exécutions extrajudiciaires, torture et mauvais traitements, privation des droits à la liberté de mouvement, d’expression, de participation politique, d’accès à l’éducation, et du droit à la santé. En outre, les deux camps bafouent les droits humains dans des zones en dehors de leur contrôle respectif.

Pourtant, alors que la violence augmente, les pays européens continuent de renvoyer des personnes, toujours plus nombreuses, en Afghanistan – près de 10 000 en 2016. La Norvège est l’un des pays européens qui renvoient le plus grand nombre d’Afghans : 760 en 2016 et 172 au cours du premier semestre 2017, selon Eurostat. Amnesty International a rendu compte du sort dramatique d’Afghans renvoyés par des États européens dans leur pays, où ils ont été tués, blessés lors d’attentats à l’explosif, ou vivent dans la crainte constante de subir des persécutions.
Afin de procéder à ces renvois, la Norvège, ainsi que d’autres gouvernements européens, désignent arbitrairement certaines zones en Afghanistan comme des zones « sûres », en se fondant sur l’idée qu’il est possible de trouver refuge dans d’autres régions dans son propre pays. En d’autres termes, les autorités reconnaissent que la province d’origine de la personne concernée est dangereuse, mais estiment qu’elle peut s’installer ailleurs dans le pays. La Norvège considère que Kaboul peut constituer une telle possibilité, alors que c’est là qu’on enregistre toujours le plus grand nombre de victimes civiles, et l’idée qu’il est possible de trouver refuge dans d’autres régions en Afghanistan n’est donc pas crédible.

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